Égalité femmes-hommes : « Nous sommes traités à égalité »

Pour Eric et Fabienne, enseignants dans le Loiret, si l’égalité femmes-hommes relève d’avantage d’une question de société, il y a encore beaucoup à faire sur la question des violences sexuelles et sexistes dans nos métiers.

Assis côte à côte, il finit les phrases qu’elle a commencées, elle l’aide à trouver le mot précis reflétant sa pensée, corrige une date. Eric et Fabienne échangent beaucoup, notamment chaque soir, lors d’un « temps de mise en commun rituel » où ils se racontent leur journée. Puisque l’UNSA Éducation part cette année à la rencontre des collègues pour les questionner sur la question de l’égalité femmes-hommes, il paraissait indispensable d’aller interroger un couple d’enseignants.

D’autant que leurs parcours éclairent différemment cette question. Fabienne est professeur d’anglais dans le secondaire depuis la rentrée 1991 : «C’est un métier que j’ai choisi. L’anglais a toujours été my cup of tea ! Cela m’a semblé une évidence de vouloir transmettre ma passion pour la civilisation et la culture anglophone. » Eric, lui, a d’abord eu une carrière dans le privé, dans le contrôle de gestion industriel, dans les secteurs cosmétiques et agro-alimentaires. « Je ne m’y réalisais pas totalement, explique-il aujourd’hui dans leur appartement du Loiret. Ce sont des métiers où l’on est condamnés à progresser. Et ce n’est pas dans mon ADN de mettre mon mouchoir sur certains principes pour grimper dans les échelons. » C’est Fabienne qui lui souffle l’idée de l’enseignement. Après une journée passée à l’école de leur deuxième fils en tant qu’accompagnateur, Eric en revient avec une idée claire. « Le soir, tu m’as dit : “J’ai une révélation, c’est ça que je veux faire !“ », se souvient Fabienne.

Parents de deux fils, Fabienne et Éric ont connu plusieurs phases dans l’articulation de leur vie privée et de leur vie professionnelle. « Lorsque j’étais cadre, Fabienne gérait la maison à 99 %, explique Éric. Quand j’ai eu le CRPE, on a trouvé un équilibre progressivement. » « Quand Bastien, l’aîné, était petit, je travaillais à temps plein, et j’ai toujours eu une sorte de regret. Pour Louis, j’ai pris un congé parental que je ne regrette absolument pas », raconte Fabienne. Éric a ensuite eu plus de temps pour s’occuper de leur deuxième fils. « Quand une jeune collègue me parle de la possibilité de prendre un congé pour élever ses enfants, je lui dis de ne pas hésiter si elle en a les moyens », indique Fabienne. Pour le couple, cette distribution des rôles était tributaire de l’ancien métier d’Éric. « Dans l’Éducation nationale, il est plus facile d’obtenir un congé parental, détaille-t-il, que l’on soit un homme ou une femme. Dans le privé, quand vous êtes cadre, on va vous accorder ce congé, mais ensuite on va vous freiner dans votre promotion, dans l’avancement de votre carrière. » « On fait partie des métiers où il y a une réelle égalité femmes-hommes, en matière de salaires, de congés, dans toute la partie légale. Nous sommes traités à égalité par l’administration », complète Fabienne. Pour Éric, « les inégalités qui persistent ont des raisons exogènes à l’Éducation nationale. Le principal frein à une réelle parité dans les postes à responsabilité ne relève pas de l’aspect légal, mais plutôt de la capacité des femmes à s’emparer de ces postes, sans s’autocensurer. »

D’ailleurs, Fabienne envisage-t-elle d’évoluer vers un poste de Perdir ou d’IPR ? « Ça ne me déplairait pas, mais est-ce que j’en suis capable ? » « Moi je pense que tu en es capable ! », lui assure Eric.

Leurs fils sont aujourd’hui âgés de 29 et 25 ans. Malgré le passage de presque trois décennies, Fabienne n’a pas oublié le jour où elle a annoncé à sa principale qu’elle était enceinte. « J’étais alors maître auxiliaire, quand je suis allée la voir pour l’avertir que j’attendais un enfant et qu’à partir d’une certaine date je serais en arrêt, ça a été d’une violence ! Elle m’a lancé : “Si même les maîtres auxiliaires s’y mettent, comment on va faire !“ Je ne m’y attendais tellement pas, surtout venant d’une autre femme ! » Dans leur quotidien professionnel, ce sont bien les violences sexistes et sexuelles, des blagues vaseuses aux attaques frontales, qui attirent leur vigilance. Comme ce personnel administratif qui avait tenu des propos misogynes sur Fabienne et pour qui une femme qui s’agace est forcément « hystérique », entre autres joyeusetés.

« C’est là qu’il y a à faire, concluent-ils, notamment dans les rapports de pouvoirs. Et le plus choquant vient parfois des femmes elles-mêmes. »

 

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