Sport et racisme : carton rouge vif pour le foot amateur
« Tous les sports sont concernés », assène Patrick Kahn, porte-parole de la Licra en région AuRA. Mais il est vrai que le football, sport phare des audimats, cumule actuellement les Unes sur les actes de racisme. Encore très récemment, des récidives d’insultes racistes ont émaillé plusieurs rencontres de Ligue 1, le championnat national de foot, et plusieurs sanctions disciplinaires et financières à l’encontre des grands clubs impliqués sont de nouveau à l’étude.
Reste que ce qui crève l’écran des JT n’est, paraît-il, que la partie émergée de l’iceberg. Car dans le sport amateur, et le foot notamment, les faits relevant du racisme sont récurrents chaque week-end. « Le foot amateur est gangrené par des incidents violents à caractère raciste et la situation se dégrade de saison en saison », assure Patrick Kahn qui situe le fameux drame de Crépol*, dans la Drôme, en novembre 2023, comme un tournant. « La parole raciste s’est ensuite libérée et l’on voit depuis des comités d’accueil de supporters dans les clubs qui profèrent des propos et des insultes racistes à l’encontre des joueurs. ça touche même les très jeunes. On a vu récemment un match s’arrêter et des enfants de 9-10 ans quitter le stade en pleurant. »
Et « seulement un tiers de propos racistes sont portés à notre connaissance », estime Patrick Kahn, qui avoue être confronté à une certaine omerta sur la question. « Beaucoup de victimes ne vont pas jusqu’au bout de la démarche [de dénonciation] par peur des représailles. »
La Fédération française de football a créé un observatoire des comportements, des actions de sensibilisation sont menées dans les clubs, auprès des éducateurs, des parents, certaines collectivités comme la ville de Lyon ont mis en place un process de subventions conditionnées au respect des valeurs républicaines ; il n’empêche que « les joueurs amateurs ne sont pas protégés comme les professionnels » et que le risque pointe sérieusement de « voir des personnes victimes ne plus venir au sport » – et là on pense aux plus jeunes – fait valoir le représentant de la Licra.
En matière de prévention, « les clubs essaient de mener de vrais projets éducatifs mêlant le sportif, le social et l’insertion », explique-t-il encore. « Ce rôle prépondérant n’est pas assez reconnu et difficile à porter, ce ne sont souvent que des bénévoles. » Sur la question du traitement des incidents, des solutions sont également à imaginer comme celle de la tenue d’un atelier pédagogique au site mémorial du Camp des Milles à Aix-en-Provence suite à un incident grave entre joueurs lors d’un match. « Les joueurs sanctionnés ont fait une véritable découverte ce jour-là et réagi en parents en promettant de revenir visiter le site avec leurs enfants. Ce sont de telles expérimentations qui sont à mener et à développer », propose Patrick Kahn.
A l’UNSA Éducation, nous nous félicitons de telles initiatives tout en reconnaissant le trop faible engagement des pouvoirs publics pour lutter efficacement contre le racisme au regard de sa progression dangereuse dans les stades, amateurs comme professionnels. Le volet éducatif de la réponse semble une évidence : il est une nécessité de mener cette lutte depuis les plus jeune âge, dans le cadre scolaire, sportif et de loisirs mais aussi familial car les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.
Si nous dénonçons tout acte de racisme dans notre société, nous dénonçons donc aussi le réel manque de moyens et de volonté politique d’agir en amont pour assurer les conditions d’un cadre de vie citoyen propice au vivre ensemble et au respect d’autrui et des différences.
* Une bagarre entre jeunes des cités de Romans-sur-Isère et jeunes rugbymen du village de Crépol avait tourné au drame avec la mort d’un adolescent de 16 ans, tué à l’arme blanche.