Mixité sociale dans l’Éducation : N’ayons pas peur de demander des comptes à l’enseignement privé !
L’UNSA Éducation rappelle la responsabilité forte de la concurrence exercée sur l’École publique par l’enseignement privé. Il est surprenant que les annonces le concernant soient repoussées sous la pression des tenants de l’entre-soi. Cette concurrence, déjà néfaste pour la mixité sociale, ne doit pas être déséquilibrée par de nouveaux avantages à l’enseignement privé, quand les exemples internationaux démontrent à quel point il est difficile d’agir sur les phénomènes de ségrégation quand ils sont trop avancés.
Il faut une détermination politique, associant l’ensemble de la communauté éducative, main dans la main avec les collectivités territoriales, pour agir en profondeur sur les comportements. En effet, les résistances sont fortes, avec des phénomènes de repli dangereux pour le vivre-ensemble. Pourtant, la mixité dans la classe et en dehors de la classe profite à tous les élèves et ne menace les opportunités de personne.
Pour l’UNSA Éducation, renforcer la mixité sociale nécessite des réformes cohérentes, embrassant toutes les politiques publiques, tout d’abord pour retrouver une ambition nationale en matière de politique de la ville et de politiques sociales du logement alors que la non-mixité des quartiers ne cesse de progresser. La mixité sociale doit être le premier critère d’établissement des cartes scolaires et les modalités de répartition des élèves doivent être questionnées, éclairées par les expériences menées par nos voisins, tels que l’Espagne, afin d’assurer une compos ition sociale plus équilibrée des établissements. L’expérience des secteurs multi-établissements à montée alternée doit être élargie à tous les territoires, elle a prouvé son efficacité en milieu urbain.
L’UNSA Éducation salue une utilisation plus systémique des indicateurs sociaux : l’indice de position sociale (IPS), doit devenir déterminant dans la distribution des moyens éducatifs et financiers, y compris ceux octroyés par l’Etat aux établissements privés. L’effort mis en œuvre pour la mixité sociale doit être valorisé. Les établissements qui dépassent un seuil de non-mixité sociale doivent voir leur dotation publique réduite : l’État ne peut pas financer un entre-soi assumé et choisi ! Les établissements privés sous contrat, financés à 85% par l’État, accueillent moins de 6% des élèves d’ULIS et de SEGPA. Ils doivent voir leurs moyens conditionnés à leur participation à l’objectif d’inclusion que s’est donné la nation.
La mixité sociale ne doit pas être de façade, cosmétique : elle doit se faire aussi au sein de la classe, en jouant sur le pilotage des établissements, la formation et le développement professionnel des personnels éducatifs. Il ne s’agit pas d’ouvrir quelques sections prestigieuses dans un petit nombre d’établissements peu attractifs mais bien de revoir en profondeur la carte des enseignements.
Hors de la classe, des compensations doivent être mises en oeuvre pour assurer de réelles opportunités extra-scolaires à tous les enfants : accès généralisé aux échanges et séjours linguistiques, actions de médiation culturelle, réorganisation des transports publics, accès aux internats sur tous les territoires, y compris ultra-marins, ou encore restauration de qualité pour un faible coût, au sein même des établissements. C’est le cas dans les « cités éducatives » dont le périmètre est encore trop restreint.
Notre fédération, qui réunit tous les métiers de l’éducation, de la recherche et de la culture, ne peut se contenter d’un recueil de bonnes pratiques suggérées par notre ministre. Nous voulons des actes forts qui engagent le gouvernement et la nation. Face à un entre-soi social et géographique croissant qui fait placer une menace inédite sur notre République, l’enjeu est bien de faire société pour rendre réelle et vivante la devise nationale.
Ivry sur Seine, le 12 mai 2023,
Frédéric MARCHAND, secrétaire général de l’UNSA Éducation