Mixité : un enjeu de classes

La mixité scolaire et sociale (ou inversement, mais les deux en l’occurrence sont largement liées) est à l’honneur ces derniers jours… Plus justement si on en parle tant –au travers de colloques et de remises de rapports récents- c’est davantage pour regretter son absence, mieux appréhender les phénomènes de ségrégation et envisager des pistes pour (ré)agir.

La mixité scolaire et sociale (ou inversement, mais les deux en l’occurrence sont largement liées) est à l’honneur ces derniers jours… Plus justement si on en parle tant –au travers de colloques et de remises de rapports récents- c’est davantage pour regretter son absence, mieux appréhender les phénomènes de ségrégation et envisager des pistes pour (ré)agir.

Certes on le pressentait fortement, mais les mots, mettant en lumière les faits, font mal : notre système d’Education souffre de la ségrégation sociale qu’il ne sait pas combattre ou corriger, mais –bien pire encore- qu’il tend à renforcer. Même si comme le remarque justement Jean-Paul Delahaye dans l’introduction de son rapport « mettre l’accent sur la grande pauvreté et les inégalités sociales ne doit pas conduire à en faire le « cadre explicatif  » unique de l’échec scolaire des élèves les plus démunis et à exonérer ainsi l’école de ses propres responsabilités », il n’en demeure pas moins vrai qu’il vaut mieux être d’un milieu « aisé et cultivé » pour réussir sa scolarité.

Or, géographiquement, par établissement puis par classe, la tendance est forte de regrouper entre eux les enfants des mêmes milieux et donc de contribuer à la reproduction et à la ségrégation sociales.

Ainsi, comme le démontre le rapport du CNESCO, « alors qu’en l’absence de ségrégation, chaque collégien compterait 22% d’élèves CSP+ dans son collège, les élèves eux-mêmes CSP+ en comptent 34% et les autres seulement 18 %. De même, si on considère les « meilleurs élèves » (tels que repérés par le diplôme national du brevet), ils représenteraient 22% de chaque classe en l’absence de ségrégation au collège : en réalité, les meilleurs élèves en comptent en moyenne 36% dans leur classe, et les autres seulement 18 %. Cet écart de 18 points double en classe de première, une augmentation qui s’explique essentiellement par l’orientation ».

Certainement que des études identiques, concluraient de manière proche cette faiblesse de mixité sociale dans d’autres structures éducatives. Il n’est pas sûr que les clubs sportifs, les espace socioculturels, les lieux culturels soient vecteurs d’une plus grande diversité de milieu sociaux, voire même de mélange entre « bons et mauvais élèves ». Là encore d’autres critères seraient utiles à l’analyse et à la compréhension et tout particulièrement le rapport au territoire. En effet, lorsque la mixité sociale n’existe pas –ou peu- sur un territoire, difficile de la trouver dans les structures éducatives de ce même territoire, y compris à l’école, sauf à imposer des déplacements. Mais la comparaison internationale qu’ont conduite le CNESCO et le CSE du Québec tend à prouver que le « busing » (transport forcé des élèves vers d’autres établissements) est généralement un échec.

La ségrégation géographique est donc un grave problème sur lequel il convient d’agir, mais pour lequel les institutions éducatives ne peuvent être laissées seules dans la recherche de solutions. Les politiques de logements, d’emploi, d’urbanisme, d’aménagement… doivent être mobilisées avec les politiques éducatives si l’on souhaite parvenir à des évolutions positives.

Le plus inquiétant est le constat de la ségrégation entre classes d’un même établissement, phénomène que l’on retrouve partout sans beaucoup de variations entre académies (si ce n’est une intensité accrue dans les académies ultramarines). En effet, si une part de cette ségrégation est due au hasard de la constitution des classes, l’autre –concernant 25 à 45% des collèges- relève d’une démarche « active » et conduit, en partie par le jeu des options, à la constitution de classes de niveau.

Ainsi donc, la preuve est faite –si cela était nécessaire- que l’école ne subit pas seulement le poids d’une société inégalitaire, clivante et ségrégative, structurant les territoires et se retrouvant donc, telle une image de la société, à l’identique dans les publics scolaires. L’absence de mixité dans les classes est aussi un choix, celui de trier, de séparer, de distinguer –certainement dès l’école dans certains cas- mais de manière renforcée au collège les élèves selon leur résultat (et donc par corrélation, pour une grande partie, par niveau social).

Ne nous y trompons pas, si la suppression des options peu modifier cette approche, rien n’empêchera techniquement la fabrication de classes de niveau. Plus qu’une évolution structurelle, c’est un changement de mentalité qui s’impose et qui nécessite de repenser les missions éducatives en se demandant pour quoi et pour qui l’on fait classe.


Denis ADAM, le 10 juin 2015

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La mixité scolaire et sociale (ou inversement, mais les deux en l’occurrence sont largement liées) est à l’honneur ces derniers jours… Plus justement si on en parle tant –au travers de colloques et de remises de rapports récents- c’est davantage pour regretter son absence, mieux appréhender les phénomènes de ségrégation et envisager des pistes pour (ré)agir.

Certes on le pressentait fortement, mais les mots, mettant en lumière les faits, font mal : notre système d’Education souffre de la ségrégation sociale qu’il ne sait pas combattre ou corriger, mais –bien pire encore- qu’il tend à renforcer. Même si comme le remarque justement Jean-Paul Delahaye dans l’introduction de son rapport « mettre l’accent sur la grande pauvreté et les inégalités sociales ne doit pas conduire à en faire le « cadre explicatif  » unique de l’échec scolaire des élèves les plus démunis et à exonérer ainsi l’école de ses propres responsabilités », il n’en demeure pas moins vrai qu’il vaut mieux être d’un milieu « aisé et cultivé » pour réussir sa scolarité.

Or, géographiquement, par établissement puis par classe, la tendance est forte de regrouper entre eux les enfants des mêmes milieux et donc de contribuer à la reproduction et à la ségrégation sociales.

Ainsi, comme le démontre le rapport du CNESCO, « alors qu’en l’absence de ségrégation, chaque collégien compterait 22% d’élèves CSP+ dans son collège, les élèves eux-mêmes CSP+ en comptent 34% et les autres seulement 18 %. De même, si on considère les « meilleurs élèves » (tels que repérés par le diplôme national du brevet), ils représenteraient 22% de chaque classe en l’absence de ségrégation au collège : en réalité, les meilleurs élèves en comptent en moyenne 36% dans leur classe, et les autres seulement 18 %. Cet écart de 18 points double en classe de première, une augmentation qui s’explique essentiellement par l’orientation ».

Certainement que des études identiques, concluraient de manière proche cette faiblesse de mixité sociale dans d’autres structures éducatives. Il n’est pas sûr que les clubs sportifs, les espace socioculturels, les lieux culturels soient vecteurs d’une plus grande diversité de milieu sociaux, voire même de mélange entre « bons et mauvais élèves ». Là encore d’autres critères seraient utiles à l’analyse et à la compréhension et tout particulièrement le rapport au territoire. En effet, lorsque la mixité sociale n’existe pas –ou peu- sur un territoire, difficile de la trouver dans les structures éducatives de ce même territoire, y compris à l’école, sauf à imposer des déplacements. Mais la comparaison internationale qu’ont conduite le CNESCO et le CSE du Québec tend à prouver que le « busing » (transport forcé des élèves vers d’autres établissements) est généralement un échec.

La ségrégation géographique est donc un grave problème sur lequel il convient d’agir, mais pour lequel les institutions éducatives ne peuvent être laissées seules dans la recherche de solutions. Les politiques de logements, d’emploi, d’urbanisme, d’aménagement… doivent être mobilisées avec les politiques éducatives si l’on souhaite parvenir à des évolutions positives.

Le plus inquiétant est le constat de la ségrégation entre classes d’un même établissement, phénomène que l’on retrouve partout sans beaucoup de variations entre académies (si ce n’est une intensité accrue dans les académies ultramarines). En effet, si une part de cette ségrégation est due au hasard de la constitution des classes, l’autre –concernant 25 à 45% des collèges- relève d’une démarche « active » et conduit, en partie par le jeu des options, à la constitution de classes de niveau.

Ainsi donc, la preuve est faite –si cela était nécessaire- que l’école ne subit pas seulement le poids d’une société inégalitaire, clivante et ségrégative, structurant les territoires et se retrouvant donc, telle une image de la société, à l’identique dans les publics scolaires. L’absence de mixité dans les classes est aussi un choix, celui de trier, de séparer, de distinguer –certainement dès l’école dans certains cas- mais de manière renforcée au collège les élèves selon leur résultat (et donc par corrélation, pour une grande partie, par niveau social).

Ne nous y trompons pas, si la suppression des options peu modifier cette approche, rien n’empêchera techniquement la fabrication de classes de niveau. Plus qu’une évolution structurelle, c’est un changement de mentalité qui s’impose et qui nécessite de repenser les missions éducatives en se demandant pour quoi et pour qui l’on fait classe.


Denis ADAM, le 10 juin 2015