Dé-prime de fidélité : l’expérience doit payer !
Les personnels éducatifs sont mal rémunérés en France. Ce problème, soulevé depuis de trop nombreuses années par les organisations syndicales, est particulièrement saillant pour les premières parties de carrière. Bien que le manque d’attractivité de nos métiers ne soit pas limité à la France et qu’il faille également trouver des explications liées à la charge de travail et à l’augmentation des risques psycho-sociaux, la revendication d’une augmentation de nos rémunérations est plus que légitime.
Ces dernières années, les ministres successifs ont donc décidé de prioriser de manière très nette la revalorisation des premières années, de donner quelques primes aux autres et d’étendre les déroulés de carrière pour tous. Pourtant, les candidats aux concours ne sont pas plus nombreux. Parallèlement à cela, la morosité s’est installée chez les plus anciens. Retour sur un paradoxe apparent qui n’en n’est pas un.
Il faut sans doute commencer par dire que les potentiels candidats aux concours sont moins naïfs et davantage informés que ce que pensent les ministres.
Ainsi, la communication, les spots publicitaires, les effets d’annonces sont largement décryptés. Ceux qui envisagent de présenter les concours sont parfois contractuels ou se renseignent sur les réseaux sociaux, dans leur entourage, dans les médias et bien sûr auprès des acteurs éducatifs. Ils connaissent, même partiellement, les conditions de travail réelles des personnels déjà en place depuis longtemps et leur évolution. Selon le dernier baromètre UNSA Education, seuls 19% des personnels conseilleraient leur métier à un jeune.
Gel du point d’indice, régime indémnitaire et érosion du pouvoir d’achat sur le long terme.
Même sans être spécialiste de nos rémunérations, nous comprenons qu’un obscur mécanisme, “le gel du point d’indice”, va peu à peu nous faire perdre du pouvoir d’achat face à l’inflation (voir des exemples concrets ici). Ce problème n’est pas conjoncturel. Il s’agit bien là d’une volonté politique revendiquée sur le long terme. Il en résulte que nous avons toutes les certitudes que nos traitements et les primes octroyées seront progressivement réduits à peau de chagrin, sauf à se battre et à obtenir des réévaluations périodiques. On peut comparer nos 1,5% d’augmentation du point aux 6,5% obtenus en Angleterre ou à l’indexation des salaires sur l’inflation en Belgique…
Une progression de carrière quasi nulle, une expérience professionnelle peu valorisée.
Certains diront que nous avons des grilles d’avancement et que donc nos salaires progressent très convenablement. Il n’en est rien. Si le PPCR est un acquis des négociations et du dialogue social, nous devons systématiquement nous battre pour en maintenir l’esprit, celui d’une progression salariale tout au long de la carrière. L’avancement est en effet le reflet de l’accumulation de l’expérience. Or cette expérience précieuse est dévaluée, démonétisée à cause du gel du point (par exemple, si votre traitement a progressé de 25% en 20 ans, la plus grande partie de ces 25% a été annulée par l’inflation sur la même période). Pire, la revalorisation exclusive des débuts de carrière accentue encore cet effet en aplatissant les progressions. “Après dix ou quinze ans d’ancienneté [le salaire] est au moins 15% inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE”. Pour illustrer ce propos, reprenons ceux de notre ministre devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat le 11 octobre 2023 : “Nous devons pouvoir proposer davantage de progression salariale et d’opportunités aux enseignants en milieu de carrière.”
Une relation de confiance rompue avec l’institution : trop de déceptions et des règles du jeu mouvantes.
Plus nous avançons dans notre carrière, plus nous avons vu passer ministres et réformes en tout genre. Force est de constater que cela va de paire avec une défiance croissante. 91% des collègues sont en désaccord avec les choix politiques dans nos secteurs. Comment en serait-il autrement ? Salaires, conditions de travail, formation continue, possibilité de mobilité, les sujets de discorde sont nombreux. De plus, les règles de fonctionnement changent régulièrement.
Ainsi, ceux qui auraient pu bénéficier d’une promotion plus rapide grâce à leur engagement dans un dispositif particulier se verront écartés d’un trait de crayon suite à un nouvel arrêté. Le flou qui entoure la modification récente des critères d’accès à la classe exceptionnelle des enseignants en est un exemple emblématique. D’autres constatent amèrement que leur ancienne carrière n’a pas été prise en compte alors que c’est le cas pour les nouveaux arrivants qui parfois ont des primes plus importantes qu’eux. Tous ont des craintes légitimes concernant le mode de calcul des retraites dans les années à venir.
C’est une revalorisation de l’ensemble des professions, sur l’ensemble de la carrière qui est nécessaire. Pour que la confiance se rétablisse, il apparaît indispensable de penser ces changements dans un plan pluriannuel. Pour enclencher cette dynamique, un geste fort doit être fait en direction de tous les personnels expérimentés qui ont été mis de côté lors des précédentes revalorisations. Quand le bonheur d’exercer nos métiers décroît avec l’ancienneté, un changement de logiciel s’impose.
L’augmentation de 10% du point d’indice revendiquée par l’UNSA Fonction publique est toujours d’actualité ! Dans le contexte actuel de forte inflation et de manque d’attractivité de la fonction publique, la rémunération des agents publics ne peut pas continuer à « décrocher » par rapport à l’ensemble des salaires sans remettre en cause non seulement leur pouvoir d’achat, mais aussi la reconnaissance de leur engagement.