Analyses et décryptages

Double vacation : déjà à Mayotte, bientôt dans votre département

La “double vacation” est un terme administratif au sens le plus péjoratif possible. Il cache une vérité honteuse par un terme sibyllin. Cela signifie la possibilité d'accueillir deux groupes d’élèves distincts au cours d’une même journée d’école. Le premier groupe a cours durant la matinée tandis que le deuxième attend son tour, l'après-midi.

Il s’agit là d’une mesure visant à pallier les carences de l’État ou des collectivités au niveau des structures d’accueil et/ou en personnels.

Que cela reflète le manque d’anticipation des évolutions démographiques ou l’absence de volonté d’investir dans l’éducation au sein d’un territoire, c’est bel et bien un véritable scandale. Si ces mesures, radicales s’il en est, sont tout à fait compréhensibles temporairement dans un pays en guerre ou ayant subi une catastrophe majeure, elles ne le sont pas ailleurs.

 

Or ce système est déjà à l’œuvre dans un département depuis près de 20 ans : Mayotte. Comment comprendre dès lors le fait de l’envisager en Guyane ?

Est-ce à dire que la République choisit lequel de ses enfants elle abandonne ? Et qui seront les prochains sacrifiés ? La Guadeloupe, la Martinique ? La Réunion ? Le système scolaire des territoires ultra marins est déjà sous doté et les problèmes y sont encore plus vifs qu’ailleurs.

 

La double vacation est un mode dégradé de l’École de la République. 

Car il s’agit bel et bien d’une rupture d’égalité dans les conditions d’apprentissage et dans les conditions de travail pour les personnels. Cette mesure devrait être réservée à des cas extrêmes, limitée dans le temps et conditionnée à un plan d’urgence de formation du personnel,  nécessairement volontaire,  et de constructions d’écoles et d’établissements. Pour que ce plan soit crédible, il faut qu’il soit pluriannuel, consensuel, réaliste et financé. Si ce n’est pas le cas, nous prenons le risque de reproduire une situation telle que celle de Mayotte où ce système existe depuis près de deux décennies. Si ce n’est pas le cas, nous acceptons deux systèmes éducatifs parallèles : les écoles publiques en double vacation pour les élèves issus des milieux défavorisés, les écoles privées sous contrat fonctionnant sur un rythme normal pour les autres.

 

Cette proposition indigne revient pourtant sur le tapis de façon récurrente en Guyane.

En 2008,  2012, et 2018 déjà la double vacation a été envisagée à titre “expérimental”. Il s’agit donc bien d’une volonté de l’instaurer de manière pérenne. En effet, quelle crédibilité accorder à l’argument de l’urgence alors que le problème est loin d’être nouveau ? Tant qu’il n’y aura pas de constructions massives pour permettre de scolariser tous les élèves en âge de l’être dans des conditions optimales, la double vacation restera une épée de Damoclès. Pour certain·e·s maires, ce serait pourtant LA solution à toutes les problématiques de financement et de personnel car elles et ils ne sont pas en capacité de financer les écoles, le transport et la restauration seul·e·s. C’est une fausse bonne idée car cela nécessiterait un entretien accru du bâti scolaire, qui a déjà du mal à être l’être. Il faudrait également plus de personnels communal et enseignant, ce qui est une gageure dans un contexte de pénurie.

 

Si chaque territoire d’Outre-mer possède ses spécificités, tous partagent des attentes fortes en matière de développement et de réussite éducative. L’UNSA Éducation revendique des moyens spécifiques pour répondre aux défis structurels (locaux insalubres, inadaptés ; structures éducatives isolées), et faire face aux contraintes climatiques exacerbées. Certains territoires cumulent des difficultés économiques, sociales, culturelles et démographiques qui ont des incidences éducatives. L’UNSA Éducation revendique la prise en compte des particularités des environnements dans la construction des politiques éducatives territoriales et dans la répartition des moyens de l’État.

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