Analyses et décryptages

TIMSS 2023 et plan mathématiques : chronique d’un échec annoncé

Les résultats de l’étude TIMSS sont plus que décevants, une nouvelle fois. Pourtant, concernant les mathématiques, le rapport Villani-Torossian remis à Blanquer en 2018 était prometteur. Les CM1 et les 4ème évalués par l’étude auraient dû être directement impactés par la mise en œuvre du plan. Décryptage.

L’UNSA Éducation l’avait déjà écrit en 2022, à la suite de la publication du rapport de suivi de l’IGESR, les résultats de TIMSS 2023 ne pourront être que décevants. Et ils le sont ! 

TIMSS porte sur les sciences et pas uniquement sur les mathématiques. Cet article se concentre volontairement sur les mathématiques car cela reflète assez bien une problématique plus globale.

Les résultats TIMSS 2023 en quelques lignes.

  • Au CM1, l’écart de performance entre les filles et les garçons s’accroît en faveur des garçons.
  • La France est un des pays au sein desquels la différence de scores entre les élèves les plus favorisés et les élèves les moins favorisés est la plus importante.
  • En primaire, les enseignants français déclarent plus souvent que leurs homologues européens ne pas avoir bénéficié d’une formation continue en sciences durant les deux dernières années.
  • En 4ème, 3 % des élèves sont au niveau avancé en mathématiques contre 11 % en moyenne internationale.
  • Entre 2019 et 2023, le score moyen des élèves de 4ème est stable en France mais les écarts s’accroissent entre les élèves les moins performants et les élèves les plus performants.

Des moyens insuffisants, un manque de volonté politique

Le plan préconise d’inscrire les mathématiques comme une priorité nationale en mobilisant tous les acteurs de la chaîne institutionnelle (recteurs, cadres, formateurs, enseignants). Or depuis 2017, l’ancien ministre Blanquer n’a eu de cesse de baisser le nombre de postes dans le secondaire. Les moyens pour faire des clubs en lien avec les mathématiques sont en berne et trop peu sécurisés. Du côté de l’inspection qui accompagne les enseignants, les moyens sont aussi lacunaires et de trop nombreux postes d’IA-IPR restent non pourvus.

Une formation initiale à réformer, une formation continue saccagée

La formation initiale des professeurs des écoles (PE) reste à une écrasante majorité littéraire. La réforme visant à recruter des PE ayant un parcours plus équilibré au niveau disciplinaire et une formation plus professionnalisante est repoussée aux calendes grecques faute de courage politique.

Certes, des efforts ont été fait au primaire et une formation continue renforcée en mathématiques a été déployée depuis plusieurs années mais cette initiative marque le pas. Notamment dans le secondaire, elle est désormais placée le soir, le mercredi après-midi et trop souvent en distanciel. Cela pose un réel problème, en particulier en ce qui concerne l’appropriation des méthodes d’enseignement et des problématiques liées à l’égalité femmes-hommes (stéréotypes de genre, orientation professionnelle, réussite, etc.).

Des classes toujours trop chargées, des métiers peu attractifs

A cause d’une attractivité toujours en berne, les concours ne font pas le plein, l’éducation nationale recrute massivement des contractuels, parfois pas assez formés. Les classes restent parmi les plus chargées de l’OCDE dans le primaire et le secondaire, dégradant ainsi les conditions d’apprentissage. Il est ainsi facile de vanter, par exemple, les mérites de la méthode de Singapour sans comparer les conditions d’apprentissages dans les deux pays.

Une École républicaine organisée pour reproduire les inégalités

Dans un contexte où la précarité s’accroît dans la société, en particulier dans les quartiers classés prioritaire de la ville, l’École républicaine peine à offrir aux plus défavorisés une réelle égalité des chances. C’est un vaste sujet, mais les données sont têtues et le montrent clairement. On pourra par exemple pointer du doigt deux éléments qui expliquent ce phénomène. L’Éducation nationale envoie les professeurs les moins expérimentés dans les endroits les plus difficiles. La ségrégation (et donc le manque de mixité sociale et scolaire) augmente depuis plusieurs décennies. Or la concentration des difficultés dans les mêmes classes limite les progrès possibles. Si la ségrégation résidentielle explique une partie de cet état de fait, le secteur privé sous contrat porte une responsabilité importante et indéniable

Doit-on se satisfaire, comme certains, que la chute semble enrayée ? Pour l’UNSA Éducation, non bien sûr. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce n’est pas le plan Villani-Torossian qu’il faut changer. Ce sont bien les conditions de son application et l’environnement dans lequel il est mis en œuvre qui doivent être revus. Sans quoi les résultats 2027 ne seront malheureusement pas meilleurs.

Pour aller plus loin sur le sujet :

CM1 : la note de la DEPP sur les résultats TIMSS 2023

4ème : la note de la DEPP sur les résultats TIMSS 2023

Le rapport Villani-Torossian

Enseignement des mathématiques : La méthode de Singapour peut-elle résoudre les problèmes de la France ?

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