Tu seras apprenti(e)

« Cher jeune,
Si tu ne fais pas encore parti des plus de 405 205 (chiffre 2015) personnes engagées dans cette voie, si tu veux réussir ton insertion professionnelle, si tu ne veux pas être comptabilisé(e) parmi les 120 000 élèves qui quittent chaque année le système scolaire sans aucune qualification…une seule solution, il te faut devenir apprenti(e) !
»

Cette rengaine, qui n’a rien de bien nouveau, nul doute que nous allons à nouveau l’entendre sur tous les tons et dans tous les modes, comme solution miracle à la faillite du système scolaire et comme remède au chômage des jeunes. Nous n’échapperons pas non plus avec la sempiternelle comparaison avec l’Allemagne « où l’apprentissage reste la voie royale de la formation initiale empruntée par quelque 1,4 million de jeunes » comme le rappelait Le Figaro du 24 novembre dernier ne manquant pas de le rapprocher du taux de chômage des jeunes actifs : 23,9 % en France « quand il s’est replié à 6,8 % en Allemagne, selon les dernières données d’Eurostat ». Et le journal de regretter certes les tergiversations du quinquennat sur le financement de l’apprentissage, mais surtout le fait que « beaucoup reste encore à faire pour faire de cette filière la voie d’excellence qu’elle est, notamment avec des taux de débouchés professionnels supérieurs à 70 % ».

Car le paradoxe de l’apprentissage est qu’il souffre d’une image négative malgré ses bons résultats. « Relancer la filière n’est pas une question de primes ou d’aides : l’apprentissage a avant tout besoin de reconnaissance. Il faudra organiser des visites dans les CFA et communiquer auprès des parents, des jeunes et des enseignants » déclare, encore au Figaro, du 16 janvier 2017 cette fois, le président d’Engie, Gérard Mestrallet. Il rejoignait ainsi l’analyse du Figaro toujours, du 17 septembre 2016, qui affirmait que « pour beaucoup – à commencer par l’Education nationale- l’apprentissage n’est ni plus ni moins qu’une voie de garage, un cul-de-sac, une filière de l’échec vers laquelle sont orientée les élèves qui ne sont « pas assez bons » pour l’enseignement général. Bref un cursus pour ceux dont les professeurs ne savent que faire ».

Ainsi en trois articles, tout semble dit.

En fait, pas vraiment.

Car s’il est vrai que l’apprentissage peine à concerner 500 000 jeunes en France et véhicule une image plutôt négative, il serait réducteur de rejetée la faute uniquement sur le mauvais usage qu’en ferait les enseignants.

Rappelons d’abord qu’un jeune sur cinq inscrit dans une formation professionnelle de l’enseignement technique agricole est un apprenti, que les centres agricoles de formation d’apprentis (CFA) préparent plus de 37 000 jeunes aux métiers de l’agriculture, du paysage, de l’agroalimentaire ou encore de la forêt et que l’apprentissage dans l’enseignement agricole couvre tout le territoire avec près de 438 sites de formation d’apprentis. Pourtant, malgré le fait que « 86% des apprentis de l’enseignement agricole trouvent un emploi à l’issue de leur formation » (source DGER données 2012 enquête à 33 mois), il est toujours nécessaire de valoriser les filières de formation par l’apprentissage auprès des jeunes et de leurs familles.

Pourquoi un tel rejet ?

Parce que l’apprentissage est souvent compris comme l’accès à une faible qualification. Les chiffres le confirment d’ailleurs : parmi les jeunes engagés dans la filière en apprentissage fin 2015, 37 % d’entre eux préparaient un CAP, 15 % un BTS, 13 % un bac pro, 4 % un master…

L’idée d’un accès précoce -dès 14 ou 15 ans- à ce mode de formation, éventuellement avant – et donc sans- même l’acquisition du socle commun de la scolarité obligatoire renforce fortement cette dimension d’une éducation au rabais, à laquelle sont sensible les familles et particulièrement les plus fragiles qui refusent la stigmatisation de leurs enfants.

Alors que la valorisation des diplômes de haut niveaux acquis dans le cadre d’une formation en apprentissage (diplômes d’ingénieur, masters, doctorats…), même s’ils ne doivent être majoritaires, est susceptible d’apporter un regard plus positif sur ce mode d’acquisition.

L’orientation scolaire a aussi un rôle à jouer dans l’amélioration de cette image de l’apprentissage, en n’en faisant pas une voie de relégation. Mais au-delà, il faut concevoir, pour les plus faibles qualifications, des possibilités de reprises et de prolongements d’études qui peinent actuellement à être proposés.

Car la responsabilité des entreprises est également fortement en cause dans la vision négative attachée à l’apprentissage. On peut bien entendu citer les apprentis peut pris en considération, cantonner à des tâches subalternes et peu formatrices. On pense aussi à la difficulté d’investissement de certains tuteurs (à laquelle il faut certainement ajouter à leur décharge le manque de reconnaissance et de formation). Avant même cela, combien d’entreprises sont prêtes à prendre des élèves de BTS en apprentissage pour peu qu’ils aient plus de 21 ans (et donc coûtent davantage à l’employeur) ? Combien joueront le jeu de l’extension de l’apprentissage jusqu’à 30 ans comme le prévoit la loi travail ?

Si le président d’Engie est « persuadé que cette voie est excellente pour les jeunes, comme pour les entreprises », il reconnaît que sa Fondation Agir contre l’exclusion a dû constituer « un réseau d’ambassadeurs en région, des dirigeants d’entreprises de toutes tailles et tous secteurs qui sensibilisent, chacun sur leur territoire, les employeurs à l’apprentissage ».  Les patrons restent ainsi à convaincre du bienfondé de prendre et de former à tous niveaux des apprentis.

« Cher jeune,
Si tu montres à ta famille que ce n’est ni un échec, ni une fin prématurée de tes études,
si tu prouves à tes professeurs que, sans que tu sois qualifié(e) de « mauvais élèves », c’est une voie pour toi,
si tu trouves un employeur qui te fais suffisamment confiance pour investir dans ta formation et ton avenir,
si tu es toi-même convaincu(e) que tu t’inscris dans un parcours de réussite et d’excellence,
alors tu pourras être -avec beaucoup d’autres suivant des formations de tous niveaux- apprenti(e) et réussir.
»


Denis ADAM, le 18 janvier 2017
 

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« Cher jeune,
Si tu ne fais pas encore parti des plus de 405 205 (chiffre 2015) personnes engagées dans cette voie, si tu veux réussir ton insertion professionnelle, si tu ne veux pas être comptabilisé(e) parmi les 120 000 élèves qui quittent chaque année le système scolaire sans aucune qualification…une seule solution, il te faut devenir apprenti(e) !
»

Cette rengaine, qui n’a rien de bien nouveau, nul doute que nous allons à nouveau l’entendre sur tous les tons et dans tous les modes, comme solution miracle à la faillite du système scolaire et comme remède au chômage des jeunes. Nous n’échapperons pas non plus avec la sempiternelle comparaison avec l’Allemagne « où l’apprentissage reste la voie royale de la formation initiale empruntée par quelque 1,4 million de jeunes » comme le rappelait Le Figaro du 24 novembre dernier ne manquant pas de le rapprocher du taux de chômage des jeunes actifs : 23,9 % en France « quand il s’est replié à 6,8 % en Allemagne, selon les dernières données d’Eurostat ». Et le journal de regretter certes les tergiversations du quinquennat sur le financement de l’apprentissage, mais surtout le fait que « beaucoup reste encore à faire pour faire de cette filière la voie d’excellence qu’elle est, notamment avec des taux de débouchés professionnels supérieurs à 70 % ».

Car le paradoxe de l’apprentissage est qu’il souffre d’une image négative malgré ses bons résultats. « Relancer la filière n’est pas une question de primes ou d’aides : l’apprentissage a avant tout besoin de reconnaissance. Il faudra organiser des visites dans les CFA et communiquer auprès des parents, des jeunes et des enseignants » déclare, encore au Figaro, du 16 janvier 2017 cette fois, le président d’Engie, Gérard Mestrallet. Il rejoignait ainsi l’analyse du Figaro toujours, du 17 septembre 2016, qui affirmait que « pour beaucoup – à commencer par l’Education nationale- l’apprentissage n’est ni plus ni moins qu’une voie de garage, un cul-de-sac, une filière de l’échec vers laquelle sont orientée les élèves qui ne sont « pas assez bons » pour l’enseignement général. Bref un cursus pour ceux dont les professeurs ne savent que faire ».

Ainsi en trois articles, tout semble dit.

En fait, pas vraiment.

Car s’il est vrai que l’apprentissage peine à concerner 500 000 jeunes en France et véhicule une image plutôt négative, il serait réducteur de rejetée la faute uniquement sur le mauvais usage qu’en ferait les enseignants.

Rappelons d’abord qu’un jeune sur cinq inscrit dans une formation professionnelle de l’enseignement technique agricole est un apprenti, que les centres agricoles de formation d’apprentis (CFA) préparent plus de 37 000 jeunes aux métiers de l’agriculture, du paysage, de l’agroalimentaire ou encore de la forêt et que l’apprentissage dans l’enseignement agricole couvre tout le territoire avec près de 438 sites de formation d’apprentis. Pourtant, malgré le fait que « 86% des apprentis de l’enseignement agricole trouvent un emploi à l’issue de leur formation » (source DGER données 2012 enquête à 33 mois), il est toujours nécessaire de valoriser les filières de formation par l’apprentissage auprès des jeunes et de leurs familles.

Pourquoi un tel rejet ?

Parce que l’apprentissage est souvent compris comme l’accès à une faible qualification. Les chiffres le confirment d’ailleurs : parmi les jeunes engagés dans la filière en apprentissage fin 2015, 37 % d’entre eux préparaient un CAP, 15 % un BTS, 13 % un bac pro, 4 % un master…

L’idée d’un accès précoce -dès 14 ou 15 ans- à ce mode de formation, éventuellement avant – et donc sans- même l’acquisition du socle commun de la scolarité obligatoire renforce fortement cette dimension d’une éducation au rabais, à laquelle sont sensible les familles et particulièrement les plus fragiles qui refusent la stigmatisation de leurs enfants.

Alors que la valorisation des diplômes de haut niveaux acquis dans le cadre d’une formation en apprentissage (diplômes d’ingénieur, masters, doctorats…), même s’ils ne doivent être majoritaires, est susceptible d’apporter un regard plus positif sur ce mode d’acquisition.

L’orientation scolaire a aussi un rôle à jouer dans l’amélioration de cette image de l’apprentissage, en n’en faisant pas une voie de relégation. Mais au-delà, il faut concevoir, pour les plus faibles qualifications, des possibilités de reprises et de prolongements d’études qui peinent actuellement à être proposés.

Car la responsabilité des entreprises est également fortement en cause dans la vision négative attachée à l’apprentissage. On peut bien entendu citer les apprentis peut pris en considération, cantonner à des tâches subalternes et peu formatrices. On pense aussi à la difficulté d’investissement de certains tuteurs (à laquelle il faut certainement ajouter à leur décharge le manque de reconnaissance et de formation). Avant même cela, combien d’entreprises sont prêtes à prendre des élèves de BTS en apprentissage pour peu qu’ils aient plus de 21 ans (et donc coûtent davantage à l’employeur) ? Combien joueront le jeu de l’extension de l’apprentissage jusqu’à 30 ans comme le prévoit la loi travail ?

Si le président d’Engie est « persuadé que cette voie est excellente pour les jeunes, comme pour les entreprises », il reconnaît que sa Fondation Agir contre l’exclusion a dû constituer « un réseau d’ambassadeurs en région, des dirigeants d’entreprises de toutes tailles et tous secteurs qui sensibilisent, chacun sur leur territoire, les employeurs à l’apprentissage ».  Les patrons restent ainsi à convaincre du bienfondé de prendre et de former à tous niveaux des apprentis.

« Cher jeune,
Si tu montres à ta famille que ce n’est ni un échec, ni une fin prématurée de tes études,
si tu prouves à tes professeurs que, sans que tu sois qualifié(e) de « mauvais élèves », c’est une voie pour toi,
si tu trouves un employeur qui te fais suffisamment confiance pour investir dans ta formation et ton avenir,
si tu es toi-même convaincu(e) que tu t’inscris dans un parcours de réussite et d’excellence,
alors tu pourras être -avec beaucoup d’autres suivant des formations de tous niveaux- apprenti(e) et réussir.
»


Denis ADAM, le 18 janvier 2017