Analyses et décryptages

Public et privé sous contrat : agir contre une concurrence déloyale

La ségrégation sociale que permet aujourd’hui le secteur privé sous contrat est insupportable. C’est un véritable séparatisme en marche. La publication des IPS (indices de positionnement sociaux), contrainte par un tribunal en 2022, ainsi le récent rapport Vannier-Weissberg, viennent objectiver ce que nous savions et ne cessions de répéter depuis longtemps. Pourtant des leviers d’actions existent pour replacer l’école publique à sa juste place. L’UNSA Éducation pousse les politiques à davantage s'en saisir.

Depuis plusieurs décennies, nous assistons à ce lent glissement, souvent à bas bruit. Le manque de volonté ou de courage politique allié à la peur de relancer la “guerre scolaire” ont amené à cette situation de concurrence. Si on ajoute à cela, le sous-investissement chronique dans l’école publique et le décrochage de la France par rapport aux pays de l’OCDE, notamment en termes de rémunération des personnels, on comprend mieux pourquoi le secteur privé recrute largement au-delà du choix confessionnel. Or cette situation d’entre soi favorise le repli identitaire. Cela explique en partie l’émergence d’atteintes à la laïcité, du prosélytisme, du communautarisme. Un tableau bien sombre. Aujourd’hui, les enfants des quartiers les plus populaires, notamment ceux de l’éducation prioritaire, grandissent à part. Les phénomènes d’évitements y sont encore plus présents qu’ailleurs. Or comment vivre ensemble à l’âge adulte si on ne s’est jamais côtoyé étant jeune ? Comment dépasser les préjugés, comment faire nation ? C’est la cohésion nationale qui est en question.

Alors oui, même si le terme peut déplaire à certains, farouches partisans de l’école privé, on peut effectivement parler de concurrence. Même de concurrence déloyale, à cause de la liberté de recrutement dont ils disposent. Le plus fou, c’est qu’elle est financée par la collectivité à hauteur de près de 73% pour le privé sous contrat. Tout cela sans un contrôle suffisant, c’est le moins que l’on puisse dire. On pourrait également parler du privé hors contrat qui bénéficie de déductions fiscales, des écoles de production privées qui ponctionnent la taxe d’apprentissage et celles des géants du soutien scolaire qui apparaissent dans le paysage.

Bien sûr, il faut prendre garde à ne pas stigmatiser les familles qui font le choix du privé. Rappelons ensuite que l’UNSA Éducation a un mandat historique, toujours d’actualité : financement public, école publique. Mais il faut avoir la lucidité d’admettre que les défenseurs de l’école publique ne sont pas entendus depuis trop longtemps. Il faut faire avec le réel, celui notamment de la jurisprudence constitutionnelle qui ne nous permet pas d’atteindre cet objectif à court ou moyen terme.

L’UNSA Éducation œuvre donc pour convaincre l’opinion publique que le mirage des “bons résultats” des écoles privées sous contrat ne tient que par la liberté de recrutement et l’entre soi qui en résulte ; que leur situation est anormale, même en comparaison de nos voisins européens (ils ont le financement et la liberté de recrutement).

Pour cela, des leviers d’actions existent. Ils sont autant de raisons d’espérer.

De nombreux projets locaux visant à augmenter la mixité sociale, comme ceux de Toulouse, Paris ou Nantes, démontrent qu’en terminer avec les “ghettos” scolaires est possible. Or c’est une cause importante de l’évitement du public vers le privé. Nous devons les soutenir.

De très nombreuses données sont collectées concernant les budgets, les IPS, la répartition des moyens. Ce sont des appuis précieux pour, encore une fois, démontrer l’imposture du secteur privé sous contrat. La DEPP est un outil formidable pour cela, pour autant que les politiques ne bloquent pas l’accès aux données.

Cela doit nous permettre d’obtenir un traitement équitable entre le public et le privé, dépendant des IPS, de l’hétérogénéité au sein des établissements. Cela parait peu ambitieux a priori, mais ce serait un grand pas en avant tellement la situation est déséquilibrée aujourd’hui. Nous pouvons nous appuyer sur certains parlementaires (et leurs propositions de loi), des élus locaux, une partie de la société civile et des représentants de parents qui portent la même vision que nous, celle d’une école publique émancipatrice qui lutte contre les reproductions sociales. L’école publique est la seule qui garantisse la liberté de conscience de chaque élève.

La fédération UNSA Education milite pour que les expérimentations de mixité qui ont été́ évaluées positivement essaiment, et soient soutenues par l’État et les collectivités territoriales partout où c’est possible. Par ailleurs, des dispositions légales sont nécessaires pour réguler l’implantation et l’organisation des établissements d’enseignement privé. La situation actuelle les conduit à ne pas participer à l’effort de mixité scolaire et introduit une concurrence avec les écoles et les établissements publics. L’UNSA Éducation continue de revendiquer que tout financement public soit réservé́ au seul enseignement public.

 

Pour aller plus loin sur le sujet :

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