Réparer plutôt que persister
L’UNSA Éducation a déjà eu l’occasion lors d’une rencontre avec le ministre de lui présenter les éléments les plus saillants révélés par le baromètre 2022 des métiers de l’UNSA Éducation. Nous voulons en rappeler ici quelques-uns dans le cadre de cette instance officielle.
Cette enquête, à laquelle ont répondu 42 836 personnels de tous les métiers de l’éducation révèle l’urgence à réparer le lien avec eux.
Certes les personnels sont toujours aussi nombreux à aimer leur métier, ils sont près de 92%. Pourtant ils sont la moitié à ne plus trouver de sens à leurs missions.
En 2017 déjà, seuls 42% des personnels estimaient satisfaisantes leurs conditions de travail, ce qui était trop peu. En 2022 ce taux a gravement baissé à 27%. Le gouvernement et le ministre doivent prendre ce constat très au sérieux et agir en conséquence. 28% des répondant∙es expriment leur souhait de changer de métier ; parmi eux, la moitié des cadres déclare même vouloir le faire pour le secteur public.
Nos collègues se disent fatigués, en colère, voire résignés. L’UNSA Education alerte solennellement sur les conséquences de cet état d’esprit des personnels et met en garde contre toute nouvelle volonté de réformes brutales, de généralisations précipitées d’expérimentations ou encore de promesses ambigües. Prendre le temps pour décider, se donner les moyens d’un dialogue social serein et constructif, se donner le temps nécessaire à toute mise en œuvre sont autant de conditions nécessaires.
Pour l’UNSA Éducation, le ministère ne peut ignorer que le dernier quinquennat a bien eu des effets sur la profession. 10 années de Baromètre UNSA Education nous permettent de suivre l’évolution. Il y a bien une rupture en 2018 et cette rupture intervient avant la crise sanitaire. Il est indéniable que les politiques conduites, leur rythme et la méthode ont mis en tension tous les métiers de l’éducation, quand 86% des collègues expriment leur désaccord avec les choix politiques effectués.
Pour l’UNSA Éducation, il est donc urgent de rétablir le lien et la confiance. Au lieu de persister, il va falloir réparer.
Le pouvoir d’achat est la préoccupation première de nos collègues, dont 9 sur 10 estiment que leur rémunération n’est pas à la hauteur de leur qualification. La charge et les conditions de travail, les perspectives de carrières sont autant d’éléments sur lesquels il faut impérativement apporter des réponses.
Pour l’UNSA Éducation, ce nouveau quinquennat doit également permettre de travailler sur des préoccupations de nos collègues pour l’instant absentes des orientations présidentielles : le besoin de mixité sociale dans nos écoles et établissements, la réussite de l’école inclusive, la place de l’écologie dans notre ministère aussi bien sur l’aspect structurel que sur le volet éducatif.
L’UNSA Éducation souhaite une feuille de route ministérielle claire, lisible et concertée.
Si nous nous félicitons que le ministre déclare vouloir écouter avant de décider, des actions urgentes sont néanmoins nécessaires, à l’instar de l’examen dans cette instance d’un décret et sa publication permettant effectivement l’accès des AED à un CDI, droit ouvert par la loi du 02 mars 2022.
De plus, les récents propos du Président de la République à Marseille, tant sur la généralisation de cette expérimentation que sur la revalorisation des personnels, n’ont fait que nourrir le flou sur les intentions précises du gouvernement.
Par ailleurs, l’État doit tenir ses engagements, notamment sur l’accord sur la revalorisation de la filière administrative, accord signé par l’UNSA Éducation, ainsi que les annonces faites aux inspecteurs∙rices, qui supposent de relancer la concertation dans le cadre de l’agenda social.
Enfin, il est urgent de réparer l’oubli des personnels de santé de l’EN concernant le Complément de Traitement Indiciaire et l’oubli des personnels sociaux concernant la prime de revalorisation. Pour l’UNSA Éducation, les engagements pris doivent être tenus, les travaux engagés poursuivis. C’est particulièrement urgent pour le corps des médecins de l’éducation nationale qui va disparaître si des mesures de revalorisation conséquentes ne sont pas prises au plus vite. Il est également indispensable de prendre des mesures catégorielles au bénéfice des Ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation et ainsi que des Directeurs délégués aux formations professionnelles, oubliés du Grenelle.
Pouvoir d’achat fortement diminué, conditions de travail et image de nos métiers dégradées, réformes conduites au pas de charge, sans moyens et sans entendre les expertises qui alertaient des problèmes engendrés, expliquent la pénurie actuelle de candidats aux concours. Il est à craindre qu’à la prochaine rentrée chaque élève n’ait pas un professeur face à lui, ni un∙e infirmier∙ère scolaire, ni un∙e médecin EN, ni un.e AS, ni suffisamment de personnels administratifs. Si rien n’est fait, la rentrée puis l’année scolaire se feront avec de lourdes difficultés et la continuité du service public d’éducation est menacée. Nous présenterons un vœu sur ce sujet.
Des mesures d’urgence sont nécessaires et doivent être prises rapidement de manière concertée et il faut absolument dès maintenant créer un choc d’attractivité pour l’ensemble des métiers.
Les conditions d’entrée dans le métier sont décourageantes : salaires très bas, défaillances dans l’accompagnement des personnels à trouver un logement à l’issue d’une mutation, insuffisance de la sécurisation de l’entrée en fonction, formation insuffisante ou absente. D’ailleurs, ces difficultés ne concernent pas seulement l’inscription des candidat∙es aux concours, mais elles affectent également la constitution de viviers de contractuel∙les.
Pour redonner l’envie de rejoindre notre Ecole publique et laïque, mais aussi d’y rester, il est nécessaire d’écouter ses acteurs∙rices et leurs représentant∙es, en se donnant les moyens de répondre aux urgences de notre service public d’éducation. Celui-ci est abîmé par plusieurs années de dogmatisme éducatif et de gestion comptable, niant la réalité de métiers toujours plus complexes et de moins en moins valorisés. Pour l’UNSA Éducation, agir résolument et sans faux-semblant ne peut plus et ne doit plus être différé.
Intervention de Stéphane CROCHET pour l’UNSA Éducation
CT MEN du 08 juin 2022