Trois fois rien

Dans le cadre de la préparation de son congrès, d’anciens responsables nationaux critiquent l’orientation d’un important syndicat d’enseignants du second degré (d’une autre fédération que la nôtre). Mais que reprochent-ils vraiment : en fait, trois fois RIEN.

Dans le cadre de la préparation de son congrès, d’anciens responsables nationaux critiquent l’orientation d’un important syndicat d’enseignants du second degré (d’une autre fédération que la nôtre). Mais que reprochent-ils vraiment : en fait, trois fois RIEN.


Sur le « fait que notre Ecole bat tous les records en Europe de la ségrégation sociale. Elle est faite pour ceux qui vont accéder aux catégories supérieures et qui sont parmi les meilleurs du monde mais elle oublie tous les autres qui sont au niveau des pays les plus pauvres. » RIEN. « Cela ne suscite même pas une remarque et encore moins une indignation. » précisent les anciens dirigeants.


« Sur la crise profonde de la relation pédagogique qui aboutit à une pression évaluative continuelle, à la multiplication des sanctions et des conseils de discipline et au raidissement de notre profession dans les relations aux élèves et aux parents. » RIEN. « Rien non plus » affirment-ils.


« Sur les difficultés et la pénibilité accrue du métier qui ne tient pas seulement aux conditions de travail, au management  et à l’application ou non des nouveaux statuts mais à l’incapacité du système de penser l’exercice réel du métier avec un public qui a changé profondément dans ses comportements et ses aspirations. » RIEN. « Encore moins » peut-on lire.


RIEN sur la critique du système éducatif actuel.


RIEN sur l’indispensable réflexion pédagogique.


RIEN sur l’évolution du métier d’enseignant.


Voici donc une critique qui repose sur trois fois rien, mais pas des petits riens. Pas des riens de rien du tout. Des riens d’importance. Des riens essentiels.


Des riens qui s’opposent au cœur de ce que devraient être la prise de conscience, les pistes de travail et les axes de changement d’une École qui peine à remplir sa mission d’émancipation de toutes et tous.


Ne pas se poser ses questions, ne pas ouvrir le débat sur ses sujets, revient à faire l’autruche en s’enfouissant la tête dans le sable, mais surtout en refusant la transformation de nos approches éducatives.


Refus dogmatique de tout changement ? Rêve illusoire d’un retour à un âge d’or mythique ? Stratégie conservatrice pour conserver une suprématie qui s’érode ? Il ne nous revient ni d’analyser, ni de juger ce qui préside aux choix d’une organisation syndicale différente (et concurrente) de la nôtre.


L’enjeu est moins dans les tactiques d’appareil que dans la capacité réelle, sur le terrain à agir pour permettre la réussite de chaque jeune confié de longue année à l’École.


La vrai question est de savoir ce qui doit aujourd’hui changer afin de rendre possible cette réussite.


Et la réponse est triple.


Elle a TOUT à voir avec la transformation de la conception de l’Éducation qui doit être pensée dans sa globalité de temps, d’acteurs et d’actions, qui doit anticiper les évolutions du monde et porter une vision d’avenir.


Elle a TOUT à voir avec le renouveau des pratiques pédagogiques dans la prise en compte de la diversité des enfants et des jeunes et dans l’émergence d’un nouveau rapport aux savoirs.


Elle a TOUT à voir avec l’évolution du métier d’enseignant qui dans un monde connecté ne peut plus être seulement un transmetteur, mais se doit –en complémentarité avec les autres acteurs éducatifs- d’assumer pleinement sa mission d’éducateur, ce pour quoi il doit être formé et accompagné.


TOUT refuser, sans RIEN proposer, ne peut conduire qu’à développer la désillusion des enseignants, le rejet des jeunes et la fracture entre la société et son Ecole.


Défendre l’École de la République, afin qu’elle soit réaffirmée et refondée comme l’un des piliers sur lequel se construit la société plus humaniste, plus juste et plus solidaire à la laquelle nous aspirons, demande des changements courageux et en profondeur.


Ils ne peuvent reposer sur trois fois RIEN.


Il en va de notre responsabilité.

 

Denis ADAM, le 23 mars 2016

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Dans le cadre de la préparation de son congrès, d’anciens responsables nationaux critiquent l’orientation d’un important syndicat d’enseignants du second degré (d’une autre fédération que la nôtre). Mais que reprochent-ils vraiment : en fait, trois fois RIEN.


Sur le « fait que notre Ecole bat tous les records en Europe de la ségrégation sociale. Elle est faite pour ceux qui vont accéder aux catégories supérieures et qui sont parmi les meilleurs du monde mais elle oublie tous les autres qui sont au niveau des pays les plus pauvres. » RIEN. « Cela ne suscite même pas une remarque et encore moins une indignation. » précisent les anciens dirigeants.


« Sur la crise profonde de la relation pédagogique qui aboutit à une pression évaluative continuelle, à la multiplication des sanctions et des conseils de discipline et au raidissement de notre profession dans les relations aux élèves et aux parents. » RIEN. « Rien non plus » affirment-ils.


« Sur les difficultés et la pénibilité accrue du métier qui ne tient pas seulement aux conditions de travail, au management  et à l’application ou non des nouveaux statuts mais à l’incapacité du système de penser l’exercice réel du métier avec un public qui a changé profondément dans ses comportements et ses aspirations. » RIEN. « Encore moins » peut-on lire.


RIEN sur la critique du système éducatif actuel.


RIEN sur l’indispensable réflexion pédagogique.


RIEN sur l’évolution du métier d’enseignant.


Voici donc une critique qui repose sur trois fois rien, mais pas des petits riens. Pas des riens de rien du tout. Des riens d’importance. Des riens essentiels.


Des riens qui s’opposent au cœur de ce que devraient être la prise de conscience, les pistes de travail et les axes de changement d’une École qui peine à remplir sa mission d’émancipation de toutes et tous.


Ne pas se poser ses questions, ne pas ouvrir le débat sur ses sujets, revient à faire l’autruche en s’enfouissant la tête dans le sable, mais surtout en refusant la transformation de nos approches éducatives.


Refus dogmatique de tout changement ? Rêve illusoire d’un retour à un âge d’or mythique ? Stratégie conservatrice pour conserver une suprématie qui s’érode ? Il ne nous revient ni d’analyser, ni de juger ce qui préside aux choix d’une organisation syndicale différente (et concurrente) de la nôtre.


L’enjeu est moins dans les tactiques d’appareil que dans la capacité réelle, sur le terrain à agir pour permettre la réussite de chaque jeune confié de longue année à l’École.


La vrai question est de savoir ce qui doit aujourd’hui changer afin de rendre possible cette réussite.


Et la réponse est triple.


Elle a TOUT à voir avec la transformation de la conception de l’Éducation qui doit être pensée dans sa globalité de temps, d’acteurs et d’actions, qui doit anticiper les évolutions du monde et porter une vision d’avenir.


Elle a TOUT à voir avec le renouveau des pratiques pédagogiques dans la prise en compte de la diversité des enfants et des jeunes et dans l’émergence d’un nouveau rapport aux savoirs.


Elle a TOUT à voir avec l’évolution du métier d’enseignant qui dans un monde connecté ne peut plus être seulement un transmetteur, mais se doit –en complémentarité avec les autres acteurs éducatifs- d’assumer pleinement sa mission d’éducateur, ce pour quoi il doit être formé et accompagné.


TOUT refuser, sans RIEN proposer, ne peut conduire qu’à développer la désillusion des enseignants, le rejet des jeunes et la fracture entre la société et son Ecole.


Défendre l’École de la République, afin qu’elle soit réaffirmée et refondée comme l’un des piliers sur lequel se construit la société plus humaniste, plus juste et plus solidaire à la laquelle nous aspirons, demande des changements courageux et en profondeur.


Ils ne peuvent reposer sur trois fois RIEN.


Il en va de notre responsabilité.

 

Denis ADAM, le 23 mars 2016