Analyses et décryptages

Analyse des programmes 150 et 172 du projet de loi de finance 2023 (PLF)

Cette note est une analyse succincte, interne à l’UNSA éducation, des éléments budgétaires du programme 150 Formations supérieures et Recherches universitaires et 172 Recherches scientifiques et technologique pluridisciplinaires, les deux programmes principaux de la MIRES (mission interministérielle de la recherche et de l’enseignement supérieur).

Quelques éléments d’analyse sur le Programme 150 (P150):

Ce programme qui porte principalement la formation des étudiantes et étudiants du supérieur, notamment, par le financement des universités est le plus volumineux de la MIRES (mission interministérielle de la recherche et de l’enseignement supérieur). Nous rappelons également que le P150 couvre une partie des activités de recherche des opérateurs qui lui sont associés (universités, grandes écoles, …).  Il faut juger de l’effort budgétaire de ce programme en tenant compte de l’évolution démographique des étudiants, et également, comme pour tous les autres programmes, en considérant l’inflation. L’étude de l’évolution des crédits du P150 depuis 2010 nous permet d’en tracer les courbes d’évolution (Cf. graphique). L’évolution de l’inflation considérée dans les calculs est celle fournie par l’OCDE et (Cf. graphique).

L’effort budgétaire réalisé cette année 2023 est significatif lorsqu’on le compare à la tendance des dernières années. En euros courants, celui-ci est de l’ordre du double des années précédentes. Cependant, celui-ci est à relativiser avec l’inflation ; en fait, l’évolution du budget du P150 en euros constants montre que celui-ci est pratiquement stagnant depuis 2010.

De plus, les financements du programme sont également à mettre en face des besoins et ceux-ci ont très fortement augmenté car liés à la démographie étudiante. Nous avons tracé l’évolution du nombre d’étudiants depuis 2010. L’accroissement observé sur la période est de +22% pour l’ensemble de effectifs, dont +17% dans les établissements publics et +44% dans les établissements privés. L’étude démographique nationale montre que les effectifs continueront d’augmenter jusqu’en 2027.

Un calcul rapide, en faisant l’hypothèse que seule l’action 01 du programme serait impactée par l’augmentation du nombre d’étudiants, conduit à penser qu’il manque au minimum 700 M€ au budget pour être en 2023 (considérant uniquement +17% d’augmentation des effectifs dans le public) dans des conditions d’accueil à peu près comparables à celles de 2010. Ceci est une estimation basse car les effectifs ont continué de croître de 2020 à 2023 sans que les statistiques ne soient parues. En outre, la création de postes nécessaires pour conserver des conditions d’encadrement comparables entre 2010 et 2023 exige indubitablement un investissement plus élevé qu’une simple correction sur les crédits de l’action proportionnelle à la croissance des effectifs.

Un autre écueil impacte indirectement le budget du P150 dans le PLF 2023 : l’augmentation du point d’indice (+3,5%) ainsi que l’inflation des coûts énergétiques n’ont pas été financés en 2022. On peut estimer le coût pour les opérateurs de 6 mois de revalorisation indiciaire à environ 120 M€. Il est plus difficile d’estimer le surcoût énergétique ; France Universités donne une fourchette de plus 100 à 120 M€ . Les établissements ont donc dû puiser dans leurs fonds de roulement pour financer ces deux points et le PLF 2023 ne vient pas compenser ce déficit. De plus, si l’augmentation du point d’indice serait bien financée en 2023 par le PLF, il n’est pas prévu de compensation automatique pour les surcoûts de l’énergie.

Les fonds de roulement net de l’ensemble des opérateurs de l’enseignement supérieur représentaient 3,630 Md€ en 2021. Cependant, ces fonds de roulement doivent servir à financer des projets d’établissement —projets qui sont implicitement exigés par le ministère et qui le seront davantage avec la mise en place des contrats d’objectifs et de moyens et de performance— et non à payer des factures courantes. En outre, comme le montre la figure suivante, quand bien même ces fonds de réserves semblent croître, ils sont très hétérogènes d’un établissement à un autre. Si une partie de ces fonds est mobilisée pour des problématiques liées à l’énergie, il faudrait que cela soit un réel investissement de long terme qui vise la rénovation des bâtiments et leur adaptation aux meilleurs standards énergétiques et qualité de vie.

Les établissements étant très majoritairement autonomes et aux responsabilités et compétences élargies, ceux-ci finiront par gérer leur budget comme ils l’entendent. Si la subvention pour charge de service public (SCSP) n’est pas adaptée aux besoins comme cela semble être le cas, et au-delà des fonds de roulement, c’est bien la masse salariale et les emplois qui risquent de servir de variable d’ajustement. Il faut d’ailleurs noter que les emplois hors plafond augmentent alors que ceux sous plafond restent stables. Par ailleurs, nous notons que les chiffres de l’augmentation des emplois présentés en conférence de presse par le MESR sont bien plus optimistes que ceux que nous retrouvons dans l’étude du PLF et du programme.

N. B. : le 27 octobre la ministre de l’ESR annonce à l’assemblée générale de France Universités, la création d’un « fonds d’intervention dédié à l’énergie pour 2023 ». Ce fond serait doté de 275 M€ pour aider les établissements de l’ESR à faire face aux surcoûts liés à l’énergie. L’aide devrait être versée « au prorata des surcoûts, pour aider l’ensemble des établissements », et prendra « en compte la situation financière particulière de chacun d’entre eux ». Nous veillerons à ce que ces crédits apparaissent comme tels dans la loi de finance.

Quelques éléments d’analyse sur le Programme 172 (P172) :

Le programme 172 porte sur le financement de la recherche. C’est via ce programme que sont financés les organismes de recherche (CNRS, INSERM, etc.) et l’ANR (agence nationale de la recherche : agence de moyens qui finance directement des projets de recherche). Sur le graphique d’évolution des crédits du programme, on peut voir une augmentation de près de +20% sur les 5 dernières années en € courants. L’inflation ramène cette augmentation à moins de 10% sur la même période. On peut noter que la LPR (loi de programmation de la recherche) a réellement apporté des crédits supplémentaires à partir de 2020. Cependant, en € constant, la marche annuelle de 2023 de l’investissement de la LPR est totalement absorbée par l’inflation et le programme 172 devrait donc voir ses crédits stagner aux prix de 2023 par rapport à la loi de finance initiale de 2022.

On observera que l’ANR voit son budget légèrement augmenter alors que la LPR ne le prévoyait pas pour cette année ; c’est une bonne chose.

La conduite de ce programme appelle également quelques critiques sur le choix des indicateurs. Alors que, d’une part, de nombreuses études ont pu dénoncer l’effet de la mesure de la qualité de la recherche par des indicateurs bibliométriques, et que d’autre part, une science ouverte qui s’affranchit de l’édition scientifique est souhaitée par l’ensemble des acteurs, les indicateurs retenus sont uniquement scientométriques. Ainsi, la qualité de la recherche française, et donc l’impact des crédits portés par le P172, ne sont évalués qu’à l’aune des parts de publications et de leur facteur d’impact. De même, sur le volet de transfert technologique, la mesure de la qualité des brevets déposés par les opérateurs n’est faite qu’au travers du montant des royalties. Dans les deux cas, ces indicateurs sont anachroniques et peuvent même être qualifiés de fainéants. On peut admettre la difficulté de mesurer la qualité de la recherche, tant une grande partie des activités qui la constituent sont intangibles. Pour autant, nous devrons, collectivement, dans les prochaines années, définir des critères davantage pertinents pour caractériser la recherche.

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