Suppression du jour de carence: débats éclairants à l’Assemblée
L’Assemblée nationale a voté mardi 12 novembre la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires en arrêt maladie, prévue par le projet de budget 2012. D’anciens ministres de la Fonction publique de la période précédente se sont malheureusement fait remarquer par leur positionnement «anti-fonctionnaires» caricatural.
L’article 67 du projet de loi de finances supprime le jour de carence non indemnisé en cas d’arrêt maladie, il précise que «L’article 105 de la loi n°2011 de finances pour 2012 est abrogé.» (Plus de détails dans cet article précédent du 27-09-2013.)
C’est cet article du projet de budget 2012 (voté fin 2011 par l’ancienne majorité) qui créait le jour de carence dans la Fonction publique. L’UNSA avait d’autant plus condamné cette volonté punitive qu’un de nos constats était que certains agents, notamment les plus bas salaires, renonçaient à se soigner correctement (avec des incidences parfois graves) en raison du poids insupportable du jour de carence sur une rémunération déjà amputée par la perte de pouvoir d’achat.
Quand l’UMP demande de passer…
à trois jours de carence !
L’UMP a tenté, lors des débats, de maintenir cette mesure par des amendements de suppression… de l’article de la loi de finances. Supprimer la suppression, c’était maintenir le jour de carence. Ces amendements ont été rejetés (147 voix contre 100). Les députés UMP ont clamé que le jour de carence instauré par le gouvernement FILLON avait fait baisser l’absentéisme, notamment dans la fonction publique hospitalière, et permis des économies.
Ces mêmes élus UMP ont même proposé l’instauration de trois jours de carence pour les fonctionnaires en arrêt maladie sans plus de succès, témoignant ainsi de toute la considération qu’on devine pour les personnels de la Fonction publique.
L’ancien ministre de la Fonction publique François Sauvadet a jugé «choquant qu’on adresse comme seul signal à la Fonction publique en désarroi la suppression de cette mesure d’équité qui visait simplement à lutter contre l’absentéisme de confort». Il a ajouté : «Quelle image de la justice donnez-vous au moment où vous demandez des efforts aux français ?». On ne s’étonnera pas de ce curieux moyen de répondre à notre «désarroi» : il a sans doute une explication logique que nous dévoilera quelque jour monsieur Sauvadet et qui nous semblera alors lumineuse.
Dans ce concours de «cogne-fonctionnaires» (en anglais civil clerks bashing; en franglais fonctionnaires bashing), Éric Woerth n’a pas été en reste. L’ancien ministre du Budget et de la Fonction publique, le jour de carence permettait de «responsabiliser les agents» et «en ces temps difficiles, il faut évidemment responsabiliser les gens plutôt que de les déresponsabiliser».
L’éthique du service public
Accusée de «céder aux syndicats», Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, a répondu que «la grande majorité des fonctionnaires a vécu cette mesure comme une mise au ban de la Fonction publique». Elle a ajouté que les personnels n’ont pas pour objectifs «d’accumuler des jours d’absence et de mettre en danger le service public».
Car il nous faut bien rappeler que la majorité des salariés — et notamment ceux dont la taille est le plus comparable à nos administrations et services — sont couverts par des dispositifs compensateurs du jour de carence, soit dans le cadre des conventions collectives, soit par la couverture sociale complémentaire que finance en partie l’employeur.
À l’évidence, les députés de l’opposition n’ont pas tenu compte des mesures visant légitimement à lutter contre des abus que ne cautionnent ni les fonctionnaires dans leur ensemble ni leurs organisations syndicales représentatives de la Fonction publique attachées, quelles que soient leurs divergences sur d’autres sujets, à une éthique partagée des valeurs du service public.
Peu importe ! Les tenants de la mise à l’amende des fonctionnaires ne cherchent pas à se représenter les effets catastrophique des trois jours de carence qu’ils voulaient instaurer pour un personnel de catégorie C. Peu leur chaut d’ailleurs que le projet de loi de finances, en même temps qu’il supprime l’inique jour de carence, prend le soin préciser les règles et les délais d’envoi des certificats médicaux (48h) ou de renforcer l’efficacité du contrôle médical. Peu leur chaut en effet : c’est le fait qu’on renonce à la pénalité financière, à la mise à l’amende comme corollaire de leur mise des fonctionnaires à l’index.
D’abord le fruit d’une l’action syndicale authentique
L’UNSA Éducation sait pour sa part que les fonctionnaires doivent d’abord la suppression du jour de carence… à eux-mêmes, même si nous ne méconnaissons pas l’implication personnelle de l’actuelle ministre de la Fonction publique dans le bon aboutissement de ce dossier. La suppression du jour de carence, en effet, n’a rien eu d’un mouvement «spontané».
Ce sont bien nos initiatives spécifiques (et notamment nos pétitions en ligne), nos interventions incessantes avec les autres Fédérations, qui ont permis d’attirer fortement l’attention de la ministre sur l’iniquité de cette mesure… et de convaincre le gouvernement de prendre l’initiative d’une suppression… qui interviendra peut-être avec les regrets éternels de MM. Sauvadet, Woerth et consorts — mais assurément pas avec les nôtres !
Le mouvement a été long — depuis l’adoption par le Parlement de la mesure entrée en vigueur au 1er janvier 2012 — mais constant.
— Par l’action directe des personnels,
— par ses interventions répétées et régulières dans les instances consultatives nationales de la Fonction publique comme dans les rencontres ministérielles,
— pendant la législature actuelle comme pendant la précédente,
l’UNSA Fonction publique (et en son sein l’UNSA Éducation) n’a jamais renoncé.
Et c’est pourquoi, comme nous l’avions indiqué, nous continuerons à suivre les débats parlementaires avec la plus vigilante attention… jusqu’à la publication finale au Journal officiel.