Une recherche sur les inégalités socio-spatiales d’éducation (Partie 1)

Partie 1

Introduction

Si pour beaucoup (professeurs, familles, parents,…), le lien entre la réussite scolaire et le lieu de scolarisation est évident, ce lien a fait l’objet tardivement de recherches précises.
Entre 2002 et 2009, une équipe de recherche a exploré cette problématique.
Trois chercheurs : Choukri BEN AYED, Sylvain BROCCOLICHI et Danièle TRANCART ont coordonné les travaux de 17 autres chercheurs sur les inégalités socio-spatiales d’éducation. Ces travaux ont été menés dans le cadre d’un appel à projet lancé par la DEPP (MEN) et la DATAR en 2002 (appel d’offres intitulé « Education et formation : disparités territoriales et régionales »).

Éléments de méthodologie

Les chercheurs étaient invités à travailler sur « l’effet territoire ». De l’échelle réduite d’un établissement scolaire, ils devaient pouvoir passer à une échelle territoriale autre qu’une échelle régionale ou académique, pour examiner les inégalités socio-spatiales d’éducation.

Les chercheurs se sont principalement intéressés aux résultats scolaires au niveau du collège et surtout à la classe de 6ème.

Ils ont élaboré un indice de tonalité sociale des collèges et un indice de tonalité sociale des départements.

L’indice de tonalité sociale des collèges a été construit en fonction des connaissances existantes sur les inégalités de réussite scolaire.
Pour l’élaborer, les chercheurs ont distingué les catégories sociales « très favorisées », « très défavorisées » et « ouvriers ». Puis la proportion d’élèves étrangers et la proportion d’élèves boursiers de sixième ont complété leur analyse.

L’indice de tonalité sociale des départements qu’ils ont construit est d’autant plus positif que les familles d’élèves sont socialement défavorisées (et d’autant plus négatif dans le cas inverse). Il est nul pour un territoire situé dans une situation moyenne par rapport à l’ensemble des indicateurs (proportion d’ouvriers, d’élèves très défavorisés, d’élèves boursiers, d’élèves étrangers et d’élèves très favorisés).

A partir de ces indices, ils ont pu établir une cartographie de l’espace éducatif.
 

La cartographie de l’espace éducatif

Tonalité sociale des départements de France métropolitaine

Les départements dont la tonalité sociale est très défavorisée se trouvent dans le Nord de la France (voir figure 1 ci-dessous) : Nord, Pas‐de‐Calais, Ardennes et Somme. La Seine‐Saint‐Denis est le département le plus défavorisé sur la plupart des critères sociaux (et le seul département d’Île‐de‐France en situation défavorisée). La Corse du sud est une exception au sud du pays où existe une tonalité sociale défavorisée dans cinq autres départements du sud méditerranéen (avec autant de « très défavorisés » que dans le Nord de la France mais moins d’« ouvriers » et davantage de « très favorisés »).

À l’autre extrême, les trois départements qui comptent les plus fortes proportions de cadres et de chefs d’entreprise se trouvent en Île‐de‐France (Yvelines, Hauts‐de‐Seine et Essonne), région la plus favorisée socialement.
En dehors de l’Île‐de‐France, c’est dans le Sud‐ouest, dans les Alpes et en Bretagne qu’on trouve d’assez fortes proportions de familles socialement favorisées.

Dans les départements de même tonalité sociale globale, les élèves issus des différents groupes sociaux se répartissent de façon relativement équilibrée entre des collèges socialement mixtes ou de façon très déséquilibrée et hiérarchisée entre des collèges présentant de fortes disparités de recrutement.
Les disparités sociales entre les collèges reflètent partiellement les ségrégations résidentielles. Elles sont amplifiées par les pratiques de scolarisation hors secteur dans les zones urbaines (les familles d’élèves les mieux dotées se déplacent plus souvent vers des collèges à plus haut recrutement social que celui de leur secteur).

Les disparités sociales entre collèges sont très marquées dans les départements d’Île‐de‐France et dans ceux de la côte méditerranéenne, qui est une autre zone géographique où l’on trouve des collèges « très favorisés » et des collèges « très défavorisés » dans des zones urbaines assez denses.

À l’opposé, les départements les moins ségrégués sont très ruraux (les Landes, les Hautes‐Alpes, les Alpes de Haute‐Provence, l’Aveyron, la Haute‐Loire, le Lot, le Tarn‐et‐Garonne).

Les chercheurs ont repéré des surcroîts d’échecs et d’inégalités scolaires dans des départements où les disparités de recrutement entre collèges sont maximales.

Figure 1 : Tonalité sociale des départements de France métropolitaine


– Rouge : très défavorisés (6) ;
– rose : défavorisés (10) ;
– blanc : proche de la moyenne (60);
– vert clair : favorisée (15) ;
– vert foncé : très favorisée (5)

Source et champ : DEPP, scolarité, collèges publics, années 2001-2002 et 2003-2004, France métropolitaine, calculs des auteurs.
Note de lecture : 6 départements sont très défavorisés : La Seine-Saint-Denis, le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, les Ardennes et la Corse du Sud.

 

Les inégalités socio-spatiales d’éducation

Le but des chercheurs était de repérer les départements où la moyenne des performances des élèves aux épreuves standardisées de sixième était nettement supérieure, ou au contraire inférieure, à la moyenne prédite en fonction de la composition sociale des collégiens du département.
À l’aide d’un modèle de régression simple, ils ont calculé le résultat attendu à l’évaluation de 6ème (la valeur prédite par le modèle en fonction de l’indice global de précarité). L’écart entre le résultat observé et le résultat attendu représente la sur‐réussite scolaire (si l’écart est positif) ou la sous‐réussite scolaire dans le cas contraire.

Dans plus de la moitié des départements, les résultats constatés sont peu différents des résultats prédits en fonction de l’indicateur utilisé pour mesurer la tonalité sociale du département.
Dans ces départements, les acquis scolaires des élèves sont liés à leur origine sociale d’une façon proche du lien observé à l’échelle nationale.

Par contre, les écarts entre les résultats constatés et prévus sont très significatifs et surprenants dans une vingtaine d’autres départements.

Les huit départements où les écarts sont les plus élevés sont tous en « sous‐réussite » : les résultats constatés sont très inférieurs aux résultats prévus d’après les caractéristiques sociales des familles d’élèves (voir figure 2 ci-dessous). Ils se situent tous dans le bassin parisien, en Île‐de‐France et à proximité.
Un groupe de départements en sous‐réussite un peu moins marquée se situe également sur la côte méditerranéenne, des Bouches‐du‐Rhône aux Alpes maritimes (voir figure 2 ci-dessous).

Figure 2 : Sur et sous-réussites départementales

– Vert foncé : très au-dessus des scores attendus (3) ;
– vert clair : au-dessus des scores attendus (11) ;
– blanc : proches des scores attendus (67) ;
– rose : en-dessous des scores attendus (7) ;
– rouge : très en-dessous des scores attendus (8)

Source et champ : DEPP, Ministère de l’Éducation nationale, Collèges publics de France métropolitaine, évaluation de 6ème (moyenne maths et français, années 2001-2002 et 2003-2004), calculs des auteurs.
Note de lecture : Les sur ou sous-réussites départementales sont calculées à partir d’un modèle de régression linéaire simple.
La variable à expliquer est le score à l’évaluation 6ème et la variable explicative est l’indice global de précarité qui ne tient compte que des caractéristiques sociales de l’élève. Les résultats observés sont très en dessous du score prévu ou attendu (sous-réussite maximale) en Ile-de-France et à proximité.
À l’opposé, la sur-réussite est maximale dans les départements de la Loire, des Landes et du Lot-et-Garonne.

Les sur‐réussites sont maximales dans le Sud‐ouest et le Massif Central, avec notamment la Loire et l’agglomération de Saint‐Étienne. À l’exception de cette dernière, les départements en sur‐réussite ne comportent aucune agglomération importante ; les disparités sociales de recrutement des collèges y sont faibles dans l’ensemble.

L’importance des disparités entre collèges et le degré d’urbanisation sont donc les deux caractéristiques qui opposent les deux groupes de départements opposés sur le plan de la réussite (réussite tenant compte globalement de la composition sociale des familles d’élèves).

Mais ce n’est pas du tout le cas de la tonalité sociale du département : parmi les départements en sous‐réussite maximale, on trouve les deux extrêmes de la hiérarchie sociale des départements : d’un côté, la Seine‐Saint‐Denis, et de l’autre les Yvelines, les Hauts‐de‐Seine et l’Essonne.

De même parmi les départements en sur‐réussite maximale, on trouve à la fois des départements favorisés (Landes, Pyrénées atlantiques), un département défavorisé (la Loire) et des départements intermédiaires.

Les mêmes grandes tendances sont observées en considérant les résultats des élèves aux épreuves terminales de mathématiques et de français au Diplôme national du brevet (DNB), en fin de 3ème, et non plus l’évaluation nationale à l’entrée en 6ème : en particulier, les départements en sous‐réussite maximale sont quasiment les mêmes.

Cet examen permet de distinguer les résultats des élèves des différents groupes sociaux (et les écarts entre eux) selon les territoires.
On remarque que ces écarts sont nettement accrus dans les départements en sous‐réussite et réduits au contraire dans les départements en sur‐réussite.

Les chercheurs en concluent que les déficits d’apprentissage sont liés à des dysfonctionnements et perturbations auxquels les familles les moins dotées de ressources culturelles et économiques sont les plus exposées.
Dans les territoires où les conditions de scolarisation sont souvent troublées, les élèves du bas de l’échelle sociale sont les plus pénalisés ; mais les élèves des groupes sociaux intermédiaires (employés, professions intermédiaires, artisans et commerçants) réussissent, eux aussi, nettement moins bien que ceux des autres départements ; c’est aussi le cas (à un degré moindre) des enfants de cadres et d’enseignants.

Parmi les facteurs qui alimentent ces processus perturbateurs, les chercheurs notent la présence en forte proportion de très jeunes enseignants dans les départements en sous‐réussite (et plus spécialement dans les ZEP de ces départements). Ils suggèrent que le manque d’expérience des jeunes enseignants est une des causes de sous‐réussite, et que la jeunesse des enseignants peut être une conséquence de difficultés entraînant un départ plus fréquent des plus anciens.

Le cas extrême est celui de la Seine‐Saint‐Denis, avec 40 % de moins de 30 ans parmi les enseignants des collèges, contre 15 % en moyenne dans les collèges français ces dernières années.
Mais on retrouve aussi des pourcentages supérieurs à 35 % dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP) d’autres départements en sous‐réussite maximale (Oise, Yvelines, Seine et Marne…) alors qu’ils sont proches de la moyenne nationale dans les ZEP des départements les plus en sur‐réussite.
La proportion de moins de 30 ans varie ainsi du simple au double entre les départements en sous‐réussite maximale et les départements en sur‐réussite maximale.

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Partie 1

Introduction

Si pour beaucoup (professeurs, familles, parents,…), le lien entre la réussite scolaire et le lieu de scolarisation est évident, ce lien a fait l’objet tardivement de recherches précises.
Entre 2002 et 2009, une équipe de recherche a exploré cette problématique.
Trois chercheurs : Choukri BEN AYED, Sylvain BROCCOLICHI et Danièle TRANCART ont coordonné les travaux de 17 autres chercheurs sur les inégalités socio-spatiales d’éducation. Ces travaux ont été menés dans le cadre d’un appel à projet lancé par la DEPP (MEN) et la DATAR en 2002 (appel d’offres intitulé « Education et formation : disparités territoriales et régionales »).

Éléments de méthodologie

Les chercheurs étaient invités à travailler sur « l’effet territoire ». De l’échelle réduite d’un établissement scolaire, ils devaient pouvoir passer à une échelle territoriale autre qu’une échelle régionale ou académique, pour examiner les inégalités socio-spatiales d’éducation.

Les chercheurs se sont principalement intéressés aux résultats scolaires au niveau du collège et surtout à la classe de 6ème.

Ils ont élaboré un indice de tonalité sociale des collèges et un indice de tonalité sociale des départements.

L’indice de tonalité sociale des collèges a été construit en fonction des connaissances existantes sur les inégalités de réussite scolaire.
Pour l’élaborer, les chercheurs ont distingué les catégories sociales « très favorisées », « très défavorisées » et « ouvriers ». Puis la proportion d’élèves étrangers et la proportion d’élèves boursiers de sixième ont complété leur analyse.

L’indice de tonalité sociale des départements qu’ils ont construit est d’autant plus positif que les familles d’élèves sont socialement défavorisées (et d’autant plus négatif dans le cas inverse). Il est nul pour un territoire situé dans une situation moyenne par rapport à l’ensemble des indicateurs (proportion d’ouvriers, d’élèves très défavorisés, d’élèves boursiers, d’élèves étrangers et d’élèves très favorisés).

A partir de ces indices, ils ont pu établir une cartographie de l’espace éducatif.
 

La cartographie de l’espace éducatif

Tonalité sociale des départements de France métropolitaine

Les départements dont la tonalité sociale est très défavorisée se trouvent dans le Nord de la France (voir figure 1 ci-dessous) : Nord, Pas‐de‐Calais, Ardennes et Somme. La Seine‐Saint‐Denis est le département le plus défavorisé sur la plupart des critères sociaux (et le seul département d’Île‐de‐France en situation défavorisée). La Corse du sud est une exception au sud du pays où existe une tonalité sociale défavorisée dans cinq autres départements du sud méditerranéen (avec autant de « très défavorisés » que dans le Nord de la France mais moins d’« ouvriers » et davantage de « très favorisés »).

À l’autre extrême, les trois départements qui comptent les plus fortes proportions de cadres et de chefs d’entreprise se trouvent en Île‐de‐France (Yvelines, Hauts‐de‐Seine et Essonne), région la plus favorisée socialement.
En dehors de l’Île‐de‐France, c’est dans le Sud‐ouest, dans les Alpes et en Bretagne qu’on trouve d’assez fortes proportions de familles socialement favorisées.

Dans les départements de même tonalité sociale globale, les élèves issus des différents groupes sociaux se répartissent de façon relativement équilibrée entre des collèges socialement mixtes ou de façon très déséquilibrée et hiérarchisée entre des collèges présentant de fortes disparités de recrutement.
Les disparités sociales entre les collèges reflètent partiellement les ségrégations résidentielles. Elles sont amplifiées par les pratiques de scolarisation hors secteur dans les zones urbaines (les familles d’élèves les mieux dotées se déplacent plus souvent vers des collèges à plus haut recrutement social que celui de leur secteur).

Les disparités sociales entre collèges sont très marquées dans les départements d’Île‐de‐France et dans ceux de la côte méditerranéenne, qui est une autre zone géographique où l’on trouve des collèges « très favorisés » et des collèges « très défavorisés » dans des zones urbaines assez denses.

À l’opposé, les départements les moins ségrégués sont très ruraux (les Landes, les Hautes‐Alpes, les Alpes de Haute‐Provence, l’Aveyron, la Haute‐Loire, le Lot, le Tarn‐et‐Garonne).

Les chercheurs ont repéré des surcroîts d’échecs et d’inégalités scolaires dans des départements où les disparités de recrutement entre collèges sont maximales.

Figure 1 : Tonalité sociale des départements de France métropolitaine


– Rouge : très défavorisés (6) ;
– rose : défavorisés (10) ;
– blanc : proche de la moyenne (60);
– vert clair : favorisée (15) ;
– vert foncé : très favorisée (5)

Source et champ : DEPP, scolarité, collèges publics, années 2001-2002 et 2003-2004, France métropolitaine, calculs des auteurs.
Note de lecture : 6 départements sont très défavorisés : La Seine-Saint-Denis, le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, les Ardennes et la Corse du Sud.

 

Les inégalités socio-spatiales d’éducation

Le but des chercheurs était de repérer les départements où la moyenne des performances des élèves aux épreuves standardisées de sixième était nettement supérieure, ou au contraire inférieure, à la moyenne prédite en fonction de la composition sociale des collégiens du département.
À l’aide d’un modèle de régression simple, ils ont calculé le résultat attendu à l’évaluation de 6ème (la valeur prédite par le modèle en fonction de l’indice global de précarité). L’écart entre le résultat observé et le résultat attendu représente la sur‐réussite scolaire (si l’écart est positif) ou la sous‐réussite scolaire dans le cas contraire.

Dans plus de la moitié des départements, les résultats constatés sont peu différents des résultats prédits en fonction de l’indicateur utilisé pour mesurer la tonalité sociale du département.
Dans ces départements, les acquis scolaires des élèves sont liés à leur origine sociale d’une façon proche du lien observé à l’échelle nationale.

Par contre, les écarts entre les résultats constatés et prévus sont très significatifs et surprenants dans une vingtaine d’autres départements.

Les huit départements où les écarts sont les plus élevés sont tous en « sous‐réussite » : les résultats constatés sont très inférieurs aux résultats prévus d’après les caractéristiques sociales des familles d’élèves (voir figure 2 ci-dessous). Ils se situent tous dans le bassin parisien, en Île‐de‐France et à proximité.
Un groupe de départements en sous‐réussite un peu moins marquée se situe également sur la côte méditerranéenne, des Bouches‐du‐Rhône aux Alpes maritimes (voir figure 2 ci-dessous).

Figure 2 : Sur et sous-réussites départementales

– Vert foncé : très au-dessus des scores attendus (3) ;
– vert clair : au-dessus des scores attendus (11) ;
– blanc : proches des scores attendus (67) ;
– rose : en-dessous des scores attendus (7) ;
– rouge : très en-dessous des scores attendus (8)

Source et champ : DEPP, Ministère de l’Éducation nationale, Collèges publics de France métropolitaine, évaluation de 6ème (moyenne maths et français, années 2001-2002 et 2003-2004), calculs des auteurs.
Note de lecture : Les sur ou sous-réussites départementales sont calculées à partir d’un modèle de régression linéaire simple.
La variable à expliquer est le score à l’évaluation 6ème et la variable explicative est l’indice global de précarité qui ne tient compte que des caractéristiques sociales de l’élève. Les résultats observés sont très en dessous du score prévu ou attendu (sous-réussite maximale) en Ile-de-France et à proximité.
À l’opposé, la sur-réussite est maximale dans les départements de la Loire, des Landes et du Lot-et-Garonne.

Les sur‐réussites sont maximales dans le Sud‐ouest et le Massif Central, avec notamment la Loire et l’agglomération de Saint‐Étienne. À l’exception de cette dernière, les départements en sur‐réussite ne comportent aucune agglomération importante ; les disparités sociales de recrutement des collèges y sont faibles dans l’ensemble.

L’importance des disparités entre collèges et le degré d’urbanisation sont donc les deux caractéristiques qui opposent les deux groupes de départements opposés sur le plan de la réussite (réussite tenant compte globalement de la composition sociale des familles d’élèves).

Mais ce n’est pas du tout le cas de la tonalité sociale du département : parmi les départements en sous‐réussite maximale, on trouve les deux extrêmes de la hiérarchie sociale des départements : d’un côté, la Seine‐Saint‐Denis, et de l’autre les Yvelines, les Hauts‐de‐Seine et l’Essonne.

De même parmi les départements en sur‐réussite maximale, on trouve à la fois des départements favorisés (Landes, Pyrénées atlantiques), un département défavorisé (la Loire) et des départements intermédiaires.

Les mêmes grandes tendances sont observées en considérant les résultats des élèves aux épreuves terminales de mathématiques et de français au Diplôme national du brevet (DNB), en fin de 3ème, et non plus l’évaluation nationale à l’entrée en 6ème : en particulier, les départements en sous‐réussite maximale sont quasiment les mêmes.

Cet examen permet de distinguer les résultats des élèves des différents groupes sociaux (et les écarts entre eux) selon les territoires.
On remarque que ces écarts sont nettement accrus dans les départements en sous‐réussite et réduits au contraire dans les départements en sur‐réussite.

Les chercheurs en concluent que les déficits d’apprentissage sont liés à des dysfonctionnements et perturbations auxquels les familles les moins dotées de ressources culturelles et économiques sont les plus exposées.
Dans les territoires où les conditions de scolarisation sont souvent troublées, les élèves du bas de l’échelle sociale sont les plus pénalisés ; mais les élèves des groupes sociaux intermédiaires (employés, professions intermédiaires, artisans et commerçants) réussissent, eux aussi, nettement moins bien que ceux des autres départements ; c’est aussi le cas (à un degré moindre) des enfants de cadres et d’enseignants.

Parmi les facteurs qui alimentent ces processus perturbateurs, les chercheurs notent la présence en forte proportion de très jeunes enseignants dans les départements en sous‐réussite (et plus spécialement dans les ZEP de ces départements). Ils suggèrent que le manque d’expérience des jeunes enseignants est une des causes de sous‐réussite, et que la jeunesse des enseignants peut être une conséquence de difficultés entraînant un départ plus fréquent des plus anciens.

Le cas extrême est celui de la Seine‐Saint‐Denis, avec 40 % de moins de 30 ans parmi les enseignants des collèges, contre 15 % en moyenne dans les collèges français ces dernières années.
Mais on retrouve aussi des pourcentages supérieurs à 35 % dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP) d’autres départements en sous‐réussite maximale (Oise, Yvelines, Seine et Marne…) alors qu’ils sont proches de la moyenne nationale dans les ZEP des départements les plus en sur‐réussite.
La proportion de moins de 30 ans varie ainsi du simple au double entre les départements en sous‐réussite maximale et les départements en sur‐réussite maximale.