Résiliation du contrat d’un établissement privé musulman

Affirmer nos positions
La décision de la préfecture de la région AURA s’appuie sur des faits même s’ils seront prochainement contestés devant le tribunal administratif. Dans notre État de droit, il ne nous appartiendrait pas de juger du bienfondé d’une décision de justice.
La force de notre modèle républicain est de ne pas transiger sur ses valeurs immuables et de ne pas de ne pas céder à l’ère du temps, aux peurs ou aux raccourcis.
Dans une décision de résiliation, il ne s’agit pas de ménager les susceptibilités pour satisfaire une clientèle électorale ou de manquer de courage. Il n’est pas question non plus de faire preuve d’impartialité mais de chercher la justesse et la justice.
Cependant, il nous incombe d’alerter et de lutter contre l’idée qui commence à se répandre dans notre pays selon laquelle il y aurait une forme de « 2 poids, 2 mesures » dans le traitement des établissements privés et ce en fonction de la religion affichée. Le caractère particulier du profil des élèves de cet établissement lyonnais qui comporte plus de 50% de boursiers ajoute une forme de malaise dans un espace d’enseignement privé où la mixité sociale n’existe pas et ce malgré le protocole signé en catimini entre le Ministère et le Secrétariat Général de l’Enseignement catholique en mai 2023.
L’un des enjeux sera bien évidemment de trouver des solutions pour ces familles et éviter des ruptures d’enseignement notamment pour les garder dans le giron de l’exigence républicaine loin des affres de l’enseignement privé hors contrat.
Défendre encore et toujours l’école publique laïque
En outre, et cela va mieux en l’écrivant, : pour les défenseurs de l’école publique laïque que nous sommes, le débat n’est pas de catégoriser les établissements en fonction du poids des religions de notre pays. L’enseignement privé quel qu’il soit est un vecteur de déstabilisation de la société en général et de l’école en particulier.
Néanmoins, il est impératif de respecter les règles communes et de garder une cohérence dans les décisions publiques. Ainsi le traitement doit-il être équitable quelle que soit la structure concernée et in fine quelle que soit son obédience. L’exigence dans le contrôle fait l’honneur de la puissance publique mais, une fois de plus, la même rigueur doit être requise pour juger des résiliations de contrats entre les établissements privés et l’État.
Comprendre le contexte
Concrètement, 96% de l’enseignement privé relève de l’enseignement privé catholique. C’est un fait qui s’explique assez aisément au regard du poids historique et culturel de cette religion dans notre pays au cours de sa construction.
D’ailleurs, avant la loi de séparation en 1905, il n’était essentiellement question que de la nouvelle place à laquelle l’enseignement catholique allait être assigné après des décennies de suprématie en matière d’éducation.
Aujourd’hui, la situation a changé. D’autres sensibilités religieuses ont manifesté leur volonté d’investir le champ de l’enseignement. En l’espèce, des établissements musulmans ont vu le jour ces dernières années, à Lille, Lyon ou Marseille.
Le contexte politique national et, a fortiori, international, a pu donner l’impression d’un traitement particulier de ces établissements qui seraient soumis à une plus grande surveillance. Le développement d’un Islam politique radical déployé par des extrémistes terroristes a eu des effets dévastateurs dont l’école a terriblement souffert à travers les assassinats odieux de Dominique Bernard ou de Samuel Paty.
Ces drames ont pu légitimement inciter à la plus grande vigilance avec le souci de se prémunir de toute récupération ou de toute instrumentalisation politique.
Préserver la cohésion nationale
Or, dans cette période d’instabilité que traverse notre pays, l’extrême droite n’a de cesse de pousser au chaos et à la division. Ce genre de sentiment d’injustice serait donc un élément extrêmement nocif pour l’équilibre et la cohésion de notre pays.
En l’occurrence, des atteintes à la laïcité ont été recensés dans de nombreux établissements sans pour autant donner lieu à des décisions de résiliation rapides. La médiatisation des atteintes à la laïcité dans un groupe scolaire de Pau ou les dérives avérées de certains établissements privés (comme le tristement célèbre Stanislas) n’ont pas donné lieu à des mesures définitives. Pourtant la puissance publique a montré qu’elle était capable d’opérer vite et fort quand elle le jugeait nécessaire.
Dans notre société fragile et fragmentée où les théories du complot peuvent naître facilement, où la justice et le ressentiment peut venir alimenter les désespoirs et les colères, il faut traiter ce genre de situations avec beaucoup de calme et le plus grand sérieux pour s’assurer d’une parfaite transparence et d’une totale impartialité.
Dans le cas du groupe scolaire Al-Kindi, les conclusions tirées par la commission ne sont pas à remettre en cause. Mais l’État se doit d’être exemplaire et impartial en traitant avec la même rigueur toutes les situations, qu’il s’agisse d’un établissement musulman, d’un établissement privé élitiste comme Stanislas ou tout autre groupe scolaire catholique.
Pour l’UNSA Éducation, l’école de la République demeure l’école publique laïque. La concurrence déloyale que représente le privé sous toutes ses formes accentue de manière insupportable le phénomène de ségrégation sociale. A terme, la remise en cause du financement de l’enseignement privé permettrait de clarifier la situation et d’éviter tout malentendu voire toute polémique.
Notre position de principe claire, forte et immuable ne nous empêchera pas de respecter la loi (même quand nous voulons la changer) et son caractère universel. Mais surtout, nos valeurs nous obligent à exiger, en toutes circonstances, un traitement équitable dans le respect des principes fondamentaux de notre République et ce, en recherchant de la concorde, l’unité et la cohésion sociale.