Analyses et décryptages

Libre choix des spécialités au lycée : ceux qui savent et les autres

Le libre choix des spécialités est-il, en l'état actuel, un facteur de reproduction des inégalités ? Les portes de certaines filières se ferment-elles dès la fin de la seconde en fonction de ces choix ? Pour éviter une orientation précoce qui ne dit pas son nom, l'UNSA Education est force de proposition.

Le message institutionnel adressé aux lycéens de seconde est de choisir librement trois spécialités en première, puis d’en conserver deux en terminale. Ce libre choix permet à certains de s’orienter au mieux, en fonction de leurs appétences, de leurs aptitudes et, par la suite, de trouver une voie d’orientation qui leur convient le mieux.

D’autres encore ont un projet d’orientation et connaissent les meilleures combinaisons de spécialités et d’options pour qu’il se réalise. Ces derniers hiérarchisent entre ce qu’ils aimeraient faire maintenant et ce qu’ils veulent obtenir plus tard. Ils savent qu’ils auront un avantage lors du processus de sélection dans le supérieur.

Enfin, dans certains cas, les chefs d’établissements ont limité les combinaisons possibles que les élèves peuvent choisir. Ceci par manque de moyens, pour faciliter l’organisation des cours ou par souci de guider davantage les élèves dans leurs orientations, évitant ainsi des triplets peu pertinents de leurs points de vue.

Pour autant, un triplet de spécialités qualifié « d’exotique » par certains correspond aux désirs d’un lycéen. Il lui fait néanmoins prendre le risque de se fermer les portes de nombreuses formations du supérieur sans s’en apercevoir. En effet, les instances de recrutement dans les formations du supérieur privilégient certaines spécialités à d’autres lors de l’examen des candidatures. Qui mieux qu’elles savent les prérequis utiles ou nécessaires en fonction du domaine d’étude ? Certaines passerelles ou mises à niveau sont proposées mais, plus la formation demandée est sélective, plus ce triplet ou ces triplets de spécialités deviennent une condition nécessaire pour être accepté. Mais ces critères ne sont pas connus par tous (élèves, familles, professeurs principaux) et les 54h de formation à l’orientation prévues en seconde n’ont bien souvent pas lieu faute d’abondement sur la DGH.

Il en résulte que des lycéens se retrouvent écartés de fait de nombreuses filières, d’autant plus qu’elles sont sélectives, et ce dès la fin de la seconde.

Ce problème est particulièrement vif dans les filières scientifiques ou économiques à cause des choix faits pour l’enseignement des mathématiques lors de la réforme du lycée. Il n’y a plus de mathématiques dans le tronc commun. La spécialité de mathématiques repose sur un programme pointu et exigeant et il n’y a actuellement pas d’offre intermédiaire. Le caractère binaire de ces possibilités pour les lycéens poussent certains à renoncer dès la seconde, d’autres en fin de première, sachant (ou croyant) qu’ils n’ont pas le niveau ou n’appréciant pas suffisamment la discipline pour un tel investissement. Ils le font d’autant plus facilement qu’ils n’ont pas conscience de se fermer les portes de tout une partie des orientations car les mathématiques restent nécessaires dans de nombreuses filières. Ce n’était pas le cas dans les précédentes moutures du baccalauréat. Le « bac S » permettait justement aux élèves en ayant les capacités, de ne pas choisir avant la terminale. L’homogénéité dans les profils de formation des candidats, lors des procédures d’orientation dans le supérieur, assurait une égalité plus grande qu’aujourd’hui dans ces filières.

En l’état de la réforme du lycée, le libre choix des spécialités provoque donc une rupture d’égalité.

Quels sont les élèves qui sont le plus vulnérables à ce nouvel état de fait ? Ceux qui n’ont pas les bonnes informations grâce à leur entourage, les filles, les élèves issus des catégories sociales les moins favorisées1.

« La grande vertu de cette réforme du lycée, c’est qu’elle est perfectible » (Pap Ndiaye, devant la commission Culture et Education de l’assemblée nationale, le 2 août 2022)

L’UNSA Education réitère sa demande de remise en route du Comité de suivi de la réforme du lycée général et technologique.

Si le libre choix des spécialités est une réforme voulue pour l’épanouissement des futurs citoyens et une plus grande implication dans leurs projets d’orientation, pour l’UNSA Education il faut :

– harmoniser le fonctionnement des lycées quant à la liberté de choix des spécialités ;
– donner les moyens aux établissements, à travers la DGH, pour que les 54h de formation à l’orientation soient effectives pour tous ;
– rendre public d’une année sur l’autre une synthèse des spécialités et options choisies par les candidats retenus dans chaque formation du supérieur ;
– mettre à disposition des professeurs principaux de seconde des outils nationaux pour rendre cohérents le choix des spécialités de leurs élèves et leurs orientations ;
– avoir une politique volontariste pour améliorer l’égalité fille garçon et pour une plus grande mixité sociale au sein des filières scientifiques ;
– modifier l’offre de formation en mathématiques en l’intégrant dans le tronc commun en première et en rendant accessible à tous une option « mathématiques complémentaires » en terminale.

Pour aller plus loin, des articles complémentaires:

Proroger les comités de suivis des lycées

Orientation genrée 

Place des maths au lycée 

 

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