Les aider à réussir leur vie (sociale)

« Qu’emporteriez-vous si vous deviez demeurer sur une ile déserte ? » Nous avons certainement tous participé, au moins une fois, à ce jeu, érigé en test de personnalité. Et si raisonnablement nous avons cherché ce qui pourrait nous permettre de mieux survivre ou d’occuper notre temps solitaire, nous avons également espérés, de manière utopique, qu’il existe un appareil nous permettant –a minima- de rester en permanence en contact avec les autres. Car, même si nous pouvons parfois apprécier d’être seul, l’être humain à besoin et envie de vivre avec les autres : il est un être social.

« Qu’emporteriez-vous si vous deviez demeurer sur une ile déserte ? » Nous avons certainement tous participé, au moins une fois, à ce jeu, érigé en test de personnalité. Et si raisonnablement nous avons cherché ce qui pourrait nous permettre de mieux survivre ou d’occuper notre temps solitaire, nous avons également espérés, de manière utopique, qu’il existe un appareil nous permettant –a minima- de rester en permanence en contact avec les autres. Car, même si nous pouvons parfois apprécier d’être seul, l’être humain à besoin et envie de vivre avec les autres : il est un être social.

Cette vie collective, ne va pas forcément de soi. Elle est constituée de bien des difficultés. Elle nous est pourtant indispensable. Mieux vaut donc s’y préparer, y être aidé. C’est certainement là aussi, ou surtout, le rôle de l’Education.

Mais cette affirmation n’est pas partagée par tous ceux qui se targuent de réfléchir sur l’éducation : la preuve dans la nouvelle émission de Laure Adler sur France Inter, samedi dernier.

Rentrée scolaire oblige. Certes. Mais également vertu de la refondation, l’éducation -ou tout au moins l’école- est devenue un sujet régulier dans les médias. Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Ce jour-là, c’était pour le pire. On peut être une journaliste « culturels » expérimentée sans que cela n’aide à être une spécialiste des questions éducatives, surtout lorsqu’on se  contente de faire réagir des invités et que ceux-ci sont loin d’être les plus pertinents sur le sujet.  Ainsi sont revenus les sempiternels mêmes arguments infondés de la baisse de niveau avérée par la parfaite maîtrise de la langue française qu’avaient les poilus et que prouvent leurs lettres, la critique des pédagogues transformant le métier d’enseignant en animateur, les remerciements de Camus à son instituteur et l’incontournable couplet sur l’apport essentiel des disciplines.

Cerise sur la gâteau, déjà fort indigeste, la petite phrase de ce professeur de classe préparatoire (et par ailleurs maire-adjoint de Versailles), se sentant autorisé à donner de doctes leçons sur les évolutions de l’enseignement, lançant soudain ce constat outragé

« Rendez-vous compte, on nous demande même [aux enseignants] de les aider [les élèves] à réussir leur vie sociale ! »

Et l’émission passa à autre chose.

Dommage. Car là est certainement l’essentiel, le nœud de tous les conflits autour de l’école. La clé des oppositions, la césure entre instruire et éduquer. Ou pour le dire autrement, cette interrogation fondamentale : l’école, l’éducation, doivent-elles aider les enfants et les jeunes à réussir leur vie ?

Nul doute qu’avec une bonne maîtrise de la lecture et la collection complète des volumes de La Pléïade, le temps sur l’île déserte paraîtra moins long.

Certes une parfaite connaissance de la numération permettra à loisir de faire le compte exact de tous les grains de sable, à supposer qu’il y en ait sur cette île.

Mais la vie, la vraie vie -celle qui se déroule de l’autre côté des murs de nos institutions éducatives- n’est pas cela. Elle est faite de rencontres et d’échanges, de débats et de conflits, de relations d’amour et d’amitié, de jalousies et de violence des sentiments, de compétitions et de collaborations, d’entraides et d’accompagnements, de différences et de complémentarités… Toute notre vie est sociale.

Aider les jeunes qui nous sont confiés à vivre, c’est justement leur permettre d’être capables de vivre avec les autres, en société, de s’y épanouir, de s’y émanciper, d’y être heureux. Loin d’y voir une demande scandaleuse ou offensante, il n’y a là pour moi, sans aucune hésitation possible, la mission essentielle de tous les éducateurs : les aider à réussir leur vie et donc leur vie sociale !

 

Denis ADAM, le 9 septembre 2015

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« Qu’emporteriez-vous si vous deviez demeurer sur une ile déserte ? » Nous avons certainement tous participé, au moins une fois, à ce jeu, érigé en test de personnalité. Et si raisonnablement nous avons cherché ce qui pourrait nous permettre de mieux survivre ou d’occuper notre temps solitaire, nous avons également espérés, de manière utopique, qu’il existe un appareil nous permettant –a minima- de rester en permanence en contact avec les autres. Car, même si nous pouvons parfois apprécier d’être seul, l’être humain à besoin et envie de vivre avec les autres : il est un être social.

Cette vie collective, ne va pas forcément de soi. Elle est constituée de bien des difficultés. Elle nous est pourtant indispensable. Mieux vaut donc s’y préparer, y être aidé. C’est certainement là aussi, ou surtout, le rôle de l’Education.

Mais cette affirmation n’est pas partagée par tous ceux qui se targuent de réfléchir sur l’éducation : la preuve dans la nouvelle émission de Laure Adler sur France Inter, samedi dernier.

Rentrée scolaire oblige. Certes. Mais également vertu de la refondation, l’éducation -ou tout au moins l’école- est devenue un sujet régulier dans les médias. Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Ce jour-là, c’était pour le pire. On peut être une journaliste « culturels » expérimentée sans que cela n’aide à être une spécialiste des questions éducatives, surtout lorsqu’on se  contente de faire réagir des invités et que ceux-ci sont loin d’être les plus pertinents sur le sujet.  Ainsi sont revenus les sempiternels mêmes arguments infondés de la baisse de niveau avérée par la parfaite maîtrise de la langue française qu’avaient les poilus et que prouvent leurs lettres, la critique des pédagogues transformant le métier d’enseignant en animateur, les remerciements de Camus à son instituteur et l’incontournable couplet sur l’apport essentiel des disciplines.

Cerise sur la gâteau, déjà fort indigeste, la petite phrase de ce professeur de classe préparatoire (et par ailleurs maire-adjoint de Versailles), se sentant autorisé à donner de doctes leçons sur les évolutions de l’enseignement, lançant soudain ce constat outragé

« Rendez-vous compte, on nous demande même [aux enseignants] de les aider [les élèves] à réussir leur vie sociale ! »

Et l’émission passa à autre chose.

Dommage. Car là est certainement l’essentiel, le nœud de tous les conflits autour de l’école. La clé des oppositions, la césure entre instruire et éduquer. Ou pour le dire autrement, cette interrogation fondamentale : l’école, l’éducation, doivent-elles aider les enfants et les jeunes à réussir leur vie ?

Nul doute qu’avec une bonne maîtrise de la lecture et la collection complète des volumes de La Pléïade, le temps sur l’île déserte paraîtra moins long.

Certes une parfaite connaissance de la numération permettra à loisir de faire le compte exact de tous les grains de sable, à supposer qu’il y en ait sur cette île.

Mais la vie, la vraie vie -celle qui se déroule de l’autre côté des murs de nos institutions éducatives- n’est pas cela. Elle est faite de rencontres et d’échanges, de débats et de conflits, de relations d’amour et d’amitié, de jalousies et de violence des sentiments, de compétitions et de collaborations, d’entraides et d’accompagnements, de différences et de complémentarités… Toute notre vie est sociale.

Aider les jeunes qui nous sont confiés à vivre, c’est justement leur permettre d’être capables de vivre avec les autres, en société, de s’y épanouir, de s’y émanciper, d’y être heureux. Loin d’y voir une demande scandaleuse ou offensante, il n’y a là pour moi, sans aucune hésitation possible, la mission essentielle de tous les éducateurs : les aider à réussir leur vie et donc leur vie sociale !

 

Denis ADAM, le 9 septembre 2015