Sondage sur la laïcité : quoi de nouveau ?
Dernier dispositif en date, le bilan mensuel des signalements dans les établissements scolaires est effectif depuis septembre 2022. Si on peut saluer la logique de transparence recherchée par le gouvernement, cette succession de chiffres n’apparaît pourtant pas suffisante à définir le climat scolaire et la question du respect des principes de la laïcité reste entière.
C’est donc dans ce contexte que l’IFOP a publié à l’occasion de la journée nationale de la laïcité le 9 décembre dernier, une enquête menée auprès d’un millier d’enseignant.es. Ce sondage « Les enseignants face à l’expression du fait religieux à l’école et aux atteintes à la laïcité » s’appuie sur deux précédents questionnaires de 2020 et de 2018 pour apprécier les dernières évolutions. Si certains aspects de ce sondage peuvent paraître intéressantes, l’UNSA Éducation vous explique pourquoi certains oublis sont plus problématiques.
L’autocensure une réalité
D’après le sondage, l’autocensure est présente chez plus d’un enseignant.e sur deux et a augmenté de 20% depuis 2018.
Elle est le fait majoritairement des jeunes professeur.es et a lieu davantage en éducation prioritaire. Elle se retrouve majoritairement en lycée même si le pourcentage tend à légèrement diminuer en comparaison à l’élémentaire et au collège qui enregistrent les plus fortes augmentations.
Des contestations dans et hors des classes ciblées dans le temps
3 enseignant.es sur 10 ont été confrontés à des contestations au nom de la religion depuis l’assassinat de Samuel Paty et ils en déclarent au moins une dans l’année en cours dans leur classe. Ces contestations se concentrent à part égale sur des thématiques comme la mixité filles-garçons, l’éducation à la vie affective et sexuelle et lors d’enseignement abordant directement la laïcité.
Mais c’est bien en dehors des cours que les enseignant.es observent le plus d’atteintes aux règles laïques. Ils sont ainsi 1sur 2 à y faire face et ils déclarent au moins un fait dans l’année qui vient de s’écouler. La plupart de ces atteintes sont liées à la tenue vestimentaire.
Un focus sur l’opinion des personnels enseignants
On apprend en outre que le personnel enseignant, et davantage les jeunes de moins de 30 ans, est ouvert à un assouplissement des règles de la laïcité, surtout en ce qui concerne les repas à la cantine et le port de signe ostensible pour les parents accompagnateurs lors des sorties scolaires.
77 % des enseignant.es considèrent par ailleurs que la réponse de l’institution est toujours insuffisante depuis l’assassinat de Samuel Paty et seuls 6 sur 10 ont eu un temps d’hommage à la mémoire du professeur d’histoire géographie dans leur établissement.
Plusieurs items manquants
L’enquête permet de comprendre comment se manifestent les atteintes à la laïcité dans des enseignements qui sont, comme l’égalité filles garçons, au fondement des valeurs de la République et comment ils peuvent être sources de désarroi pour les professeur.es.
Cependant, certains oublis apparaissent problématiques.
Tout d’abord, cette étude ne se penche que sur les seul.es enseignant.es. Il aurait été intéressant d’étudier le ressenti de l’ensemble de la communauté éducative qui est à la fois concernée et bien souvent confrontée aux mêmes difficultés.
De plus, l’enquête se focalise sur les atteintes en provenance de la religion musulmane, ignorant toutes les autres. Les lycées publics apparaissent ainsi comme le réceptacle de l’ensemble des atteintes à la laïcité en écartant éventuellement celles du privé qui semblent inexistantes, ce qui en réalité n’est pas le cas.
Enfin, la formation est un point qui n’est absolument pas abordé alors que c’est justement un élément central pour faire face à de tels phénomènes.
Pour l’UNSA Éducation, ce sondage permet de mettre en lumière certaines évolutions du ressenti des personnels enseignants. Il met en évidence le traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty dans le quotidiendes établissements scolaires. Pour autant, cette enquête verse indéniablement dans des travers plus caricaturaux qui contribuent à stigmatiser les établissements publics, davantage soumis selon cette enquête aux atteintes d’entrisme islamiste. Pour corroborer de tels faits et lutter efficacement le cas échéant contre les offensives fondamentalistes, il est essentiel de ne pas se contenter à se baser sur de tels sondages. Faire vivre la laïcité à l’école, cela passe aussi par de la pédagogie et par la prise en compte du sujet de la mixité sociale qui favorise le vivre ensemble et la non exclusion.
La formation de l’ensemble de la communauté éducative aux valeurs de la République et à son enseignement est un élément clé. Les dispositifs qui ont été mis en place vont dans ce sens et doivent être poursuivis afin que la laïcité continue d’incarner une garantie d’égalité et d’émancipation de l’individu, qui plus est de celle des jeunes filles et des femmes.
Notre fédération combat également toutes celles et tous ceux qui instrumentalisent la laïcité pour en faire un vecteur d’exclusion.