Ça risque de bouger en Outre-mer

A l’ordre du jour du conseil des ministres du 27 juillet dernier était présenté le « plan séismes Antilles, horizon 2020 ». Deuxième phase d’une démarche initiée en 2007, il s’appuie sur le constat d’urgence que les Antilles françaises sont « très exposées au risque sismique et ne sont pas à l’abri d’un séisme majeur tel que celui du 12 janvier 2010 en Haïti ».


Le plan lancé en 2007 évaluait à « environ six milliards d’euros l’investissement nécessaire sur le bâti public pour une durée d’une trentaine d’années ».  La première phase aura permis d’investir ou de programmer 2,4 milliards d’euros. Mais on est encore bien loin du compte. Ainsi dans le seul domaine éducatif, en pratiquement 9 années, ce ne sont seulement que 36 écoles et 2 collèges qui ont bénéficié de ce programme, alors que ce sont la plupart des bâtiments scolaires qui nécessitent une mise aux normes parasismiques. Ils devraient 120 à être concernés par cette deuxième phase d’ici 2020.

Or, si l’Etat prévoit de « mobiliser 450 millions d’euros » pour la période 2016-2020, soit 30% de plus que lors de la première phase du plan entre 2007 et 2015, le bouclage financier du plan ne semble pas encore bouclé. Les collectivités territoriales, en difficultés économiques risquent d’être en peine pour assumer leurs responsabilités dans ce domaine. Et c’est donc du côté des fonds européens que les demandes d’aide font se diriger.

Beaucoup de temps a déjà été perdu sur ce dossier pourtant essentiel. L’accélération ne peut qu’être bienvenue. Encore faut-il que les réalisations atteignent réellement le niveau d’ambition annoncée. On peut regretter que cette démarche volontariste n’intervienne qu’en cette fin de mandature (alors que la phase 1 est terminée depuis 2013) alors que les engagements pris sont reportés sur le prochain gouvernement.

Mais ce n’est pas que la terre qui peut trembler en outre-mer. La situation sociale et économique y est plus que préoccupante. C’est ce que rappelle le CESE dans l’avis qu’il a élaboré et adopté le 12 juillet dernier sur l’avant-projet de loi de programmation en faveur de l’égalité réelle outre-mer.

Saisi par le Premier ministre sur l’étude d’impact et le titre Ier du projet de loi relatif aux objectifs, conditions et instruments de mise en œuvre de la convergence, le CESE –qui possède une commission de travail spécifique sur les outre-mer- « a confirmé le diagnostic du gouvernement selon lequel il existe dans plusieurs des outre-mer des écarts de développement majeurs avec la métropole, particulièrement à Mayotte ou une situation hors norme appelle des mesures d’urgence. »

Rappelant  « que les habitants de ces onze collectivités sont des citoyens français à part entière et qu’ils apportent à la France une richesse et un patrimoine naturel et humain exceptionnels mais fragiles » le conseil prône « la conciliation du principe d’égalité avec celui de liberté » afin « de tendre vers un objectif d’égalité réelle dans le respect de la diversité. »

L’avis du CESE invite « le législateur à réinventer des modèles de développement pour les collectivités ultra-marines, forts de leur potentiel d’innovation et d’excellence, en intégrant la révolution numérique qui offre des opportunités exceptionnelles aux petites économies isolées ». Il rappelle « les quatre dimensions d’un véritable développement durable que sont l’économie, le social, le culturel et l’environnement » et il propose de « recourir aux méthodes de démocratie participative dans un esprit de subsidiarité, pour l’élaboration des diagnostics partagés, des projets stratégiques de développement durable, des plans et contrats de convergence et du processus d’évaluation pour chaque collectivité. »

Là encore, si le gouvernement a salué les propositions du rapport comme des pistes complémentaires à explorer, cette loi arrive bien tard et n’aura de conséquences réelles que dans plusieurs années alors que l’urgence est criante et l’exaspération locale est profonde.

Même si le CESE ne le dit pas explicitement, il va de soi que pour nous, l’Education est un levier essentiel de l’égalité réelle. La délégation outre-mer de l’UNSA Education a proposé en mai dernier au cabinet du ministère de l’éducation nationale la mise en place d’observatoires de la réussite éducative dans l’ensemble des territoires ultra-marins. Leur fonctionnement doit être ouvert à l’ensemble des acteurs éducatifs scolaires et hors-scolaires et permettre un diagnostic et des actions partagées afin d’agir pour la réussite de chaque jeune. Nous avons été écoutés, nous espérons avoir aussi été entendus par la concrétisation de cette démarche.

En effet sur le plan du bâti comme sur les dimensions économiques, sociales, culturelles, éducatives… il est urgent de prendre la mesure des déficits vécus par les territoires ultra-marins et de se doter d’outils et de démarches efficaces dès à présent. Le temps perdu joue en défaveur des bonnes solutions. Et lorsque la terre bougera, lorsque les gens bougeront, lorsque localement la stabilité tremblera… il sera trop tard.


Denis ADAM, le 17 août 2016
 

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A l’ordre du jour du conseil des ministres du 27 juillet dernier était présenté le « plan séismes Antilles, horizon 2020 ». Deuxième phase d’une démarche initiée en 2007, il s’appuie sur le constat d’urgence que les Antilles françaises sont « très exposées au risque sismique et ne sont pas à l’abri d’un séisme majeur tel que celui du 12 janvier 2010 en Haïti ».


Le plan lancé en 2007 évaluait à « environ six milliards d’euros l’investissement nécessaire sur le bâti public pour une durée d’une trentaine d’années ».  La première phase aura permis d’investir ou de programmer 2,4 milliards d’euros. Mais on est encore bien loin du compte. Ainsi dans le seul domaine éducatif, en pratiquement 9 années, ce ne sont seulement que 36 écoles et 2 collèges qui ont bénéficié de ce programme, alors que ce sont la plupart des bâtiments scolaires qui nécessitent une mise aux normes parasismiques. Ils devraient 120 à être concernés par cette deuxième phase d’ici 2020.

Or, si l’Etat prévoit de « mobiliser 450 millions d’euros » pour la période 2016-2020, soit 30% de plus que lors de la première phase du plan entre 2007 et 2015, le bouclage financier du plan ne semble pas encore bouclé. Les collectivités territoriales, en difficultés économiques risquent d’être en peine pour assumer leurs responsabilités dans ce domaine. Et c’est donc du côté des fonds européens que les demandes d’aide font se diriger.

Beaucoup de temps a déjà été perdu sur ce dossier pourtant essentiel. L’accélération ne peut qu’être bienvenue. Encore faut-il que les réalisations atteignent réellement le niveau d’ambition annoncée. On peut regretter que cette démarche volontariste n’intervienne qu’en cette fin de mandature (alors que la phase 1 est terminée depuis 2013) alors que les engagements pris sont reportés sur le prochain gouvernement.

Mais ce n’est pas que la terre qui peut trembler en outre-mer. La situation sociale et économique y est plus que préoccupante. C’est ce que rappelle le CESE dans l’avis qu’il a élaboré et adopté le 12 juillet dernier sur l’avant-projet de loi de programmation en faveur de l’égalité réelle outre-mer.

Saisi par le Premier ministre sur l’étude d’impact et le titre Ier du projet de loi relatif aux objectifs, conditions et instruments de mise en œuvre de la convergence, le CESE –qui possède une commission de travail spécifique sur les outre-mer- « a confirmé le diagnostic du gouvernement selon lequel il existe dans plusieurs des outre-mer des écarts de développement majeurs avec la métropole, particulièrement à Mayotte ou une situation hors norme appelle des mesures d’urgence. »

Rappelant  « que les habitants de ces onze collectivités sont des citoyens français à part entière et qu’ils apportent à la France une richesse et un patrimoine naturel et humain exceptionnels mais fragiles » le conseil prône « la conciliation du principe d’égalité avec celui de liberté » afin « de tendre vers un objectif d’égalité réelle dans le respect de la diversité. »

L’avis du CESE invite « le législateur à réinventer des modèles de développement pour les collectivités ultra-marines, forts de leur potentiel d’innovation et d’excellence, en intégrant la révolution numérique qui offre des opportunités exceptionnelles aux petites économies isolées ». Il rappelle « les quatre dimensions d’un véritable développement durable que sont l’économie, le social, le culturel et l’environnement » et il propose de « recourir aux méthodes de démocratie participative dans un esprit de subsidiarité, pour l’élaboration des diagnostics partagés, des projets stratégiques de développement durable, des plans et contrats de convergence et du processus d’évaluation pour chaque collectivité. »

Là encore, si le gouvernement a salué les propositions du rapport comme des pistes complémentaires à explorer, cette loi arrive bien tard et n’aura de conséquences réelles que dans plusieurs années alors que l’urgence est criante et l’exaspération locale est profonde.

Même si le CESE ne le dit pas explicitement, il va de soi que pour nous, l’Education est un levier essentiel de l’égalité réelle. La délégation outre-mer de l’UNSA Education a proposé en mai dernier au cabinet du ministère de l’éducation nationale la mise en place d’observatoires de la réussite éducative dans l’ensemble des territoires ultra-marins. Leur fonctionnement doit être ouvert à l’ensemble des acteurs éducatifs scolaires et hors-scolaires et permettre un diagnostic et des actions partagées afin d’agir pour la réussite de chaque jeune. Nous avons été écoutés, nous espérons avoir aussi été entendus par la concrétisation de cette démarche.

En effet sur le plan du bâti comme sur les dimensions économiques, sociales, culturelles, éducatives… il est urgent de prendre la mesure des déficits vécus par les territoires ultra-marins et de se doter d’outils et de démarches efficaces dès à présent. Le temps perdu joue en défaveur des bonnes solutions. Et lorsque la terre bougera, lorsque les gens bougeront, lorsque localement la stabilité tremblera… il sera trop tard.


Denis ADAM, le 17 août 2016