Analyses et décryptages

Infirmière scolaire, Camille a perdu 88300 euros depuis 2000 à cause du gel du point

Retour sur plus de 20 ans d’érosion de nos traitements sur un exemple concret. Vous êtes fonctionnaire d'État dans l’éducation nationale. Combien avez-vous perdu de pouvoir d’achat à cause du gel du point d’indice ? En cette période de forte inflation c’est une question brûlante. Pourtant c’est bien depuis 2000 que notre pouvoir d’achat est peu à peu grignoté par ce gel, car la valeur du point d’indice représente l’essentiel de nos rémunérations.

Camille est infirmière scolaire depuis novembre 1993. En septembre 2000, son indice était de 341 points. Elle a gravi les échelons suivant les modalités statutaires classiques et, aujourd’hui et jusqu’en septembre 2023, son traitement indiciaire brut sera calculé sur la base de 588 points.

  • Durant cette période, elle aura vu sa progression de carrière amputée par le gel du point d’indice. En effet sur cette période, l’inflation cumulée a été d’un peu plus de 48%. Pendant la même période, le point n’a été revalorisé que de 16% environ.

Cela représente pour Camille une perte de pouvoir d’achat
due au gel du point d’indice de près de 22% sur la période.

  • On peut regarder cela autrement : les grilles statutaires auraient pu lui faire bénéficier d’une augmentation de 72% de son traitement indiciaire brut, mais à cause du gel du point d’indice, celle-ci n’aura été que de 33% (en 23 ans, soit environ 1,25% par année d’expérience).

Plus de la moitié (54%) de l’augmentation statutaire de Camille

aura été annulée par le gel du point d’indice.

  • Mais cela ne s’arrête pas là. Chaque mois, Camille a donc gagné un peu moins que si le point avait suivi l’inflation. Ces pertes se sont accumulées et, au fur et à mesure des années, cela représente une somme plus que conséquente : 75 900 euros bruts et encore davantage en euros constants (en annulant les effets de l’inflation).

En 23 ans Camille aura perdu près de 88 300 euros bruts en euros constants.

Certains cherchent à savoir pourquoi les infirmièr·e·s scolaires réclament une plus grande reconnaissance de leur travail. Camille sait pourquoi.

Il ne faut pas se méprendre, Camille aime son métier. Elle a toujours voulu s’occuper des plus jeunes. Lorsqu’elle a décidé, après avoir obtenu son diplôme, de devenir infirmière scolaire, elle savait qu’elle choisissait un métier riche par la diversité des tâches à accomplir et des situations à gérer. Mais la passion et le sentiment profond de son utilité sociale ne font pas tout.

En 2012, elle espérait beaucoup du passage des infirmièr·e·s de la catégorie B vers la catégorie A. Paradoxalement, cela a eu comme effet collatéral de ralentir grandement son avancement de carrière. Elle considère par ailleurs que la création de l’IFSE en 2014 était une bonne chose mais que sa réévaluation en 2022 n’est pas à la hauteur des attentes légitimes. En effet, cette indemnité avait elle aussi, été largement rattrapée par l’inflation. Après la crise sanitaire, elle s’est sentie oubliée après avoir été écartée, comme tou·te·s les infirmièr·e·s scolaires, du complément de traitement indiciaire accordé dans d’autres ministères lors du Ségur de la santé.

Parallèlement à cela, ses conditions de travail se sont dégradées. Les déserts médicaux se ressentent jusque dans les écoles et les établissements scolaires : le manque d’accès aux soins génère des demandes de plus en plus nombreuses à traiter quotidiennement. L’impact de la crise sanitaire se fait encore ressentir : les retards accumulés dans la prévention ou les bilans à réaliser ne sont toujours pas rattrapés ; les problèmes de santé mentale sont plus nombreux et plus aigus qu’avant mars 2020 et la prise de conscience collective de l’ampleur du phénomène est encore insuffisante. Ce surcroît d’activité l’empêche de réaliser sereinement le travail de fond de prévention et de détection pourtant indispensable et tellement important à long terme.

Aujourd’hui, elle, qui est fonctionnaire d’État, craint la territorialisation, véritable serpent de mer depuis 20 ans. Elle le vivrait comme un retour en arrière, une mise sous tutelle des médecins (par ailleurs peu disponibles à cause de la pénurie et de leur secteur de plus en plus vaste). Ce serait une perte d’autonomie dans ses actions qui irait à l’inverse d’une évolution vers ‘“la pratique avancée”, vers une plus grande reconnaissance de la réalité de son métier. En effet, elle a une grande autonomie et une responsabilité importante dans sa pratique. A titre d’exemples, elle renouvelle des ordonnances dans certains cas très précis, peut administrer la contraception d’urgence, gère la traumatologie, évalue et oriente les problématiques de santé mentale, participe à l’ensemble des éducations à la santé dont l’éducation à la sexualité et à la détection des maltraitances. Son travail va des soins les plus anodins aux gestes de premiers secours en cas de problème de santé majeur, que ce soit d’un jeune ou d’un adulte.

Camille n’est pas contre l’évolution du métier vers “la pratique avancée”. Mais elle attend d’abord une reconnaissance plus importante du travail actuellement accompli. De plus, celle-ci devrait être accompagnée par la mise en place d’une formation ou d’une certification, au niveau master, qui pourrait être associée à une grille de rémunération spécifique incitative et gratifiante.

L’UNSA Éducation reste à disposition de ceux qui souhaiteraient contester ces chiffres et ces calculs et se fera une joie de prouver par A plus B que c’est une réalité. Les lecteurs nous feront grâce des décimales pour une lecture plus claire de cet article mais celles-ci sont présentes dans nos calculs.

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur les données ayant conduit à ces résultats :

https://www.unsa-education.com/article-/24-de-perte-de-pouvoir-dachat-depuis-2000-liees-au-gel-du-point/

Contactez nous si vous voulez en savoir plus sur votre cas personnel : fp@unsa-education.org

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