Les paysages poétiques de Robert Desnos
Deux recueils de poèmes de Desnos publiés pendant la Seconde Guerre mondiale sont réédités, c’est l’occasion de (re)découvrir ce poète surréaliste, à ses premières heures, un poète avant tout engagé.
« Je voudrais naître chaque jour sous un ciel neuf » écrit Desnos pendant l’Occupation.
Selon Marie-Claire Dumas, dans l’émission « Ça rime à quoi » consacrée au poète à écouter ici, Desnos évoque dans ce vers ses souvenirs, la volonté de s’ouvrir à du neuf et aussi le désir de sortir de ce Paris synonyme d’emprisonnement.
Jusqu’au bout, jusqu’à l’épuisement et la maladie à Buchenwald à la mort à Térézin, Desnos fut épris de liberté : « Ce n’est pas la poésie qui doit être libre, mais le poète », affirmait-il. La poésie, l’imaginaire et son double Rrose Sélavy furent essentiels pour rester libre jusqu’à la fin.
En rééditant ces deux recueils, Marie-Claire Dumas met l’accent sur une poésie de l’Occupation, certes, mais aussi une poésie avec des formes contraignantes, le sonnet ou la ballade, qui sont une « Contrée », un paysage, un pays, incertain, ouvert, qui appelle à la rêverie du lecteur.
« le Paysage »
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détour.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu au carrefour.
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit
L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
1944
« Contrée, suivi de Calixto, édition de Marie-Claire Dumas, Éditions Poésie/Gallimard, 2013, 7€
A découvrir : Le site de l’association des Amis de Robert Desnos ici.