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Sexisme, racisme : quelle perception des discriminations à l’emploi ?

Depuis plus de 10 ans, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) réalisent une enquête annuelle sur les discriminations dans l’emploi auprès d’un échantillon représentatif de la population active. Ce 15e baromètre est l’occasion de s’intéresser aux services à la personne. En ce mois de mars, à mi-chemin entre la journée internationale pour le droit des femmes et celle contre les discriminations, UNSA-Éducation vous synthétise les résultats éclairants de ce baromètre.

Un secteur en forte croissance et toujours ségrégué

Le secteur du service à la personne est l’un des secteurs d’activité qui a connu la plus forte croissance depuis les années 1990. Ceci s’explique par des besoins grandissants liés, notamment, au vieillissement de la population. En 2015, il compte près de 1,3 millions de salariés soit 5,5% de l’emploi total. Par ailleurs, il « contribue presque à lui seul à la croissance du salariat non qualifié ces 15 dernières années » précise le baromètre.

Ce secteur se caractérise « par une forte ségrégation professionnelle, regroupant principalement des métiers précaires et historiquement à prédominance féminine». Il va sans dire que les stéréotypes de genre jouent ici à plein : on assigne toujours bien plus les femmes à la sphère privée et au soin.

Ces métiers, sous valorisés, exercés par des femmes, précaires, avec une part importante de salariées d’origine étrangère et une surreprésentation de personnes affectées par des problèmes de santé ou en situation de handicap sont le terrain de nombreuses discriminations : 61 % des travailleuses du secteur seraient victimes de discrimination, très au-dessus de la moyenne de la population (53 %).

 

Stéréotypes et discriminations plus présents que dans les autres secteurs d’activités

Dans le secteur des services à la personne, les salarié.es observent et/ou sont victimes de nombreuses discriminations. Les personnes interrogées rapportent en particulier des discriminations liées « à l’apparence physique, à la couleur de peau et au fait d’être une femme », à chaque fois, ces faits sont plus perçus que dans la population générale.

On peut ainsi citer le recrutement des nourrices, objet de travaux de recherches, qui prouvent qu’il repose très souvent plus sur des critères liés à l’apparence physique que sur les compétences professionnelles. Ainsi, l’une des personnes interrogées raconte que jugée trop mince, elle n’a pas été retenue car les parents pensaient qu’elle ne ferait pas bien à manger aux enfants.

      L’étude montre surtout une « surexposition des travailleuses perçues comme « non blanches » aux discriminations ». Elles sont soumises à des épreuves implicites de sélections auxquelles ne sont pas confrontées d’autres candidates : période d’essai plus longue, surveillance accrue, etc. Elles sont surtout victimes de préjugés racistes qui influent sur les évaluations professionnelles : « les Maghrébines sont jugées sévères mais responsables, les Africaines nonchalantes mais maternelles, les Colombiennes dociles mais sournoises etc. ». Cette « racialisation des compétences » ne doit pas être négligée, insiste la Défenseure des droits, qui souligne la dévalorisation à l’œuvre dans ces comportements.

Enfin, les salariées du secteur sont plus victimes que la population générale de violences sexistes et sexuelles : 16% sont victimes d’attouchements. « Le domicile comme lieu de travail accroît le risque de reproduire des schémas de domination sociale et patriarcale », souligne le baromètre. L’enquête cite l’« imaginaire de la “petite bonne” au service de ses maîtres et contrainte d’avoir des relations sexuelles avec les “bourgeois de l’immeuble” ».

 

Des salarié.es en souffrance

Or ces salarié.es utilisent très rarement leur droit au recours. Un quart des victimes n’en parlent pas car elles pensent que cela n’aurait rien changé.

Ces discriminations vécues ont des conséquences jugées « délétères » par l’étude. Professionnelles tout d’abord : les conflits s’arrêtent quand, de guerre lasse, les victimes décident de rompre leur contrat de travail. Emotionnelles voire mentale ensuite : colère, peur ou honte dominent. 70% des personnes interrogées reconnaissent avoir connu une dégradation de la santé mentale (dépression, dépréciation) qui entraîne le plus souvent une autocensure notamment lors de la recherche d’un emploi.

 

Face à ces résultats qui interpellent, la Défenseure des Droits pose des préconisations :

–      Une protection accrue des salarié.es

–      Des mesures de prévention, de protection et de sanctions qui doivent être développées

–      La mise en œuvre d’une politique volontariste de revalorisation des métiers des services à la personne et plus largement des métiers à prédominance féminine

 

L’UNSA Éducation rappelle que les discriminations constituent un acte grave, pénalement répréhensible qui ne doit jamais être minimisé. Elle soutient les préconisations du rapport de la Défenseure des droits et encourage les autorités publiques à se saisir avec vigueur de ces sujets. Il est temps d’agir : les métiers féminins ne sont pas des sous-métiers et les femmes ne sont pas des travailleuses de seconde zone. Au contraire, la crise Covid l’a prouvé, les femmes ont joué un rôle fondamental dans le fonctionnement du pays, après les applaudissements, on attend donc des actes.  

Pour lire le baromètre, cliquez ici 

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