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Ubu et Kafka ont des enfants : les logiciels de l’Éducation nationale

Il est de tradition dans nos ministères éducatifs de mettre à disposition des personnels toute une batterie d’applications informatiques permettant de gérer les nombreuses activités de chaque catégorie de personnel. Ceci est bien logique et louable mais à chaque fois, le compte n’y est pas ! Les logiciels sont inadaptés, inaboutis et chronophages comme par exemple LIEN, OP@le et RenoiRH, les derniers en date.

Après avoir englouti 500 millions d’euros pour sa conception, le projet SIRHEN (système d’information des ressources humaines de l’ Éducation nationale) a rejoint les abysses pour ne gérer que  18 000 personnels, là où il était prévu d’en gérer plus d’1 million… !   Ces 18 000 agents rejoindront un nouvel SIRH en 2024…

Ce sont les « vieilles applications maison » comme EPP ou AGAPE qui, malgré leur ergonomie datée, sont encore utilisées aujourd’hui pour gérer toute la population enseignante, et ce pour un temps encore indéterminé…

Tout ça pour ça !  Bienvenue au ministère d’Ubu !

Nous payons là l’externalisation des développements des projets nationaux. Les collègues informaticiens de l’EN n’ont plus la main sur les grands projets externalisés, et jouent en permanence les pompiers de service, avec perte de sens de leur coeur de métier, avec des moyens humains et budgétaires limités, des conditions de travail dégradées, des rémunérations qui sont loin d’être attractives…

Nos ministères n’en ont clairement pas tiré les leçons ! Prenons les derniers exemples en date.

Les personnels de direction par exemple sont noyés par des applications Éducation nationale trop nombreuses, chronophages et sans aucune ergonomie générant des pertes de temps et de la complexité à tous les niveaux. Cela fait le bonheur des entreprises qui elles sont capables de fournir des applications ergonomiques et fonctionnelles ! Mais cela fait le malheur du contribuable qui voit chaque année des millions d’euros dépensés au profit de ces entreprises  pourvoyeuses de logiciels très performants !

Pour les infirmier.res scolaires, la nouvelle application LIEN doit être déployée à la rentrée 2023 (après un report d’un an) en remplacement de SAGESSE, datant des années 2000. L’UNSA  Éducation demande à nouveau le report d’un an afin d’avoir une application a minima fonctionnelle!

Les organisations syndicales n’ont été associées que tout dernièrement à la conception du logiciel dans le cadre du comité d’utilisateur. Résultat, le logiciel fait barrage sur beaucoup de point : par exemple, la délivrance de médicament.   Il remet ainsi en cause les missions d’infirmier.res. Dans certaines académies, les infirmier.res ne donnent plus de médicaments car cela génère une insécurité professionnelle.

L’application LIEN prévoit  une démarche de soins informatisée mais il faut faire rentrer les situations  médicales dans des cases… avec des dizaines de menus déroulants et d’items avec des blocages systématiques  si la bonne case n’est pas cochée… C’est ubuesque car la situation de l’élève doit rentrer  dans les cases….

C’est  aussi une « usine à clic », source importante de TMS (troubles musculo-squelettiques).

Par ailleurs, lors de la remontée annuelle des statistiques qui mesure l’activité des soins infirmiers, le logiciel ne comptabilise pas, sur l’année, les consultations infirmières… Ce qui empêche ces professionnels de santé d’évaluer leur action auprès des élèves.  Autre exemple, les actions de santé et de prévention ne sont pas prévues dans le logiciel! Un comble!

Ensuite, LIEN ne prévoit pas de lien de coordination avec les autres professionnels de santé que sont les médecins par exemple! On passe d’Ubu à Kafka!

Le logiciel est, comme toutes les autres applications, très chronophage.  Il faut 10 minutes pour  compléter le logiciel juste pour une petite égratignure ! Le soin a pris moins de temps que  le traitement informatique!!! C’est kafkaïen !

D’autre part, LIEN nécessite obligatoirement une connexion internet. Or dans les écoles, c’est rarement le cas ! Bien évidemment, les clés 4G ne sont pas fournies pour autant ainsi que le matériel informatique!

Enfin, avec l’utilisation des logiciels privés dans les établissements,   une double saisie est nécessaire afin d’assurer la traçabilité  des interventions auprès des élèves.

«Si l’enfer existe, Op@le en tient la comptabilité !». C’est ainsi qu’un collègue utilisateur présente la « dernière star » des applications de gestion financière et comptable des EPLE, OP@le, censée remplacer le logiciel GFC toujours en service pour les établissements qui n’ont pas rejoint la vague Op@le. La modernisation de la fonction financière est actée depuis de nombreuses années. Pourtant ce progiciel de gestion n’est toujours pas au point et fait vivre un véritable enfer aux collègues, dégradant fortement leurs conditions de travail , engendrant des RPS et une souffrance au travail intolérables ! L’UNSA   Éducation alerte notre employeur car le calendrier de  déploiement envisagé est inadapté, l’assistance, gérée au niveau national, n’est pas au niveau requis.   Enfin il faut que cessent l’infantilisation et le caporalisme développés par certaines académies à l’endroit des collègues!

Les 136 000 personnels dits ATSS ont basculé au 1er janvier 2023 dans une nouvelle application interministérielle de gestion des ressources humaines : RenoiRH. Cette mise en œuvre de l’application atteint des sommets de maltraitance pour les gestionnaires RH qui l’utilisent au quotidien : bugs, déconnexions intempestives, automatismes qui disparaissent alors que l’ancien logiciel (AGORA) était obsolète, etc. Cela  entraîne des conséquences parfois dramatiques pour la gestion des personnels.  Les gestionnaires de cette application font tout pour compenser les conséquences de ces dysfonctionnements au détriment de leur conditions de travail et donc de leur santé. Le stress et la fatigue s’accumulent et atteignent un degré plus qu’alarmant. Les arrêts de maladie et les temps partiels thérapeutiques explosent et le turn-over  s’accroît !

Ubu et Kafka ont un fils : RenoiRH.

Last but not least, le logiciel Chorus DT qui sert à rembourser les frais de déplacement. En effet, de nombreux personnels l’utilisent pour leur remboursement de frais (corps d’inspections, assistantes sociales, infirmier.res scolaires pour le 1er degré, etc.) mais c’est un logiciel, comme tous les autres, extrêmement compliqué à compléter et très chronophage : certains personnels abandonnent donc leur saisie et ne se font donc pas  rembourser  leurs frais ! C’est intolérable !

Enfin, l’UNSA Éducation dénonce le fait que toutes ces applications (et les autres) sont déployées sans véritable plan de formation et sans accompagnement à la hauteur, avec par exemple des équipes d’experts permettant d’accueillir les demandes des collègues utilisateurs.

Ubu et Kafka vont finir par nous faire perdre la raison au sein de nos ministères ! L’attractivité est à un point de quasi non retour eu égard aux faibles rémunérations et aux conditions de travail qui ne cessent de se dégrader  et engendrent de plus en plus de souffrance au travail. Monsieur le Ministre, il est urgent d’agir !

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