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Méditation à l’école, est-ce bien raisonnable ?

Récemment deux avis concordants ont été publiés sur la méditation de pleine conscience à l’école : un par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) et un par le CSEN (Conseil scientifique de l’Éducation nationale).

Dans les deux cas, une revue scientifique des nombreuses études menées sur la question, la plupart sur des adultes, conclut que les bénéfices sont au mieux modestes, souvent non significativement différents par rapport à une autre activité de détente. De plus, la majorité des études sont de faible qualité méthodologique ce qui empêche de conclure sur des effets positifs et beaucoup d’entre elles sont financées directement ou indirectement par le Mind & Life Institute, une association américaine qui a pour but de favoriser un apport mutuel entre le bouddhisme et la science et qui promeut la méditation de pleine conscience.

Cette pratique implique de modifier l’état de conscience des élèves, elle n’est pas seulement un moment de relaxation ou un temps calme. Elle comporte des effets secondaires et des contre-indications connues pour les adultes (dépression, addictions, troubles psychiques) mais très peu étudiées chez les enfants et les adolescents. Il est mentionné dans le rapport de la Miviludes l’avis d’une professeure de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui exprime ainsi un risque : “dans une phase où les symptômes de dépression sont trop intenses, un programme qui consiste à retourner le projecteur vers soi-même et à explorer ses émotions serait assimilable à une torture”. Il est également précisé que “chez des enfants ou des adolescents, qui sont par définition des individus vulnérables et en construction, cette pratique, qui implique un certain repli sur soi et invite à faire abstraction du monde qui nous entoure, peut réactiver des traumatismes ou des souvenirs enfouis et se révéler être une expérience très déstabilisante”. Il est aussi pointé que cette pratique peut être instrumentalisée et constituer une porte d’entrée vers d’autres mouvements ou groupes qui sont déviants, voire dangereux, cela représente potentiellement un risque pour les élèves mais aussi pour les enseignants qui se forment à la méditation.

Les deux avis soulignent le danger de l’amateurisme de certains prestataires et l’impossibilité actuellement de contrôler ce qui est effectivement mis en œuvre dans les classes sous l’appellation “méditation de pleine conscience”.

Cet engouement pour la méditation de pleine conscience comporte inévitablement des enjeux économiques mais également des questions sociétales. S’il est légitime et salutaire de se préoccuper du bien-être, du niveau de stress et de la santé mentale de nos élèves, cela mérite une prise en compte sérieuse avec des moyens, des professionnels adaptés et un secteur de soins pour les enfants à la hauteur des besoins. Demander aux élèves de gérer eux-mêmes leur niveau de stress et leur mal-être par la méditation est largement illusoire pour ceux qui vont vraiment mal (victimes d’inceste, de maltraitance…) et revient d’une certaine façon à leur laisser la responsabilité individuelle d’aller mieux.

À cet égard le CSEN précise qu’ “on peut également se demander si, au lieu d’essayer de faire baisser le stress et l’anxiété des élèves, on ne pourrait pas plutôt (ou aussi) essayer de prévenir de tels symptômes en réduisant les sources de stress et d’anxiété. Par exemple, en modifiant les pratiques pédagogiques et l’organisation du système scolaire de manière à ce que les notes, les bulletins, l’orientation scolaire engendrent moins de stress, de manière à promouvoir les compétences socio-émotionnelles, les climats de classes positifs et moins répressifs”.

Les deux avis concluent qu’il est déraisonnable de vouloir amplifier ou généraliser la méditation de pleine conscience dans le cadre scolaire en l’état actuel de la situation.
Pour la Miviludes il convient de rester vigilant vis-à-vis de cette pratique, a fortiori vis-à-vis d’un jeune public, elle rappelle que toute méthode présentée comme un remède universel est à manier avec grande vigilance, d’autant plus lorsqu’elle pourrait présenter un intérêt économique et/ou idéologique.
Le CSEN quant à lui préconise que compte tenu des nombreuses questions restant ouvertes à propos de ces pratiques, et de l’incertitude résultante sur l’analyse bénéfices/coûts, une attitude prudente pourrait être d’en limiter pour l’instant l’usage au cadre des recherches scientifiques.

 

Le rapport de la Miviludes (la partie sur la méditation de pleine conscience est pp 111-117)
La note du CSEN sur la méditation de pleine conscience à l’école

 

Image par FETHI BOUHAOUCHINE de Pixabay

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