Déclaration de l’Unsa Education CTA du 19 octobre 2022

Retrouvez la déclaration de l'Unsa Education au cours du CTA de rentrée, qui fut aussi le dernier CTA. Cette instance sera remplacée par un Comité Social d'Administration à l'issue des élections professionnelles du 1er au 8 décembre

 

Déclaration de l’Unsa-Education au CTA du 19 octobre 2022

Monsieur le Recteur,

Mesdames et messieurs les membres du CTA.

En préambule de ce CTA qui est votre premier dans l’académie de Nancy Metz, Monsieur le Recteur, l’Unsa Education vous renouvelle ses souhaits de bienvenue et souhaite à Monsieur Tiquet, IA-Dasen de Meurthe Moselle, une excellente retraite.

 

Nous ne pouvons pas débuter ce CTA sans avoir une pensée pour notre collègue Samuel Paty.

Le 16 octobre 2020, en rentrant chez lui après sa journée de travail au collège, Samuel Paty était ignoblement assassiné par un jeune islamiste radical. Visé par des accusations mensongères relayées sur les réseaux sociaux, ce professeur d’histoire-géographie et d’EMC n’avait fait que son travail : tenter d’éveiller les esprits de ses élèves et leur enseigner les principes de laïcité, de liberté de conscience et d’esprit critique. À l’UNSA Éducation, nous pensons à ses proches et sa famille, ainsi qu’à l’ensemble des personnels du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine où il enseignait depuis plusieurs années. Samuel Paty a été la victime du fanatisme et de l’obscurantisme en voulant éduquer les plus jeunes afin de leur permettre de vivre libres et égaux. Nous devons continuellement porter en nous son souvenir et poursuivre son œuvre.

 

Chaque rentrée possède ses spécificités mais celle-ci, très particulière, a bénéficié d’une couverture médiatique inédite.

Si, à la satisfaction de tous, la situation sanitaire et la vaccination du plus grand nombre ont permis une rentrée sans masque, avec un protocole au niveau le plus bas, et ainsi de redonner un visage plus humain à l’école, l’UNSA Education espère tout de même que les erreurs passées serviront de leçon. La façon dont a été gérée la crise dans la communication désastreuse faite aux personnels à tous les échelons a laissé des traces chez nos collègues.

 

Non, en réalité, l’intérêt des médias pour cette rentrée a surtout concerné la désaffection de nos métiers et la pénurie de personnels que nous connaissons depuis plusieurs années et qui ne cesse de s’amplifier. Si la loupe a été mise sur les enseignants, le manque de candidats au concours, mais aussi la perte d’attractivité, concerne tous nos corps de métiers. Il faut rajouter à cela un nombre croissant de titulaires tentés par la démission ou la rupture conventionnelle. A l’UNSA Education, nous ne sommes pas surpris par ces constats car nous alertons depuis très longtemps sur le déclassement de nos carrières, mais aussi sur le travail de sape qui conduit beaucoup de jeunes à se détourner de l’Education Nationale et plus globalement du service public.

Pour les enseignants, un recrutement à bac +5 avec des salaires très bas, couplé à une mobilité subie, avec parfois une absence totale de perspectives, agissent comme un repoussoir. Les profils des candidats ont évolué, leurs contraintes et leurs aspirations également, et dans un marché du travail qui se réveille, l’Education Nationale n’est plus compétitive. Nous arrivons à certaines aberrations, où des personnels titulaires démissionnent pour devenir contractuels dans le département où leur conjoint et leurs enfants sont installés. Ils sont lassés de devoir exercer à plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres ou de faire une croix sur leur carrière pour privilégier leur vie familiale. On ne décrète pas l’attractivité d’un métier, on la construit aussi par les conditions matérielles d’exercice et de réelles perspectives de carrière. Il faut revoir en profondeur les conditions d’emploi des personnels : – en revalorisant les salaires de l’ensemble des métiers sans contrepartie, et pas uniquement à l’entrée dans le métier – en garantissant la mobilité géographique – en améliorant les conditions d’exercice. C’est indispensable pour redonner aux équipes les moyens de travailler sereinement.

 

 Un autre métier à construire en urgence : celui d’AESH.

Le projet de loi de finance prévoit quatre mille équivalents temps plein supplémentaires d’AESH en 2023. Malgré cela, l’école inclusive manquera encore cruellement de moyens cette année. Au moment où ce CTA se tient, de très nombreux élèves ne sont pas accompagnés dans le premier et le second degrés à hauteur de leurs besoins, ou ne bénéficient pas du respect intégral de leur notification. Même les notifications d’aide individualisée ne sont pas toujours honorées. C’est inacceptable. L’UNSA Education revendique une école réellement inclusive, avec l’implication de l’ensemble des partenaires, des moyens à la hauteur, des enseignants et des personnels formés et des AESH sur des temps complets pour prendre en compte la globalité du temps de l’élève.

 

 Si les médias se sont donc emparés à juste titre des difficultés à disposer d’un nombre suffisant de personnels enseignants à la rentrée, les carences en personnels autres qu’enseignants n’ont pas ému aussi largement. Pourtant, le système éducatif qui ne tient et ne fonctionne de façon satisfaisante qu’à la condition que l’ensemble de ses éléments constituants soient en mesure de pouvoir contribuer à son équilibre. Or, pour l’UNSA Éducation, il y a un véritable dérèglement structurel. L’élément le plus emblématique concerne la médecine scolaire. La problématique dépasse la question de pourvoir les postes vacants. Elle est devenue bien plus grave : c’est la survie de la médecine scolaire qui est en jeu. Les conditions de rémunération et de travail des médecins de l’E.N. sont telles que l’on ne peut s’étonner que les postes, déjà trop peu nombreux, ne soient pas pourvus. On assiste à un abandon politique de la médecine scolaire, ce qui signifie un abandon des élèves sur les questions de santé avec pour conséquence un accroissement des inégalités dans notre pays.

Les nombreux postes de personnels sociaux et de santé, d’administratifs, d’enseignement, d’accompagnement et de surveillance vacants ou non remplacés, sont autant d’éléments qui viennent à leur tour monopoliser l’attention des personnels de direction et les détournent de leurs missions de pilotage des établissements. Pour l’UNSA Éducation, c’est l’une des autres formes du dérèglement structurel de notre ministère, qui détourne ses propres agents de leurs missions essentielles, à tel point que l’encadrement, y compris les corps d’inspection, n’est plus en mesure de faire et de donner du sens à l’exercice de leurs métiers.

Enfin, le dérèglement structurel tient également à la sous administration endémique du ministère de l’Education Nationale. Le nombre d’agents à la charge de chaque gestionnaire de personnel est sans mesure avec les taux d’encadrement des autres ministères et sans commune mesure avec la charge de travail liée. Certains agents ont un nombre de dossiers en portefeuille à gérer bien supérieur à ce qui est constaté dans les autres départements ministériels. De plus, la progression de nombre d’agents contractuels implique une gestion beaucoup plus chronophage que celles des agents titulaires dont la gestion est par principe collective. Qu’ils exercent en services ou dans les EPLE, les personnels administratifs constatent tous une surcharge de travail et un manque de reconnaissance qui entrainent une dégradation de leurs conditions de travail. A cela s’ajoute des outils informatiques calamiteux. En effet, les personnels administratifs se trouvent en situation d’assurer leurs missions sur des logiciels ou progiciels souvent inadaptés, générateurs d’un surcroît de travail très conséquent. Il s’agit pourtant parfois d’outils informatiques nouveaux tels qu’Opale dont on connaît les problèmes de lourdeur extrême de chaque opération et de manque de fiabilité. Ces constats, faits et exprimés par les testeurs dans toutes les académies, ne semblent pas remettre en cause le déploiement d’Opale dans tous les EPLE. C’est incompréhensible. Il s’agit aussi d’outils informatiques obsolètes des années 1980 qui sont censés permettre la gestion et la rémunération des enseignants contractuels (de plus en plus nombreux) et des AESH. Ces logiciels sont totalement inefficaces et peu fiables. Ils génèrent un très grand stress auprès des personnels administratifs. Ces constats factuels alimentent une désillusion face à une institution qui place les personnels administratifs en situation de risques psycho sociaux importants. Les personnels administratifs ont à cœur de produire un travail de qualité au service de la communauté éducative. Mais ils veulent le faire avec des outils adaptés aux missions. C’est bien là le minimum qu’on puisse leur accorder. Enfin, pour les établissements, l’accroissement du coût des denrées alimentaires et de l’énergie, cette dernière représentant aujourd’hui et à elle seule plus de la moitié du budget de fonctionnement des collèges et lycées, va tendre la situation financière des EPLE jusqu’à conduire à très court terme à des situations d’insuffisance de trésorerie. L’UNSA Education alerte par rapport à cette situation qui va rapidement devenir dramatique pour de nombreux établissements, avec des risques de fermeture, ce qui serait inacceptable.

 Pour l’UNSA Éducation, c’est à l’ensemble de ces dérèglements structurels qu’il est nécessaire de s’attaquer pour transformer les défis auxquels est confronté notre système éducatif. Cette dégradation sans précédent des conditions de travail se traduit par un accroissement des tensions dans les relations de travail, notamment avec la hiérarchie. Les inégalités se multiplient, la pression insupportable qui règne y compris sur les cadres se traduit par un système anxiogène pour tous, où les conditions d’une gestion humaine des ressources s’est évanouie.

 

Hier, mardi 18 octobre aurait dû être une journée historique pour mettre en avant le fort mécontentement et la grande inquiétude des personnels qui font vivre la voie professionnelle en France. Exceptionnellement, toutes les organisations syndicales des enseignants du public, du privé et de l’enseignement agricole appelaient à se mobiliser. D’autres intérêts politiques et syndicaux l’ont noyé dans la masse de revendications fut-elles légitimes. Ce calendrier fâcheux a rendu cette journée de mobilisation bien moins visible dans les médias . A l’Unsa Education, nous le regrettons fortement.

 

Depuis 3 mois, le Président de la République et de sa ministre Carole Grandjean, qui a la double tutelle du ministère de l’Education nationale et du ministère du travail, ont fait des annonces, certaines très inquiétantes, concernant la réforme de la voie professionnelle qui vient pourtant déjà de subir une réforme d’ampleur, toujours pas évaluée.

–         Augmenter de 50% la durée des PFMP

–         Ajuster les cartes de formations

–         Rapprochement des acteurs et des liens écoles- entreprises

–         Parcours avenir renforcé pour les élèves de 5ème

Les audiences nationales que les syndicats de l’Unsa Education (SE-Unsa, Snpden-Unsa, entre autres) ont eues n’ont laissé entrevoir aucune ouverture de discussions susceptible de rassurer les personnels.  Les points laissés à la discussion sont connexes et ne portent pas sur le fond.

L’objectif affiché par le Président est d’augmenter l’insertion professionnelle en transformant les formations scolaires pour les calquer sur le modèle de l’apprentissage, tout en adaptant la carte des formations en fonction des besoins immédiats des entreprises.

Pour l’Unsa-Éducation, ériger l’apprentissage comme l’alpha et l’oméga de la formation professionnelle est à la fois irréaliste et inacceptable. L’apprentissage est une modalité de formation sélective et exigeante, inadaptée à la majorité des jeunes en voie professionnelle qui n’ont pas les réseaux et les codes nécessaires pour intégrer des entreprises dans ce cadre. Par ailleurs, les entreprises n’ont pas la capacité d’accueillir massivement ces jeunes qui se destinent à une formation professionnelle.

L’alignement de la voie pro scolaire avec l’apprentissage pourrait aussi entraîner une annualisation du temps de travail des PLP, une dégradation de leurs conditions de travail et des suppressions de postes en nombre. Nous refusons toute dégradation du statut des PLP !

L’augmentation annoncée de 50 % de la durée des PFMP, réduirait de façon drastique les enseignements généraux et professionnels, au détriment des élèves qui en ont le plus besoin et des poursuites d’études. La voir pro scolaire doit s’attacher à former des futurs citoyens et non uniquement des salariés. 

Des cartes de formation adaptées aux simples besoins locaux, créeront pour les élèves des discriminations territoriales d’accès aux formations.  Les réductions de certaines filières jugées insuffisamment efficaces en termes d’insertion provoqueront, pour nombre de PLP, mutations forcées et reconversions.  Nous défendons par ailleurs, un aménagement des territoires équilibré avec une carte des formations qui puisse à la fois répondre à la demande sociale et aux nécessaires évolutions des métiers. 

L’Unsa-education et ses syndicats d’enseignants, de personnels de direction, d’inspecteurs , de DDFPT, et de l’enseignement agricole prépareront ensemble les GT ministériels car la politique de la chaise vide n’est pas notre mode d’action.

Mais ils continueront à défendre les LP, LPO, EREA, CFA Greta, et CFA public, en prenant en compte les spécificités rurales, les laissant acteurs indispensables et incontournables au cœur de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, pour scolariser et faire réussir tous les élèves, même les plus fragiles.

Ils continueront à dire qu’ils sont opposés à de nouvelles réformes sans analyse de la précédente, qu’ils sont opposés à des réformes hors sol irréalisables sur le terrain.

Je terminerai mon propos avec un sujet d’actualité qui nous est lui aussi imposé, celui de la réforme des retraites.

Le gouvernement a décidé d’ouvrir des consultations sur plusieurs points : dispositif carrières longues, pénibilité et usure au travail, transition emploi-retraite et fin de carrière, emploi des séniors, minimum retraite et équilibre financier du régime. Dans une société déjà inquiète et fragilisée, un passage en force de ce dossier très sensible lors du débat budgétaire aurait été une faute.

A l’Unsa, nous attendons désormais que le gouvernement précise ses intentions et la méthode de concertation annoncée. Ce sujet traverse toute la société. L’UNSA est prête à un débat loyal devant l’opinion publique. Elle y contribuera et développera ses propres solutions. L’UNSA restera toujours opposée à tout recul de l’âge de départ en retraite ou à une augmentation de la durée de cotisation. Concernant le financement du régime, des solutions alternatives existent.                    Pour l’UNSA, c’est « Pas un jour, pas un mois, pas un an de plus ! »

Si le gouvernement persistait dans cette voie, la confrontation serait inévitable.

 

En conclusion, pour revenir à notre ministère, si « l’École de demain » portée par Pap NDaye, après « L’école de la confiance » portée par JM Blanquer, doit être autre chose qu’une campagne de communication, il faudra rompre avec des habitudes de pilotage vertical profondément ancrées, en finir avec les suppressions de postes et la dégradation des conditions de travail, et proposer autre chose qu’une revalorisation en trompe l’œil.

 

Je vous remercie pour votre attention.

Magali Leclaire, secrétaire régionale de l’Unsa Education .