L’élection présidentielle portugaise du dimanche 24 janvier 2021 a vu une large victoire de Marcelo Rebelo de Sousa, le président sortant conservateur modéré, avec 61% des suffrages. Mais l’élément marquant de cette réélection est la poussée importante de l’extrême droite avec 12% des voix, venant talonner la socialiste Ana Gomes, arrivée deuxième avec 13%. L’UNSA Éducation revient sur les ressorts de cette irruption du populiste André Ventura qui a rallié près d’un demi-million de voix à l’extrême droite dans un pays comptant dix millions d’habitants.
Crise et abstention
La crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid-19 est certainement une des causes de cette brusque progression de l’extrême droite. Les hôpitaux sont saturés, le pays est confiné depuis le 15 janvier, et la veille de l’élection un nouveau record de décès dus à la pandémie était établi. Le président réélu a ainsi rappelé dans son discours que “la mission la plus urgente est de lutter contre la pandémie”. Cette situation explique également l’abstention record qui atteint 60%. Au Portugal, le président n’a pas de pouvoir exécutif, mais il pèse beaucoup sur le débat public et joue un rôle d’arbitre en cas de crise politique. Cela peut en partie expliquer le manque de mobilisation pour cette élection.
Ça suffit !
André Ventura écarte ces remarques et qualifie d’”historiques” les résultats de son jeune parti fondé en avril 2019 : Chega (“ça suffit”). Les chiffres lui donnent raison, car il est vrai que le Portugal était jusqu’alors préservé des idées nocives de l’extrême droite depuis la fin de la dictature d’inspiration fasciste en 1974. Lors des élections législatives en octobre 2019, son parti qu’il définit comme “antisystème” avait obtenu 68 000 voix, soit un score de 1,3%. Cela lui permettait d’entrer au Parlement avec un seul et unique siège. Depuis l’ancien commentateur sportif de 38 ans et juriste de formation progresse à grandes enjambées dans le paysage politique portugais.
La méthode Ventura
C’est un provocateur habile et ambitieux qui sait se faire remarquer. En effet, il n’hésite pas à tenir des propos xénophobes, sexistes, déclenchant des controverses au sein du débat public et divisant le pays. Il a par exemple défendu un plan de confinement sanitaire spécial pour les communautés roms. Il a également proposé de “renvoyer dans son pays d’origine” une députée née en Guinée-Bissau. Durant la campagne, il a martelé qu’il voulait défendre “les Portugais bien intentionnés” contre les “profiteurs”. Il s’est entouré d’autres leaders d’extrême droite en Europe, comme l’Italien Matteo Salvini de La Ligue, mais plus proche de nous, Marine Le Pen du Rassemblement national qui sont venus lui apporter leur soutien.
Chega est ainsi parvenu lors de cette élection à récupérer des voix à la droite et chez les abstentionnistes, mais également à la gauche dans certains bastions communistes. Lors des résultats, André Ventura a averti le Parti social-démocrate (PSD), son ancien parti de centre droit et formation du président réélu : “Il n’y aura pas de gouvernement au Portugal sans Chega.” Les élections locales et régionales de septembre prochain permettront de juger de la force de cette percée de l’extrême droite. Pour la politologue portugaise Paula Espirito Santo, « le Portugal entre dans une des périodes les plus complexes de son histoire récente ». Le défi populiste est venu s’ajouter à ceux qui se posaient déjà aux dirigeant·es portugais·es : une pandémie qui fait des ravages dans le pays. L’UNSA Éducation est fermement opposée à l’extrême droite ainsi qu’à ses idées nocives et dangereuses. Pour garantir la démocratie, la liberté, le bien-être et la paix : restons attentif·ves !