Panthéon: quand le passé se rappelle au présent

Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay vont donc entrer au Panthéon. Leur point commun est de n’avoir pas été «seulement» de grandes personnalités de la Résistance. Ou quand le passé n'appartient pas seulement à l'histoire.

Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay vont donc entrer au Panthéon. Leur point commun est de n’avoir pas été «seulement» de grandes personnalités de la Résistance. Ou quand le passé n’appartient pas seulement à l’histoire.

Le transfert au Panthéon des cendres de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay a été annoncé le 21 février 2014 par le président de la République dans son discours en hommage à la Résistance prononcé au mont Valérien, ce lieu où tant de résistants ont été fusillés par l’Occupant nazi..

Deux femmes, deux hommes ; quatre personnalités, surtout, qui dépassent de beaucoup le seul caractère de personnalité résistante quand bien même il fut déterminant dans leur histoire comme dans l’Histoire avec un grand H.

Pierre Brossolette et Jean Zay étaient des responsables politiques de premier plan avant la Seconde Guerre mondiale qui ont connu le même destin tragique: Brossolette, représentant du général de Gaulle en France occupée se suicidant en se jetant d’une fenêtre par crainte de finir de parler sous la torture; Jean Zay assassiné par la Milice en 1944 après une condamnation aussi injuste qu’infâmante par les tribunaux de Vichy. Mais Jean Zay n’a pas seulement été cette figure d’une résistance qui pour ne plus pouvoir être qu’intellectuelle n’en était pas moins significative ni porteuse de sens: il a été, pendant trois ans, le ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, ministre réformateur malgré les obstacles et les conservatismes, déterminé à avancé, fondateur du CNRS, défenseur de la création d’une École nationale d’administration pour démocratiser l’accès aux grands corps de l’État et même initiateur du festival de Cannes que la déclaration de guerre repoussera à l’après-Libération.

Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion ont été aussi des résistantes déportées à Ravensbrück. Toutes deux, comme Brossolette, avaient commencé à s’engager dans le mythique réseau du Musée de l’Homme, organisé dès 1940. Elles sont revenues toutes deux des camps de la mort où elles s’étaient liées d’amitié en poursuivant sous d’autres formes leur engagement humaniste, seule manière sans doute de passer outre cette impensable et effroyable épreuve que fut la confrontation à la déshumanisation de masse aboutissant à l’assassinat industrialisé.

On sait le rôle que joua Geneviève de Gaulle-Anthonioz dans le mouvement ATD Quart-Monde, la souffrance ressentie avec les familles des bidonvilles rappelant la souffrance vécue et le besoin de dépasser la misère.

Germaine Tillion, quant à elle, avait été ethnologue avant la guerre — en Algérie notamment — et y revint en 1954. C’est elle qui fut à l’initiative des centres sociaux éducatifs d’Algérie, placés sous la tutelle de l’Éducation nationale pour ne pas dépendre de l’Armée. Opposée à la torture, elle dénonça en mars 1962 «la bêtise qui froidement assassine» après l’assassinat par un commando Delta de l’OAS, à El Biar, du chef de service des centres sociaux, l’inspecteur d’académie Max Marchand et de cinq inspecteurs des centres sociaux, issus de l’Éducation nationale: Marcel Basset, Robert Eymard, l’écrivain Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Salah Ould Aoudia,

Les nostagiques des haines racistes d’hier ou d’avant-hier n’ont pas renoncé. En 2007, à tout juste cent ans, Germaine Tillion appelait à ne pas baisser la garde dans un article publié par le Nouvel Observateur:

«Au terme de mon parcours je me rends compte combien l’homme est fragile et malléable. Rien n’est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d’empêcher le pire».

Il ne nous appartient pas seulement de commémorer le passé: il faut, même si le contexte change, ne pas en ignorer les leçons. Les relents pétainistes dont a retenti la rue ces derniers mois nous rappellent ce devoir de vigilance que nous imposent l’Histoire comme notre histoire.


Évoquant ce même transfert au Panthéon, le site du Centre fédéral de recherches et d’histoire sociale, rappelle dans un article ce qu’ont été les trajectoires croisées d’un certain nombre de militants de l’Éducation nationale, en particulier de notre syndicalisme avec trois des personnalités que nous venons d’évoquer: «Panthéon et trajectoires croisées avec des enseignants militants». Cet article reprend notamment des extraits de la tribune de Germaine Tillion «la bêtise qui froidement assassine» publiée dans le Monde du 17 mars 1962.

Voir également sur ce site la chronique de Mots d’éduc : «Entre ici, Éducation libératrice!»

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Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay vont donc entrer au Panthéon. Leur point commun est de n’avoir pas été «seulement» de grandes personnalités de la Résistance. Ou quand le passé n’appartient pas seulement à l’histoire.

Le transfert au Panthéon des cendres de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay a été annoncé le 21 février 2014 par le président de la République dans son discours en hommage à la Résistance prononcé au mont Valérien, ce lieu où tant de résistants ont été fusillés par l’Occupant nazi..

Deux femmes, deux hommes ; quatre personnalités, surtout, qui dépassent de beaucoup le seul caractère de personnalité résistante quand bien même il fut déterminant dans leur histoire comme dans l’Histoire avec un grand H.

Pierre Brossolette et Jean Zay étaient des responsables politiques de premier plan avant la Seconde Guerre mondiale qui ont connu le même destin tragique: Brossolette, représentant du général de Gaulle en France occupée se suicidant en se jetant d’une fenêtre par crainte de finir de parler sous la torture; Jean Zay assassiné par la Milice en 1944 après une condamnation aussi injuste qu’infâmante par les tribunaux de Vichy. Mais Jean Zay n’a pas seulement été cette figure d’une résistance qui pour ne plus pouvoir être qu’intellectuelle n’en était pas moins significative ni porteuse de sens: il a été, pendant trois ans, le ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, ministre réformateur malgré les obstacles et les conservatismes, déterminé à avancé, fondateur du CNRS, défenseur de la création d’une École nationale d’administration pour démocratiser l’accès aux grands corps de l’État et même initiateur du festival de Cannes que la déclaration de guerre repoussera à l’après-Libération.

Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion ont été aussi des résistantes déportées à Ravensbrück. Toutes deux, comme Brossolette, avaient commencé à s’engager dans le mythique réseau du Musée de l’Homme, organisé dès 1940. Elles sont revenues toutes deux des camps de la mort où elles s’étaient liées d’amitié en poursuivant sous d’autres formes leur engagement humaniste, seule manière sans doute de passer outre cette impensable et effroyable épreuve que fut la confrontation à la déshumanisation de masse aboutissant à l’assassinat industrialisé.

On sait le rôle que joua Geneviève de Gaulle-Anthonioz dans le mouvement ATD Quart-Monde, la souffrance ressentie avec les familles des bidonvilles rappelant la souffrance vécue et le besoin de dépasser la misère.

Germaine Tillion, quant à elle, avait été ethnologue avant la guerre — en Algérie notamment — et y revint en 1954. C’est elle qui fut à l’initiative des centres sociaux éducatifs d’Algérie, placés sous la tutelle de l’Éducation nationale pour ne pas dépendre de l’Armée. Opposée à la torture, elle dénonça en mars 1962 «la bêtise qui froidement assassine» après l’assassinat par un commando Delta de l’OAS, à El Biar, du chef de service des centres sociaux, l’inspecteur d’académie Max Marchand et de cinq inspecteurs des centres sociaux, issus de l’Éducation nationale: Marcel Basset, Robert Eymard, l’écrivain Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Salah Ould Aoudia,

Les nostagiques des haines racistes d’hier ou d’avant-hier n’ont pas renoncé. En 2007, à tout juste cent ans, Germaine Tillion appelait à ne pas baisser la garde dans un article publié par le Nouvel Observateur:

«Au terme de mon parcours je me rends compte combien l’homme est fragile et malléable. Rien n’est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d’empêcher le pire».

Il ne nous appartient pas seulement de commémorer le passé: il faut, même si le contexte change, ne pas en ignorer les leçons. Les relents pétainistes dont a retenti la rue ces derniers mois nous rappellent ce devoir de vigilance que nous imposent l’Histoire comme notre histoire.


Évoquant ce même transfert au Panthéon, le site du Centre fédéral de recherches et d’histoire sociale, rappelle dans un article ce qu’ont été les trajectoires croisées d’un certain nombre de militants de l’Éducation nationale, en particulier de notre syndicalisme avec trois des personnalités que nous venons d’évoquer: «Panthéon et trajectoires croisées avec des enseignants militants». Cet article reprend notamment des extraits de la tribune de Germaine Tillion «la bêtise qui froidement assassine» publiée dans le Monde du 17 mars 1962.

Voir également sur ce site la chronique de Mots d’éduc : «Entre ici, Éducation libératrice!»