Analyses et décryptages

Mixité sociale : le séparatisme scolaire en marche

Nous finançons collectivement le séparatisme scolaire. L’UNSA Éducation ne cesse de le dénoncer depuis de nombreuses années. Il aura néanmoins fallu la publication des indices de position sociales des collèges pour faire enfin bouger les lignes et contribuer au début d’une prise de conscience. L’UNSA Éducation rappelle que l’État ne devrait pas financer l’École privée. Les premières annonces ministérielles ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux, au premier rang desquels celui de faire nation. Notre société est déjà polarisée, fracturée. Ne prenons pas le risque de son implosion. Réagissons tant qu’il est encore temps.

L’État français et les collectivités locales financent à hauteur de 73% les collèges privés sous contrat. Pourtant, puisque ces établissements ont une liberté de recrutement, ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations que ceux du secteur public. De ce fait, ils se dispensent largement d’accueillir leur part d’élèves socialement défavorisés, en difficulté scolaire, décrocheurs, perturbateurs (voire poly exclus) et plus largement handicapés ou à besoins particuliers. Jusqu’en juillet 2022, il était très difficile d’objectiver cela.

En effet, malgré les demandes répétées venant de toutes parts, le ministère s’obstinait à ne pas rendre public les indices de position sociales (IPS) que les services de la DEPP ont développés depuis 2016. L’argument du ministère était de vouloir éviter que cela ne serve d’outil au contournement de la carte scolaire. Argument hypocrite s’il en est car leur publication, contrainte par une décision du tribunal administratif de Paris, a montré qu’au contraire le séparatisme était déjà de mise et que ce phénomène s’amplifie depuis des années.

Et voilà où nous en sommes aujourd’hui : on voit très clairement (sur le graphique) le groupe des collèges privés sous contrat concentrer les élèves ayant les IPS les plus élevés et uniquement ceux-là. C’est-à-dire qu’ils regroupent les élèves issus des classes favorisées en excluant les autres.

Si nous laissons perdurer ce mouvement, nous passerons d’un séparatisme partiel (mais déjà bien avancé) à l’abandon de l’ambition républicaine et universaliste pour notre école, à une étanchéité entre des populations qui ne se rencontreraient plus. Et tout ceci serait financé par la puissance publique. C’est totalement inadmissible et dangereux pour notre société. Déjà apparaît nettement que les établissements relevant de l’éducation prioritaire et les collèges privés sous contrat sont désormais deux mondes distincts dont les élèves grandissent séparément. Si la stigmatisation des parents faisant le choix de contourner un établissement du secteur public jugé inadapté ou défaillant pour un autre du secteur privé n’est ni opportune ni pertinente, nous ne pouvons pas admettre ce cloisonnement et nous nous devons d’y remédier. Comment faire nation sans se connaître ou se côtoyer ? Comment comprendre l’autre sans partager ses points de vue ? Pour que les mots “égalité, fraternité” inscrits sur nos bâtiments publics aient encore un sens demain, nous devons agir aujourd’hui. Le risque n’est pas la “guerre scolaire” mais bien celui de basculer vers une société de castes qui ne dit pas son nom.

Pour l’UNSA Éducation, il ne s’agit donc pas d’inciter mais bien de contraindre. Il ne s’agit plus de financer mais de conditionner les financements au respect de règles strictes concernant la mixité des publics accueillis.

L’article L111-1 du code de l’éducation est limpide sur ce point :

L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement.

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