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Crise des vocations : l’Europe des enseignant·es à la peine

Le récent rapport du Sénat sur les solutions aux difficultés de recrutement des enseignant·es ne doit pas masquer une crise des vocations dans les autres pays européens. Les réponses apportées par ces pays sont autant de pistes à explorer, souligne le rapport, qui préconise par ailleurs de mettre l'accent sur la hausse des rémunérations et la formation.

Le rapport du Sénat du 9 juin dernier met en évidence une crise du recrutement pour les professeur·es dans l’ensemble de l’Union européenne. Alors que 38% des enseignant·es européens ont plus de 50 ans, la profession peine à recruter.

En France, le rapport présenté à la conférence des métiers et des compétences de mars 2022 pointait un déficit attendu de professeur·es pour 2030 avec 32.800 postes à pourvoir qui auront du mal à attirer plus de 200.000 jeunes.

Si le salaire inférieur de 15% à la moyenne de l’OCDE des professeur·es explique en partie la crise des vocations, ce n’est pas l’unique facteur. Si l’on compare à l’Allemagne et au Portugal qui rémunèrent bien leurs professeur·es, eux aussi rencontrent des difficultés d’attractivité.

Investissement budgétaire

Les sénatrices et sénateurs ont mis en évidence que le Portugal, qui a des résultats exemplaires après un investissement budgétaire massif sur l’éducation, a également des difficultés pour trouver ces futur·es enseignant·es. Le Portugal est passé de 45% de décrochage scolaire à 6% en dix ans, gagnant 10 places au classement PISA  (22ème alors que la France est 27ème). Le salaire des professeur·es portugais·es est à plus de 33 points au-dessus du salaire moyen des actifs ayant un diplôme équivalent.

Dans le rapport Teatchers in Europe de mars 2021, étaient déjà mis en avant les raisons de perte d’attractivité du métier. La reconnaissance sociale faible dans beaucoup de pays européens est l’une des explications. Les changements incessants, les attentes fortes avec de plus en plus de responsabilités ont affecté le ressenti de bien-être au travail et d’épanouissement professionnel des personnels. Accentué par la crise COVID, ce mal-être se ressent sur la perception des futur·es professeur·es.

Isolement, manque de collaboration

Le rapport du Sénat pointe également l’isolement et le manque de collaboration ressentis par la profession qui ne sont pas sans effet sur l’augmentation constante des démissions (3 fois plus de démissions chez les jeunes enseignant·es en 10 ans).

La formation initiale et continue des professeur·es est également un des points expliquant le manque de candidat·es. La filière de formation pour le métier est déjà en déficit (le nombre de candidat·es aux concours a baissé de 30% en quinze ans) et les enseignant·es se sentent mal préparé·es par une filière de moins en moins professionnalisante.

L’ensemble des pays européens se trouvent face à ce défi : la Suède a besoin de recruter 77.000 professeurs pour la prochaine rentrée et l’Allemagne manquera de 26.000 professeurs dans 3 ans. Seules la Finlande et la communauté germanophone de Belgique ne déclarent aucune difficulté d’attractivité.

Recommandations

Le rapport propose 15 recommandations pour que notre pays puisse faire face à ce manque d’attractivité, notamment une réorientation de la politique de gestion des ressources humaines avec un renforcement des crédits accordés à la formation continue des enseignant·es et la mise en place d’incitations financières « afin d’éviter que les enseignants concernés ne soient fréquemment les mêmes ». Il est également préconisé de mieux cibler le contenu de ces formations vers les thèmes disciplinaires et la gestion de classe. La question des conditions matérielles d’accueil est également soulevée à travers la création de nouveaux espaces dans les bâtiments scolaires favorisant les échanges et les collaborations.

L’idée de fortement s’appuyer sur l’analyse et la prospective à l’échelle nationale et européenne par des études comparées avec d’autres pays est également présentée comme un moyen de répondre à la problématique de la hausse des démissions et du manque d’attractivité.

Derrière le constat alarmant de cette crise des vocations, l’UNSA Éducation partage la préconisation sénatoriale d’agir sur la gestion des ressources humaines, notamment par un effort budgétaire visant à la hausse des rémunérations, à un meilleur accompagnement des entrant·es dans le métier et à une formation continue profitant à toutes et tous. Notre organisation rappelle son attachement au caractère volontaire de la formation continue, que celle-ci fasse l’objet ou non d’incitations financières, et à la nécessité que cette formation réponde d’abord aux besoins exprimés par les personnel·les comme le propose le Sénat. Mais le rapport demeure muet sur la question des voies de recrutement et de la formation pré-recrutement des enseignant·es, deux axes de travail qui nous semblent prioritaires pour faire vivre un service public d’éducation de qualité.

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