La carence de monsieur Tourret

Le rapporteur «pour avis» du budget de la Fonction publique préconise d'établir un «jour de carence d'ordre public» en cas de congé maladie. Pour l'UNSA, c'était non, c'est encore non et ça restera «Non au jour de carence!» Et si le préfet Lépine avait créé un concours des fausses bonnes idées, monsieur Tourret aurait eu des chances de l'emporter.

Le rapporteur «pour avis» du budget de la Fonction publique préconise d’établir un «jour de carence d’ordre public» en cas de congé maladie. Pour l’UNSA, c’était non, c’est encore non et ça restera «Non au jour de carence!». Et si le préfet Lépine avait créé un concours des fausses bonnes idées, monsieur Tourret aurait eu des chances de l’emporter.

Monsieur Alain Tourret, député du Calvados, est rapporteur «pour avis» du budget 2015 de la Fonction publique. Réclamant sans doute le bénéfice de son quart d’heure de gloire (modèle breveté Andy Warhol), il a formulé deux ou trois propositions dont le retour au jour de carence dont il signale pourtant l’abrogation récente (par la loi de finances 2014, très précisément son article 126).

Monsieur Tourret se plaint de l’absence d’un bilan précis. Il a pourtant bien eu les explications de la direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP) qui, cite-t-il:

«considère néanmoins que les effets du jour de carence pour limiter l’absentéisme n’ont pas été démontrés. […] Il n’a pas été mis en évidence de recul significatif généralisé des arrêts de travail entre 2011 et 2012.»

À l’évidence, il est plus sensible aux jérémiades de la FHF (Fédération hospitalière de France, autrement dit les employeurs hospitaliers publics) dont l’argument majeur et superlatif était «la moindre dépense», mais qui relevait qu’il y avait de fortes variations selon les établissements. En vertu de ces éléments et tout bien considéré, monsieur Tourret a cru bon de proposer l’instauration d’un «jour de carence d’ordre public, en cas de congé de maladie ordinaire, dans le secteur public et le secteur privé».

Cette expression juridique («d’ordre public» qui signifie tout simplement que le prélèvement d’une journée est obligatoire pour tout le monde (et que, pour les salariés du secteur privé, aucune convention collective de branche ou d’entreprise de peut permettre d’y déroger comme aujourd’hui).

Le jour de carence est à peine supprimé qu’il faudrait le rétablir… sans attendre la moindre évaluation de l’application du décret du 5 octobre 2014 sur la transmission des justificatifs requis dans le délai de 48 heures et les pénalisations financières prévues en cas d’inobservation de ce texte par les personnels (voir cet article du site). C’est à tort, pourtant, qu’on prendrait monsieur Tourret pour un partisan de Nicolas Sarkozy qui s’est exprimé dans le même sens récemment, pour les seuls fonctionnaires (dans la mesure où pour serait la préposition appropriée…). Mais peu importe l’étiquette: c’est sur le fond du propos que nous nous prononçons.

Pour l’UNSA Éducation et l’UNSA Fonction publique, en tout état de cause, notre position n’a pas changé: nous étions hostiles hier au jour de carence; nous l’avons combattu; nous nous sommes battus pour sa disparition parce que, dans sa logique punitive, c’est l’accès aux soins pour les plus fragiles, les moins bien rémunérés qu’il menace… Nous continuerons à combattre toute proposition, d’où qu’elle vienne, visant à y revenir…

D’autres éléments contestables…

Alain Tourret ne manque pas d’imagination: il propose ainsi de créer une «rupture conventionnelle» dans la Fonction publique comme cela est prévu, dans le Code du travail, pour les salariés. La rupture conventionnelle n’est ni la démission ni le licenciement: plutôt un hybride des deux avec une indemnité au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnnelle de licenciement (qui n’existe pas dans la Fonction publique). Mais Alain Tourret ignore peut-être que, contrairement aux salariés de droit privé, les fonctionnaires ne relèvent pas du contrat mais du Statut général.

Au reste, on imagine mal la Puissance publique indemniser largement ses agents pour qu’ils partent. En effet, l’indemnité étant «négociée», puisque la rupture conventionnelle nécessite l’accord des deux parties, peut prendre en compte des «pertes identifiables» sur la suite de la carrière ou même les droits à retraite. Dans un tel système, le nombre de bénéficiaires s’avèrerait très restreint et sans doute «discrétionnaire». On voit bien l’intérêt pour quelques unités désireuses de pantoufler; on n’oublie pas que les dispositifs de cessation anticipée ou progressive d’activité ont été «éteints» par les pouvoir publics en raison de leur coût budgétaire.

Si l’on s’intéresse aux rémunérations évidemment) des agents, on relèvera que le rapport Tourret n’est pas à une contradiction près:

«S’il est vrai, dit-il, que la Fonction publique ne doit pas servir de variable d’ajustement pour permettre au Gouvernement d’atteindre l’équilibre structurel des comptes publics comme le dénoncent certaines organisations syndicales, votre rapporteur pour avis considère qu’il est légitime qu’elle contribue à l’effort national de redressement budgétaire dès lors que les rémunérations des fonctionnaires représentent près d’un quart des dépenses publiques en France (p. 15)

Certes, un rapport n’est qu’un rapport. En matière de rapports parlementaires «pour avis» sur le budget, nous savons bien que, au-delà de leur but théorique (évoquer les questions effectivement posées dans le projet de loi de finances), deux ou trois propositions «bien senties» permettent au rapporteur d’exister (fût-ce pour un quart d’heure de gloire éphémère). La preuve en est sans doute le buzz organisé depuis une semaine alors même que le rapport Tourret n’est accessible sur le site de l’Assemblée nationale que tout récemment. Mais il ne nous en faut pas moins faire montre d’une vigilance extrême: ne pas réagir, c’est laisser faire, laisser préparer les mauvais coups de demain ou d’après-demain.

Et si on parlait de l’essentiel ?

L’UNSA Éducation rappelle que, pour elle, la priorité est à la reconstruction de la grille de la Fonction publique: quand les recrutements, y compris en catégorie A, avoisinent le SMIC, pas étonnant de constater les effets catastrophiques d’une baisse d’attractivité de la Fonction publique de surcroît aggravée par les campagnes de dénigrement constantes visant les personnels. C’est bien sur ce point-là qu’il y a carence!


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Le rapporteur «pour avis» du budget de la Fonction publique préconise d’établir un «jour de carence d’ordre public» en cas de congé maladie. Pour l’UNSA, c’était non, c’est encore non et ça restera «Non au jour de carence!». Et si le préfet Lépine avait créé un concours des fausses bonnes idées, monsieur Tourret aurait eu des chances de l’emporter.

Monsieur Alain Tourret, député du Calvados, est rapporteur «pour avis» du budget 2015 de la Fonction publique. Réclamant sans doute le bénéfice de son quart d’heure de gloire (modèle breveté Andy Warhol), il a formulé deux ou trois propositions dont le retour au jour de carence dont il signale pourtant l’abrogation récente (par la loi de finances 2014, très précisément son article 126).

Monsieur Tourret se plaint de l’absence d’un bilan précis. Il a pourtant bien eu les explications de la direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP) qui, cite-t-il:

«considère néanmoins que les effets du jour de carence pour limiter l’absentéisme n’ont pas été démontrés. […] Il n’a pas été mis en évidence de recul significatif généralisé des arrêts de travail entre 2011 et 2012.»

À l’évidence, il est plus sensible aux jérémiades de la FHF (Fédération hospitalière de France, autrement dit les employeurs hospitaliers publics) dont l’argument majeur et superlatif était «la moindre dépense», mais qui relevait qu’il y avait de fortes variations selon les établissements. En vertu de ces éléments et tout bien considéré, monsieur Tourret a cru bon de proposer l’instauration d’un «jour de carence d’ordre public, en cas de congé de maladie ordinaire, dans le secteur public et le secteur privé».

Cette expression juridique («d’ordre public» qui signifie tout simplement que le prélèvement d’une journée est obligatoire pour tout le monde (et que, pour les salariés du secteur privé, aucune convention collective de branche ou d’entreprise de peut permettre d’y déroger comme aujourd’hui).

Le jour de carence est à peine supprimé qu’il faudrait le rétablir… sans attendre la moindre évaluation de l’application du décret du 5 octobre 2014 sur la transmission des justificatifs requis dans le délai de 48 heures et les pénalisations financières prévues en cas d’inobservation de ce texte par les personnels (voir cet article du site). C’est à tort, pourtant, qu’on prendrait monsieur Tourret pour un partisan de Nicolas Sarkozy qui s’est exprimé dans le même sens récemment, pour les seuls fonctionnaires (dans la mesure où pour serait la préposition appropriée…). Mais peu importe l’étiquette: c’est sur le fond du propos que nous nous prononçons.

Pour l’UNSA Éducation et l’UNSA Fonction publique, en tout état de cause, notre position n’a pas changé: nous étions hostiles hier au jour de carence; nous l’avons combattu; nous nous sommes battus pour sa disparition parce que, dans sa logique punitive, c’est l’accès aux soins pour les plus fragiles, les moins bien rémunérés qu’il menace… Nous continuerons à combattre toute proposition, d’où qu’elle vienne, visant à y revenir…

D’autres éléments contestables…

Alain Tourret ne manque pas d’imagination: il propose ainsi de créer une «rupture conventionnelle» dans la Fonction publique comme cela est prévu, dans le Code du travail, pour les salariés. La rupture conventionnelle n’est ni la démission ni le licenciement: plutôt un hybride des deux avec une indemnité au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnnelle de licenciement (qui n’existe pas dans la Fonction publique). Mais Alain Tourret ignore peut-être que, contrairement aux salariés de droit privé, les fonctionnaires ne relèvent pas du contrat mais du Statut général.

Au reste, on imagine mal la Puissance publique indemniser largement ses agents pour qu’ils partent. En effet, l’indemnité étant «négociée», puisque la rupture conventionnelle nécessite l’accord des deux parties, peut prendre en compte des «pertes identifiables» sur la suite de la carrière ou même les droits à retraite. Dans un tel système, le nombre de bénéficiaires s’avèrerait très restreint et sans doute «discrétionnaire». On voit bien l’intérêt pour quelques unités désireuses de pantoufler; on n’oublie pas que les dispositifs de cessation anticipée ou progressive d’activité ont été «éteints» par les pouvoir publics en raison de leur coût budgétaire.

Si l’on s’intéresse aux rémunérations évidemment) des agents, on relèvera que le rapport Tourret n’est pas à une contradiction près:

«S’il est vrai, dit-il, que la Fonction publique ne doit pas servir de variable d’ajustement pour permettre au Gouvernement d’atteindre l’équilibre structurel des comptes publics comme le dénoncent certaines organisations syndicales, votre rapporteur pour avis considère qu’il est légitime qu’elle contribue à l’effort national de redressement budgétaire dès lors que les rémunérations des fonctionnaires représentent près d’un quart des dépenses publiques en France (p. 15)

Certes, un rapport n’est qu’un rapport. En matière de rapports parlementaires «pour avis» sur le budget, nous savons bien que, au-delà de leur but théorique (évoquer les questions effectivement posées dans le projet de loi de finances), deux ou trois propositions «bien senties» permettent au rapporteur d’exister (fût-ce pour un quart d’heure de gloire éphémère). La preuve en est sans doute le buzz organisé depuis une semaine alors même que le rapport Tourret n’est accessible sur le site de l’Assemblée nationale que tout récemment. Mais il ne nous en faut pas moins faire montre d’une vigilance extrême: ne pas réagir, c’est laisser faire, laisser préparer les mauvais coups de demain ou d’après-demain.

Et si on parlait de l’essentiel ?

L’UNSA Éducation rappelle que, pour elle, la priorité est à la reconstruction de la grille de la Fonction publique: quand les recrutements, y compris en catégorie A, avoisinent le SMIC, pas étonnant de constater les effets catastrophiques d’une baisse d’attractivité de la Fonction publique de surcroît aggravée par les campagnes de dénigrement constantes visant les personnels. C’est bien sur ce point-là qu’il y a carence!


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