Une image positive d’avenir ?

J’ai en tête deux images.

La première illustre la couverture du roman de Frison-Roche : un alpiniste en pleine ascension. Il est seul mais on devine que d’autres suivent, assurés par la corde fixée derrière lui. Il est le « premier de cordée ».

La seconde est faite de deux photos : une femme en chaise roulante et un homme tenant dans ses bras un jeune enfant et tirant une poussette dans une rue en escalier. Elle porte ce slogan « Aider Karine, c’est aussi aider Antoine et Bastien ».

Deux images pour deux visions de la société.

La verticalité et l’horizontalité.

La réussite et la solidarité.

Le mérite individuel et la société inclusive.

Manichéisme de les opposer ?

Facilité surtout. Opinion bienpensante qui valoriserait la seconde et rejetterait la première.

Ne refusons pas de regarder la vérité en face. Si nos valeurs nous portent à revendiquer le collectif et la solidarité, nous ne boudons pas -et c’est naturel- les succès personnels.

Les sociologues ont même emprunté aux psychologues la notion d’individuation pour dire combien nous avons besoin d’être reconnu dans notre unicité au sein d’un collectif qui fait notre identité.

Nous, c’est chaque être humain. Ce sont donc aussi les enfants, les jeunes, les élèves pour qui l’appartenance à leur groupe de pairs, d’âge, à leur classe, à leur club… est indispensable. Mais qui ont tout autant besoin d’exister et de réussir par eux-mêmes.

Le première image rappelle que tous peuvent être à un moment animateur d’équipe, meneur, chef de projet.

La seconde affirme que les « plans inclinés » qui aident les plus fragiles permettent à tous de mieux avancer.

Les deux combinées, articulées, additionnées illustrent la possibilité de chacune et chacun de réussir.

Mais quel message délivre un Président de la République lorsqu’il n’en choisit qu’une des deux ? Pire quand il la valorise en condamnant ceux qui la critiquerait, « ceux qui jetteraient des pierres aux premiers de cordée » ?

Celui d’une société qui ne reconnaitrait qu’une seule forme de réussite. Celle de l’individu, du gagnant, du compétiteur victorieux. Uniquement la réussite de ceux qui ouvrent la voie, guident les pas de leurs subordonnés, tracent le seul chemin possible à suivre.

Pas de coopération, de coresponsabilité, de réel travail d’équipe dans cette vision, mais une hiérarchie des tâches et des talents.

Quelle image du monde du travail est ainsi renvoyée en survalorisant la figure du patron entrepreneur et en caricaturant celle des salariés « poids » à (en)trainer ? Surtout lorsque l’Etat employeur lui-même met à mal le dialogue social avec ses propres agents ?

Que dire d’un système d’Education qui serait construit sur ce modèle ?

Toutes les études le montrent et la dernière évolution du système scolaire suédois (qui a fortement chuté dans le classement PISA) en est une bonne illustration : vouloir relever le plafond c’est creuser l’écart, c’est à la fois multiplier les élèves en échec, mais c’est aussi faire échouer certains élèves considérés comme bons jusqu’alors. Seul le relèvement du plancher permet à la fois de lutter contre l’échec et de permettre au plus grand nombre de mieux réussir.

L’explication compréhensible pour celui qui est le plus difficulté l’est également pour les autres… et elle n’empêche aucun élève d’aller à son rythme plus loin ou plus vite. La démarche active rend l’appréhension des savoirs accessible à tous, sans ralentir ni limiter.

L’Education inclusive est celle qui permet à chacune et à chacun de participer à l’apport collectif. Chaque différence est alors une richesse. Chaque manière de comprendre, d’appréhender, d’acquérir, de développer de nouveaux savoirs est partagée. Elle enrichit le collectif et valorise chaque découvreur, chaque apprenant. Chacun explore sa voie, son chemin, s’inspire des expériences des autres et les inspire par ses propres découvertes.

A la solitude du premier de cordée dans son unique passage est alors substituée la solidarité d’une équipe de grimpeurs qui explore l’ensemble de la paroi.

Une multiplication des possibles et des réussites.

Une image positive d’avenir et non un cliché dépassé.

 

Denis ADAM, le 18 octobre 2017
 

 

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J’ai en tête deux images.

La première illustre la couverture du roman de Frison-Roche : un alpiniste en pleine ascension. Il est seul mais on devine que d’autres suivent, assurés par la corde fixée derrière lui. Il est le « premier de cordée ».

La seconde est faite de deux photos : une femme en chaise roulante et un homme tenant dans ses bras un jeune enfant et tirant une poussette dans une rue en escalier. Elle porte ce slogan « Aider Karine, c’est aussi aider Antoine et Bastien ».

Deux images pour deux visions de la société.

La verticalité et l’horizontalité.

La réussite et la solidarité.

Le mérite individuel et la société inclusive.

Manichéisme de les opposer ?

Facilité surtout. Opinion bienpensante qui valoriserait la seconde et rejetterait la première.

Ne refusons pas de regarder la vérité en face. Si nos valeurs nous portent à revendiquer le collectif et la solidarité, nous ne boudons pas -et c’est naturel- les succès personnels.

Les sociologues ont même emprunté aux psychologues la notion d’individuation pour dire combien nous avons besoin d’être reconnu dans notre unicité au sein d’un collectif qui fait notre identité.

Nous, c’est chaque être humain. Ce sont donc aussi les enfants, les jeunes, les élèves pour qui l’appartenance à leur groupe de pairs, d’âge, à leur classe, à leur club… est indispensable. Mais qui ont tout autant besoin d’exister et de réussir par eux-mêmes.

Le première image rappelle que tous peuvent être à un moment animateur d’équipe, meneur, chef de projet.

La seconde affirme que les « plans inclinés » qui aident les plus fragiles permettent à tous de mieux avancer.

Les deux combinées, articulées, additionnées illustrent la possibilité de chacune et chacun de réussir.

Mais quel message délivre un Président de la République lorsqu’il n’en choisit qu’une des deux ? Pire quand il la valorise en condamnant ceux qui la critiquerait, « ceux qui jetteraient des pierres aux premiers de cordée » ?

Celui d’une société qui ne reconnaitrait qu’une seule forme de réussite. Celle de l’individu, du gagnant, du compétiteur victorieux. Uniquement la réussite de ceux qui ouvrent la voie, guident les pas de leurs subordonnés, tracent le seul chemin possible à suivre.

Pas de coopération, de coresponsabilité, de réel travail d’équipe dans cette vision, mais une hiérarchie des tâches et des talents.

Quelle image du monde du travail est ainsi renvoyée en survalorisant la figure du patron entrepreneur et en caricaturant celle des salariés « poids » à (en)trainer ? Surtout lorsque l’Etat employeur lui-même met à mal le dialogue social avec ses propres agents ?

Que dire d’un système d’Education qui serait construit sur ce modèle ?

Toutes les études le montrent et la dernière évolution du système scolaire suédois (qui a fortement chuté dans le classement PISA) en est une bonne illustration : vouloir relever le plafond c’est creuser l’écart, c’est à la fois multiplier les élèves en échec, mais c’est aussi faire échouer certains élèves considérés comme bons jusqu’alors. Seul le relèvement du plancher permet à la fois de lutter contre l’échec et de permettre au plus grand nombre de mieux réussir.

L’explication compréhensible pour celui qui est le plus difficulté l’est également pour les autres… et elle n’empêche aucun élève d’aller à son rythme plus loin ou plus vite. La démarche active rend l’appréhension des savoirs accessible à tous, sans ralentir ni limiter.

L’Education inclusive est celle qui permet à chacune et à chacun de participer à l’apport collectif. Chaque différence est alors une richesse. Chaque manière de comprendre, d’appréhender, d’acquérir, de développer de nouveaux savoirs est partagée. Elle enrichit le collectif et valorise chaque découvreur, chaque apprenant. Chacun explore sa voie, son chemin, s’inspire des expériences des autres et les inspire par ses propres découvertes.

A la solitude du premier de cordée dans son unique passage est alors substituée la solidarité d’une équipe de grimpeurs qui explore l’ensemble de la paroi.

Une multiplication des possibles et des réussites.

Une image positive d’avenir et non un cliché dépassé.

 

Denis ADAM, le 18 octobre 2017