Méthode ou démarche ?

Dorénavant, l’apprentissage des mathématiques va se faire à l’heure de Singapour.

Ce qu’il est convenu d’appeler la méthode de Singapour a effectivement fait ses preuves en plaçant le pays en tête des évaluations internationales. Elle ne cesse donc de séduire les responsables de l’Education de nombreux pays, à commencer par notre ministre de l’Education nationale. S’il ne souhaite pas l’imposer par une modification des programmes, il envisage de la diffuser par la formation des enseignants.

 

De quoi s’agit-il ?

C’est un programme national conçu comme une progression allant de la maternelle au collège, basé sur le passage du concret à l’abstraction par l’image, sur la modélisation des problèmes et par la verbalisation.

Introduites très tôt (dès le CP), les quatre opérations le sont de façon sommaire, sans insister sur les procédures de calcul, puis approfondie dans les années suivantes.

Un lien fort, même s’il n’était pas établi dès l’origine, peut être fait avec la pédagogie explicite, permettant aux élèves de savoir pour chaque leçon quel est l’objectif visé.

Même si une phase d’autonomie est instaurée dans chaque séquences, la méthode est très dirigée et ne laisse pas de place au hasard. Si l’erreur est permise, car l’élève est avant tout invité à expliquer son raisonnement, la correction immédiate du professeur est anticipée et planifiée dans la méthode séance par séance.

La possibilité pour les élèves de formuler à voix haute ce qu’ils ont appris ou compris, favorise l’objectivation de leurs acquis dans une forme de métacognition et leur permet de suivre leur progression.


En quoi cela est-il nouveau ?

En dehors du programme très structuré, voire très stricte qui conduit à ce que chaque séance, du CP à la 6ème soit planifiée, corrigée, améliorée en fonction de son efficacité sur le terrain, la méthode n’a rien inventée. Elle s’est nourrie des travaux en didactique des mathématiques et en pédagogie. Ainsi, elle s’inspire notamment des travaux de Jérôme Bruner, George Polya, Benjamin Bloom ou même de Maria Montessori. Son processus de conception s’approche également de la méthodologie de Barack Rosenshine qui repose à la fois sur les recherches sur le fonctionnement du cerveau -en particulier sur la façon d’acquérir des informations et de les utiliser, les recherches sur les pratiques de classe des enseignants les plus efficaces, les recherches relatives à l’enseignement des stratégies d’apprentissage.


Quels enseignements en tirer ?

L’objet de ce billet n’est pas tant de savoir si la méthode de Singapour est efficace, ni même si elle doit être mise en œuvre en France.

L’intérêt de la réflexion qu’elle suscite est plus large.

Comment cette méthode a-t-elle été élaborée ? Tout d’abord par un travail de cinq années par une cinquantaine de spécialistes des mathématiques et de leur enseignement. Ensuite, elle a été testée, corrigée, revue, améliorée, dans les classes dont les enseignants été formés. Cette seconde étape a duré 15 ans.

Une vingtaine d’années pour construire une méthode qui semble faire ses preuves. En tout cas qui a permis à Singapour de développer un enseignement des mathématiques adapter à son besoin de futurs scientifiques.

20 ans ! Quel luxe. Quand la France s’est-elle donnée un temps long pour élaborer une démarche d’enseignement ? Alors qu’une réforme en chasse une autre, avant qu’elle n’ait pu réellement être développée, encore moins évaluée.

Déjà l’on voit poindre l’envie pressée du ministre de mettre en œuvre cette méthode au plus vite.
Déjà on imagine les réticences de ceux qui seront contraints de l’utiliser sans que leur avis soit sollicité.
Déjà on entend les résistances de ceux qui dénonceront la méthode et s’empresseront de la supprimer si demain ils ont la responsabilité de notre système scolaire.

Plus que les résultats, ce qui est remarquable dans ce programme, c’est le fait de s’être inspiré des travaux internationaux, d’avoir impliqué les praticiens dans leur classe, d’avoir appliqué la même méthode de l’essai erreur préconisée pour que les élèves résolvent les problèmes, de s’être donné du temps, d’avoir bâti un consensus, de n’avoir pas opposé discipline et pédagogie.

Impossible de ne pas penser à cette belle phrase de Robert Louis Stevenson : « L’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même. »

Et de se demander si plus qu’une méthode, ce qui est essentiel ici n’est pas la démarche qui a permis de la construire ?

 

Denis Adam, le 25 octobre 2017
 

 

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Dorénavant, l’apprentissage des mathématiques va se faire à l’heure de Singapour.

Ce qu’il est convenu d’appeler la méthode de Singapour a effectivement fait ses preuves en plaçant le pays en tête des évaluations internationales. Elle ne cesse donc de séduire les responsables de l’Education de nombreux pays, à commencer par notre ministre de l’Education nationale. S’il ne souhaite pas l’imposer par une modification des programmes, il envisage de la diffuser par la formation des enseignants.

 

De quoi s’agit-il ?

C’est un programme national conçu comme une progression allant de la maternelle au collège, basé sur le passage du concret à l’abstraction par l’image, sur la modélisation des problèmes et par la verbalisation.

Introduites très tôt (dès le CP), les quatre opérations le sont de façon sommaire, sans insister sur les procédures de calcul, puis approfondie dans les années suivantes.

Un lien fort, même s’il n’était pas établi dès l’origine, peut être fait avec la pédagogie explicite, permettant aux élèves de savoir pour chaque leçon quel est l’objectif visé.

Même si une phase d’autonomie est instaurée dans chaque séquences, la méthode est très dirigée et ne laisse pas de place au hasard. Si l’erreur est permise, car l’élève est avant tout invité à expliquer son raisonnement, la correction immédiate du professeur est anticipée et planifiée dans la méthode séance par séance.

La possibilité pour les élèves de formuler à voix haute ce qu’ils ont appris ou compris, favorise l’objectivation de leurs acquis dans une forme de métacognition et leur permet de suivre leur progression.


En quoi cela est-il nouveau ?

En dehors du programme très structuré, voire très stricte qui conduit à ce que chaque séance, du CP à la 6ème soit planifiée, corrigée, améliorée en fonction de son efficacité sur le terrain, la méthode n’a rien inventée. Elle s’est nourrie des travaux en didactique des mathématiques et en pédagogie. Ainsi, elle s’inspire notamment des travaux de Jérôme Bruner, George Polya, Benjamin Bloom ou même de Maria Montessori. Son processus de conception s’approche également de la méthodologie de Barack Rosenshine qui repose à la fois sur les recherches sur le fonctionnement du cerveau -en particulier sur la façon d’acquérir des informations et de les utiliser, les recherches sur les pratiques de classe des enseignants les plus efficaces, les recherches relatives à l’enseignement des stratégies d’apprentissage.


Quels enseignements en tirer ?

L’objet de ce billet n’est pas tant de savoir si la méthode de Singapour est efficace, ni même si elle doit être mise en œuvre en France.

L’intérêt de la réflexion qu’elle suscite est plus large.

Comment cette méthode a-t-elle été élaborée ? Tout d’abord par un travail de cinq années par une cinquantaine de spécialistes des mathématiques et de leur enseignement. Ensuite, elle a été testée, corrigée, revue, améliorée, dans les classes dont les enseignants été formés. Cette seconde étape a duré 15 ans.

Une vingtaine d’années pour construire une méthode qui semble faire ses preuves. En tout cas qui a permis à Singapour de développer un enseignement des mathématiques adapter à son besoin de futurs scientifiques.

20 ans ! Quel luxe. Quand la France s’est-elle donnée un temps long pour élaborer une démarche d’enseignement ? Alors qu’une réforme en chasse une autre, avant qu’elle n’ait pu réellement être développée, encore moins évaluée.

Déjà l’on voit poindre l’envie pressée du ministre de mettre en œuvre cette méthode au plus vite.
Déjà on imagine les réticences de ceux qui seront contraints de l’utiliser sans que leur avis soit sollicité.
Déjà on entend les résistances de ceux qui dénonceront la méthode et s’empresseront de la supprimer si demain ils ont la responsabilité de notre système scolaire.

Plus que les résultats, ce qui est remarquable dans ce programme, c’est le fait de s’être inspiré des travaux internationaux, d’avoir impliqué les praticiens dans leur classe, d’avoir appliqué la même méthode de l’essai erreur préconisée pour que les élèves résolvent les problèmes, de s’être donné du temps, d’avoir bâti un consensus, de n’avoir pas opposé discipline et pédagogie.

Impossible de ne pas penser à cette belle phrase de Robert Louis Stevenson : « L’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même. »

Et de se demander si plus qu’une méthode, ce qui est essentiel ici n’est pas la démarche qui a permis de la construire ?

 

Denis Adam, le 25 octobre 2017