Égalité femmes- hommes : « Dépasser enfin le plafond de verre»

Depuis 2018, l’académie s’est engagée dans un processus de labellisation AFNOR sur deux labels. L’un concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, avec un plan d’action académique pluriannuel. Rencontre avec Frédéric Clavé, IA-IPR-EVS, référent académique égalité professionnelle et diversité.

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de cette action ?

En 2017 le ministère de l’Education nationale s’est engagé dans l’obtention des labels« Egalité » et « Diversité » de l’AFNOR. C’est lui qui doit être labellisé, il a donc mobilisé les académies pour y parvenir. Il y avait trois académies pilotes : Versailles, Rennes et Strasbourg. J’ai pu participer au groupe de pilotage national, ce qui a permis à l’académie d’Orléans-Tours d’être reconnue pour le travail engagé. Depuis juin 2023, nous faisons partie du « périmètre des six académies pilotes » avec, en plus de ces académies, Lille et Limoges. Ça oblige, c’est un élément moteur.

Nous devons répondre à un cahier des charges que nous nous efforçons de mettre en place progressivement. La clé de voûte de ce plan reste la formation assurée par l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF). Dès 2019, un groupe d’une vingtaine de formateurs académiques a été constitué, les maquettes réalisées. Même si nous avons été coupé.es dans notre élan par le COVID, depuis, nous sommes prêt.es !

 

Quel premier bilan en tirez-vous ?

 Nous avons deux points forts : la formation et la constitution d’un véritable réseau. Vingt-cinq formateurs forment en premier lieu un public ciblé et désigné : inspecteurs, équipes de direction des EPLE (personnels de direction et secrétaires généraux), chef.fes de division dans les services déconcentrés, plus les services RH comme la Division des personnels enseignants (DPE) ou la Division des examens et concours (DEC). Nous proposons aussi trois formations de 6h, avec 2 niveaux d’expertise (du stéréotype à la discrimination, les violences sexuelles et sexistes et les gestes RH) étendue à l’ensemble des personnels, accessible via le Plan académique de formation. L’idée est que le maillage de personnes formées soit de plus en plus serré.

 

En tant que référent académique égalité professionnelle et diversité pour l’académie, quel est votre champ d’action ?

 Dans beaucoup d’académies, le référent est le directeur ou la directrice des ressources humaines : la fonction est parfois un peu noyée. Dans l’académie d’Orléans-Tours, ce n’est pas le cas, j’en suis dissocié. Cependant, n’étant pas déchargé pour cette mission, il est nécessaire de se reposer sur d’autres personnes, le réseau. Il y a huit référent.es dans les départements * qui prennent en charge certaines formations ou actions auprès des DASEN. Un poste de chargé de mission a été créé à la rentrée 2022, Cécile Daimay, accompagne les référents départementaux et se déplace si besoin pour mettre en place des actions, de la formation et le travail partenarial avec les associations, les organisations syndicales, la préfecture ou encore la MGEN. Nous avons également recruté en septembre une service civique dont la mission est centrée sur la communication. Ce réseau est fondamental : cette mission ne repose pas que sur une seule personne.

Par ailleurs, mon quotidien est aussi rythmé par des commissions auxquelles je participe aux côtés du DRH, de la DPE. Elles concernent notamment la promotion et la mobilité. Je vérifie, par exemple, que les critères d’égalité de promotion femmes-hommes soient assurés. Pour le recrutement, avec les habitudes, les stéréotypes, il y a toujours un risque d’être discriminant si on ne prend pas le temps de s’interroger sur la manière dont on fait les choses. La formation des jurys de concours est donc essentielle. Je suis aussi membre de la Mission Académique pour l’Encadrement. Ce dispositif est important pour détecter des personnes « à potentiel » afin de les pousser à candidater sur un poste. C’est peut-être ainsi, par ce genre d’action, notamment pour les femmes, valorisante pour les collègues et dépassant l’autocensure, qu’on ira vers plus d’égalité et de diversité, qu’on dépassera enfin le plafond de verre ou le plancher collant.

Sur un plan plus humain, est-ce que cette mission a modifié certaines de vos représentations initiales sur le sujet ?

 Oui ! Quand on m’a proposé cette fonction, je n’en étais pas un spécialiste. Depuis, ces fonctions et missions m’ont conduites à investir de plus en plus le domaine des ressources humaines et d’être acteur en matière de recrutement, d’accueil et d’intégration, de gestion de carrière et de formation. Tout le travail avec la préfecture, les associations, les RH m’a permis d’évoluer professionnellement.

Aujourd’hui je fais attention, y compris sur de petits éléments comme le choix des mots dans les appréciations ou encore sur les fiches de poste. Tout cela s’enrichit au quotidien.

 

L’un des axes de ce plan d’action prévoit de « créer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles ». Or, nous partons de loin. Quel constat faites-vous et quels leviers pouvez-vous actionner ?

 Il convient de distinguer ce qui vient de l’institution et ce qui vient des personnes elles- mêmes. Si on prend pour exemple le corps des personnels de direction, il compte 53% de femmes, mais seulement 25% des proviseur.es des plus gros lycées, sont des femmes. Cela interroge. Sur le terrain, on constate qu’il faut être chef.fe d’établissement pendant 20, 25 ans pour obtenir ces postes importants. Ce qui signifie que si on veut les avoir, il faut passer le concours assez jeune, autour de 35 ans. Or, les femmes le passent plus tard, autour de 45 ans, quand les enfants sont à minima au collège et, en plus, elles sont souvent moins mobiles.

Ce n’est pas le système qui crée cette situation mais de fait, elle existe. Pour pousser vers des postes à responsabilité, il faudrait que, comme pour le handicap, ce ne soit pas à l’employé.e de s’adapter mais à l’employeur d’accepter des choses. Des aménagements peuvent sans doute exister pour favoriser les femmes à candidater sur des postes plus jeunes. Il faut faire confiance à ses cadres. On est encore trop dans l’image traditionnelle, où il faut être présent.e de 8h à 20h. Beaucoup ne s’autorisent pas de liberté à cause du regard des autres.

 

Au-delà même de la prise de responsabilité, la carrière au sein d’un corps est également différente selon que l’on soit un homme ou une femme. Là encore, quels sont les leviers possibles ?

 Faire carrière ne doit pas être un « gros mot ». De nombreuses choses ont été mises en place : RH de proximité, missions académiques pour l’encadrement, etc. Il est fondamental de trouver des solutions pour l’ensemble des personnels.

L’inégal accès à la hors classe ou à la classe exceptionnelle est réel mais sur ce point, cela va se normaliser dans le temps. Les critères sont clairement objectivés pour le nombre et le contingent. Ensuite, on voit bien que les personnes les plus valorisées financièrement sont celles qui s’investissent le plus : professeur.e principal.e, heures supplémentaires, IMP, pacte etc. Les femmes ne s’en emparent pas toujours, souvent pour des raisons personnelles, familiales. Elles continuent aussi à s’auto-censurer, ne postulant sur de nouvelles missions que quand elles se sentent prêtent à 100%. Il y a donc un travail à faire encore plus en amont, dès l’école, pour travailler sur l’orientation, changer les mentalités. Christine Szalkowski, chargée de mission académique égalité fille-garçon, est une alliée importante.

 

Le dernier pilier concerne la lutte contre les discriminations, les violences sexuelles et sexistes, le harcèlement moral. La cellule Stopdiscri a été lancée en septembre, un questionnaire intitulé Baromètre académique, mesurer la diversité, envoyé à l’ensemble des personnels. Pouvez-vous nous en parler ?

 La lutte contre les discriminations est un sujet fondamental. Les difficultés autour des identités de genre sont importantes, y compris pour le bien-être de tous nos personnels. Pourtant on en parle peu. Lutter contre les discriminations LGBTphobes subies par les élèves est évidemment un combat mais nous sommes le seul observatoire à avoir également inclus un volet sur le personnel. Dans le questionnaire dont vous parlez, nous avons questionné toutes les formes de discriminations et nous avons reçu plus de 6000 réponses (1 agent/8). Cela montre que le sujet est pertinent. Il sera réalisé tous les deux ans pour permettre un travail de diagnostic régulier. Il y aura un traitement statistique et prospectif sur les éléments à travailler avec sans doute une présentation publique des résultats lors de la 3e édition du chemin de l’égalité et de la diversité qui se déroulera à partir du 2 avril 2024. Notre académie sera la première à signer, le 2 avril, la charte d’engagement LGBT de l’autre cercle pour favoriser l’inclusion des LGBTQI+.

Stopdiscri, la cellule académique de signalement des actes de violences, discriminations ou harcèlement, a été lancée le 16 septembre. La première commission a eu lieu avant les vacances d’automne. Il faudra du temps pour qu’elle s’installe, il nous faut encore communiquer pour la faire connaître dans tous les départements et à tous les personnels. Les expériences d’autres académies le prouvent : c’est un travail sur le long terme mais qui a une vraie utilité pour les victimes.

 

Les choses vont dans le bon sens mais comment toucher l’ensemble des collègues ?

 C’est le challenge ! Nous avons recruté Alix Caudart en service civique chargée de la communication sur PIA et sur le site public. Elle sera utile pour faire connaître « Les Chemins de l’égalité », l’existence de Stopdiscri, etc. Il faut continuer à se questionner, à travailler. Le baromètre sera un bon outil de communication et d’espoir, avec de futurs axes de travail pour le plan d’action 2024-2026.

Ce réseau égalité professionnel va continuer à exister et à se développer. C’est aussi un des enjeux de l’axe 2 du nouveau projet académique pour le bien-être des personnels.

Parcours professionnel de M. Clavé :
Professeur de SES à partir de 1995, je suis devenu personnel de direction à partir de la rentrée 2005 et IA-IPR EVS en 2020.
En 2018, j’ai rejoint le réseau égalité professionnelle et diversité au côté d’Evelyne Richard, notamment sur le volet formation. Je lui ai succédé à la rentrée 2019 comme référent académique. Je suis également depuis avril 2021, pilote de l’observatoire académique de prévention et de lutte contre les discriminations LGBTQIA+.

A lire sur notre site:

Egalité femmes-hommes : vous avez la parole

Egalité femmes-hommes : entretien Estelle Ville

 

Info pratique:

* Liste des référent.es égalité professionnelle de l’académie :

 

Pour aller plus loin :

Plan égalité professionnelle académique

Présentation de « Stopdiscri » : PIA>ma carrière, ma vie pro>onglet: stopdiscri