Un « fesses book » sociologique et politique

« La guerre des fesses est déclarée!». Il ne s’agit nullement d’une plaisanterie grivoise ou d’un nouveau fantasme érotique. Cette déclaration est celle du sociologue Jean-Claude Kaufmann, sérieux directeur de recherche au CNRS, qui depuis 30 ans analyse notre vie quotidienne et «nous invite à décrypter nos propres comportements » (comme le précise la 4ème de couverture).


Il consacre donc son dernier ouvrage à La guerre des fesses . Celle-ci n‘est certes pas nouvelle. Elle sévit depuis au moins dix siècles et oppose tour à tour rondeur des formes et silhouette filiforme. Mais elle semble faire rage renouvelée ces dernier temps, opposant certes deux images de la femme, mais aussi deux approches culturelles. Car, Kaufmann l’affirme : la fesse n’est pas seulement esthétique, elle est sociale, voire politique.


En effet, la disparition de la fesse est programmée! A grand renfort de médecins, nutritionnistes et autres diététiciens, les formes n’ont plus droit de citer. Taille fine, ventre plat, petits seins sont de mise. Et les fesses, déjà si mal considérées, sont appelées à être gommées. Le sport s’alliant à l’exigence de santé, le féminisme recherchant à extraire le corps de la femme de sa réduction à l’état d’objet sexuel, ont largement contribué à ce passage du L au S. Des courbes à la ligne. Mais c’est la mode, et son culte de l’ultra minceur, qui aura été décisive dans cette imposition des nouveaux canons féminins à l’ensemble de la planète.


Le corps sans forme, surtout sans fesse, a donc gagné ? Pas sûr. Car la révolte gronde et se fait entendre. Face aux recours aux liposuccions, régimes et autres tortures fessières, des vedettes affichent leurs rondeurs, des sous-vêtements proposent de redonner même artificiellement du volume aux derrières trop plats, quand ce n’est la chirurgie esthétique qui s’engage dans la pose de prothèses.
Cette affirmation des formes vient du Sud. Elle s’oppose à l’image épurée de la frêle silhouette évanescente occidentale. Elle investit les images et le cinéma, les jeux vidéo et les plages, de la danse et du spectacle. Elle est en guerre contre la mondialisation de la femme mannequin.


Ni la fesse idéale ni le compromis ne semblent exister. Difficile de dire qui gagnera cette guerre. On voit davantage quelles en sont les victimes et comment il est difficile voire impossible de vivre son corps en dehors des impositions des modes, qu’elles viennent du Sud ou du Nord, de la haute couture ou de la danse. En fait, avec Jean-Claude Kaufmann, nous sommes invités à conclure qu’ « il faut suivre les fesses de très près, pour comprendre où va le monde ».


Serge Lama chantait « Je le confesse, la moindre fesse me rend idiot. » Parions qu’avec cet ouvrage, elle nous rende plus intelligent !
 

La guerre des fesses, Minceur, rondeurs et beauté, Jean-Claude Kaufmann, éditions JC Lattès, 2013, 16 €

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« La guerre des fesses est déclarée!». Il ne s’agit nullement d’une plaisanterie grivoise ou d’un nouveau fantasme érotique. Cette déclaration est celle du sociologue Jean-Claude Kaufmann, sérieux directeur de recherche au CNRS, qui depuis 30 ans analyse notre vie quotidienne et «nous invite à décrypter nos propres comportements » (comme le précise la 4ème de couverture).


Il consacre donc son dernier ouvrage à La guerre des fesses . Celle-ci n‘est certes pas nouvelle. Elle sévit depuis au moins dix siècles et oppose tour à tour rondeur des formes et silhouette filiforme. Mais elle semble faire rage renouvelée ces dernier temps, opposant certes deux images de la femme, mais aussi deux approches culturelles. Car, Kaufmann l’affirme : la fesse n’est pas seulement esthétique, elle est sociale, voire politique.


En effet, la disparition de la fesse est programmée! A grand renfort de médecins, nutritionnistes et autres diététiciens, les formes n’ont plus droit de citer. Taille fine, ventre plat, petits seins sont de mise. Et les fesses, déjà si mal considérées, sont appelées à être gommées. Le sport s’alliant à l’exigence de santé, le féminisme recherchant à extraire le corps de la femme de sa réduction à l’état d’objet sexuel, ont largement contribué à ce passage du L au S. Des courbes à la ligne. Mais c’est la mode, et son culte de l’ultra minceur, qui aura été décisive dans cette imposition des nouveaux canons féminins à l’ensemble de la planète.


Le corps sans forme, surtout sans fesse, a donc gagné ? Pas sûr. Car la révolte gronde et se fait entendre. Face aux recours aux liposuccions, régimes et autres tortures fessières, des vedettes affichent leurs rondeurs, des sous-vêtements proposent de redonner même artificiellement du volume aux derrières trop plats, quand ce n’est la chirurgie esthétique qui s’engage dans la pose de prothèses.
Cette affirmation des formes vient du Sud. Elle s’oppose à l’image épurée de la frêle silhouette évanescente occidentale. Elle investit les images et le cinéma, les jeux vidéo et les plages, de la danse et du spectacle. Elle est en guerre contre la mondialisation de la femme mannequin.


Ni la fesse idéale ni le compromis ne semblent exister. Difficile de dire qui gagnera cette guerre. On voit davantage quelles en sont les victimes et comment il est difficile voire impossible de vivre son corps en dehors des impositions des modes, qu’elles viennent du Sud ou du Nord, de la haute couture ou de la danse. En fait, avec Jean-Claude Kaufmann, nous sommes invités à conclure qu’ « il faut suivre les fesses de très près, pour comprendre où va le monde ».


Serge Lama chantait « Je le confesse, la moindre fesse me rend idiot. » Parions qu’avec cet ouvrage, elle nous rende plus intelligent !
 

La guerre des fesses, Minceur, rondeurs et beauté, Jean-Claude Kaufmann, éditions JC Lattès, 2013, 16 €