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Rapport du Sénat sur la pornographie : prendre conscience des dangers

Une « machine à broyer les femmes », c’est la définition sans appel que les quatre sénatrices, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol donnent de l’industrie pornographique dans leur rapport « Porno : l’enfer du décor ». Ce rapport dévoile les dangers de ce type de productions, en particulier sur les plus jeunes. L'UNSA Éducation fait le point.

La réalité sordide de cette industrie s’égrène au long des 190 pages de ce premier rapport sur le sujet, qui a nécessité 6 mois de travaux.

La massification de la diffusion et de la consommation de la pornographie (une recherche sur 5 sur les téléphones portables actuellement) s’explique par la naissance, au  début des années 2000, de sites gratuits et facilement accessibles (YouPorn, Pornhub) « véritables robinets à images pornographiques ». Aujourd’hui, la France est le 4e pays consommateur de porno, un tiers de toutes les vidéos consommées chaque mois dans notre pays sont des vidéos pornographiques.

Dans ce contexte,  « produire plus et moins cher » devient un leitmotive pour s’adapter à la demande y compris en allant de plus en plus loin dans les pratiques.

Des violences systémiques contre les femmes

Le rapport dénonce les violences « systémiques » qui touchent les femmes : 90% des contenus proposés sont violents et/ou dégradants. « Viols filmés, actes de tortures et de barbarie, pédocriminalité, incitation à l’inceste » sont ainsi cités par les actrices auditionnées à huis clos. Les femmes, souvent très jeunes, sont exploitées par les producteurs qui profitent de leur vulnérabilité économique et psychologique. Les pratiques sexuelles ne sont pas toujours consenties : « dans l’industrie du porno en France, la violence, les tortures sont la règle, pas l’exception ». Cela apporte sans conteste de l’eau au moulin des procédures judicaires (affaires dites French Bukkake et Jacquie et Michel) qui touchent cette industrie avec de nombreuses « plaintes pour viols » comme le rappelle le rapport dès l’avant-propos.

Des images facilement visibles pour les enfants

Ce document souligne aussi que deux tiers des enfants de moins de 15 ans sont exposés, volontairement ou non, et même un tiers de moins de 12 ans, au contenu pornographique. Les conséquences du visionnage pour le jeune public sont dramatiques : « troubles du sommeil, sexualisation précoce, développement de conduites à risques etc. »

Ces images toxiques et traumatisantes circulent librement et quasiment sans contrôle. Cette industrie semble « s’affranchir de toutes les limites morales de la société » précisent les autrices. Cela s’explique car cette industrie est « opaque et mondialisée » souvent hors d’atteinte, logée dans des paradis fiscaux et qu’elle génère « plusieurs milliards d’euros de profit chaque année ». 

C’est pourquoi les autrices plaident pour une action forte des pouvoirs publics non seulement pour protéger les mineurs mais aussi mieux informer les consommateurs sur les conditions de tournages.

Des recommandations pour agir rapidement

Les sénatrices proposent 23 recommandations. On peut en retenir les quatre grands axes.

Faire de la lutte contre les violences pornographiques et la marchandisation des corps une priorité de politique publique .Cela implique de sensibiliser les parents via des campagnes de communication nationale, de doter les enquêteurs.trices et les magistrat.es spécialisé.es des moyens nécessaires mais aussi de faire des violences sexuelles, dans le contexte de la pornographie, une infraction pénale.

Faciliter les suppressions de contenus illicites et le droit à l’oubli. En permettant par exemple à l’ARCOM (ex CSA) de prononcer des amendes dissuasives et en favorisant l’émergence des plaintes des victimes ou en imposant aux plateformes de satisfaire gratuitement aux demandes de retrait des vidéos formulées par les personnes filmées (aujourd’hui, elles doivent payer entre 3000 et 5000 euros).

Appliquer enfin la loi sur l’interdiction d’accès des mineurs et protéger la jeunesse. Le rapport préconise par exemple d’imposer un écran noir sur les sites pornographiques tant que l’âge n’a pas été vérifié afin d’éviter les images choquantes ou un contrôle parental obligatoire par défaut. Des solutions techniques simples existent, encore faut-il les mettre en place.

Mettre en œuvre les séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et sensibiliser les parents, professionnels de santé et professionnels de l’éducation aux enjeux liés à la pornographie. « Eduquer, éduquer, éduquer », martèle les sénatrices afin que les enfants qui se posent des questions sur la sexualité puissent trouver leurs réponses auprès d’un personnel formé et de ressources de qualité.

L’UNSA-Education fortement engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et pour la promotion de l’égalité femmes-hommes ne peut que souscrire aux conclusions de ce rapport. Il est notamment urgent de mettre réellement en place l’éducation à la sexualité pourtant obligatoire depuis 2001 qui peine encore à être appliquée dans les écoles et les établissements scolaires.

Rapport du Sénat

Article de l’UNSA-Education sur l’EAS

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