Déclaration liminaire – CTMEN du 15 juin 2021
Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur général des ressources humaines,
Par votre intermédiaire, c’est dans un premier temps à Monsieur le Ministre que l’UNSA Education souhaite s‘adresser institutionnellement.
M. le Ministre, fort de vos conclusions du Grenelle, vous avez insisté sur l’enjeu d’une revalorisation financière et celui d’une meilleure qualité de vie au travail des personnels de l’Education nationale, particulièrement par une gestion des ressources humaines profondément renouvelée. Nous pouvons partager cette ambition mais dénonçons ce qui se met en place.
Sur la revalorisation, les mesures concrètes tant attendues mais pour beaucoup repoussées incessamment, un agenda social chassant un autre agenda social jusqu’à rendre impossible une loi de programmation budgétaire, vous ont fait perdre un crédit important. Toute annonce est désormais accueillie avec défiance à moins d’être réellement prochaine, conséquente et explicite comme cela vient d’être le cas pour la filière administrative, ce que nous reconnaissons. Il faudrait qu’il en soit ainsi pour toutes les catégories de personnels.
Sur la qualité de vie au travail, vous parlez d’une RH renouvelée car plus lisible, plus humaine, plus individuelle et plus réactive. Dans les territoires, l’UNSA Education voit s’installer une RH plus opaque, plus virtuelle, plus anonyme et plus différée au regard de l’urgence des besoins. Jamais les personnels ne se sont sentis aussi peu informés, isolés face à la complexité de leur institution et par conséquent déconsidérés. Pourtant, ce n’est ni la qualité des applications numériques développées et encore moins la volonté des agents administratifs de mieux accompagner les personnels qui nous semblent faire défaut.
L’UNSA Education veut pointer ici un écart important entre le discours public ambitieux et la réalité vécue par les personnels. Quand publiquement vous annoncez une révolution quant à la personnalisation de la gestion de chaque agent pour une meilleure qualité de vie au travail et un système plus performant, vous pressurez en interne les différents échelons de notre ministère pour une mise en œuvre immédiate, sans moyens supplémentaires et sans accompagnement des collectifs comme des individus en charge de mettre en œuvre cette révolution.
Tout récent exemple en date : les modalités de recours des mouvements intra. Malgré nos demandes répétées pour savoir si des préconisations spécifiques avaient été adressées aux recteurs et Dasen pour organiser la gestion des demandes de recours, nous sommes restés sans réponse. Pourtant, après les publications de résultats intra sur certaines académies, ont été adressées aux rectorats de nouvelles modalités de recours 2021 via la plateforme dématérialisée répondant au nom de COLIBRIS, ce nouvel outil de gestion RH que vous avez « évoqué » lors de votre conférence de conclusion du Grenelle. Plus grave, vos services eux-mêmes n’en étaient pas informés. Il s’agit là d’un dysfonctionnement majeur qui impacte la totalité des personnels de l’Education nationale, des administratifs ayant déjà mis en place une gestion des recours similaire à celle de l’an dernier, jusqu’aux collègues ayant déjà adressé leur recours de façon classique.
C’est malheureusement un exemple parmi trop d’autres. Le bilan des LDG Mobilité, prévu pour information en cette séance, sera l’occasion de revenir sur ce décalage entre les constats et les volontés que vous dites partagées et qui, en réalité, ne sont nullement pris en compte pour une réelle amélioration. La crise, trop souvent arguée pour justifier les dysfonctionnements et sur laquelle nous reviendrons après, ne peut désormais plus tout expliquer. Votre volonté, M. le Ministre, de moderniser le système comme le dialogue social selon votre feuille de route dont, vous seul possédez la légende, se traduit dans les faits, le constat est accablant.
L’UNSA Education vous demande d’une part, de cesser tout discours dont les ambitions affichées seront nécessairement source de déception pour les personnels en matière de mise en œuvre effective et, d’autre part, de prendre en compte les alertes, à plusieurs reprises renouvelées, et revoir en urgence votre copie quant à la gestion des personnels.
A tous les niveaux et sur tous les territoires, malgré un engagement sans faille de tous pour un service public d’Education de qualité; les personnels exercent dans des conditions de plus en plus dégradées et notre institution est au bord de la rupture. J’en veux pour preuve, l’atteinte grave au droit syndical porté contre un de nos représentant des personnels, « convoqué » par sa hiérarchie dans l’académie de Versailles dans le cadre de ses interventions en CTSA pour lui reprocher le contenu de ses interventions. Je vous remercie par avance de nous dire ce que vous comptez faire pour remédier à cette atteinte intolérable et peut-être rappeler à certains supérieurs hiérarchiques que, jusqu’à la preuve du contraire, les CTSA ne sont pas des réunions de service.
La crise, nous y revenons, et plus particulièrement dans le cadre de la préparation de la rentrée 2021. Pour l’UNSA Éducation, le constat et les analyses de l’impact de la crise sanitaire dans les différents territoires exigent que les moyens de la rentrée soient abondés. Il ne peut en être autrement pour répondre aux défis pédagogiques et éducatifs qui se posent, cette année en particulier à l’issue de deux années successives d’une crise majeure.
Partout et pour tous, le système éducatif doit faire face aux effets et conséquences de périodes d’enseignement à distance, d’enseignement hybride, enseignement en présentiel où les conditions d’exercices ont été contraintes : limitation des interactions, non-brassage des groupes, périodes de suspension de l’inclusion des élèves en situation de handicap, port du masque à partir de 6 ans, accès fermé à certaines infrastructures pour l’EPS, abandon de projets avec sorties, réduction des périodes de stage ou formation en milieu professionnel…
Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir non plus que les effets de cette crise sanitaire ont dépassé largement le cadre des conséquences d’un point de vue scolaire. A ces difficultés se sont ajoutées, pour nombre de familles, des difficultés économiques, sociales, voire alimentaires c’est-à-dire celles partagées par toute la société, auxquelles il convient d’ajouter des conséquences psychologiques particulièrement préoccupantes.
Les défis pédagogiques et éducatifs sont considérables. Les personnels ont été fortement éprouvés. Ces défis, il n’est pas possible de ne pas les relever.
En décembre dernier, l’Unsa Éducation avait dénoncé le budget 2021 adopté. Elle dénonce aujourd’hui encore la suppression de 1887 postes d’enseignants, notamment dans le 2nd degré. Ce n’est pas leur compensation par des heures supplémentaires, ni le recours à la mise en responsabilité directe d’étudiants en alternance dans le 1er comme dans le 2d degré qui peuvent résoudre l’insuffisance des moyens.
De plus, le déficit des postes de psychologues de l’Éducation nationale, de CPE, d’AED, d’AESH et APSH, et la diminution de places aux concours de recrutements contribuent à dégrader la qualité de l’encadrement et de l’accompagnement éducatif et pédagogique.
Pour réussir à dépasser les conséquences de la crise sanitaire et garantir au Service public d’éducation les moyens d’agir, l’UNSA Éducation demande que des moyens budgétaires supplémentaires soient mobilisés. Non seulement, il est encore temps, mais il s’agit d’une obligation morale pour le Gouvernement et le Parlement. Il est plus que temps d’assumer la responsabilité de l’investissement massif dans sa jeunesse, c’est-à-dire l’avenir du pays.
Quand un état mobilise les fonds publics pour son École, il s’enrichit pour l’avenir. Encore faut-il, pour le comprendre, être capable de penser les problématiques dans leur ensemble et, admettre, pour atteindre cet objectif primordial, de se donner les moyens de fonctionner et de faire réussir les élèves, quel que soit leur contexte social d’origine. Le gouvernement est au pied du mur des responsabilités pour l’avenir. Voir sur le long terme, ce n’est pas supprimer des postes pour anticiper une baisse d’élèves dans trois ans mais bien veiller, aujourd’hui, à la réussite de nos élèves fragilisés par la crise, en donnant aux personnels les moyens de les accompagner dans les conditions les meilleurs possibles.
Je vous remercie de votre attention.
Intervention d’Élisabeth ALLAIN-MORENO pour l’UNSA Éducation