Les jeunes et la campagne

Parler des jeunes et de la campagne, en cette période, c’est évidemment évoquer les prochaines élections.

Les jeunes étaient au cœur des préoccupations, des priorités, des promesses de la campagne électorale de 2012. Ils semblent bien moins présents dans celle de 2017.

Il faut dire qu’ils se sont assez peu mobilisés dans les primaires et risquent de fournir une part non négligeable des abstentionnistes.

Non qu’ils ne se sentent pas intéressés par la question politique. Mais que pour beaucoup, en dehors d’une minorité militante, ils ont du mal à se reconnaître dans les candidats, voient mal ce que les programmes apporteront à leur avenir incertain, se sentent peu, mal voire pas du tout représentés.

Ici on les stigmatise en voulant abaisser à 16 ans la majorité pénale… comme si tous les jeunes étaient des délinquants et comme si l’actuel arsenal judiciaire ne suffisait pas à punir la minorité d’entre eux qui dérape.
Là on leur offre un « chèque culture » le jour de leur 18 ans… comme si un « vaccin » culturel garantissait à vie le goût et l’envie de la fréquentation des arts et la curiosité pour toutes les cultures du monde.

A part cela, on leur parle d’emploi. C’est certes un point positif et indispensable alors qu’ils sont 24% à pointer au chômage, taux record pour un pays développé et surtout en nette évolution négative puisqu’il a bondi en 40 ans de 7 à 24%, creusant un important écart avec les autres catégories d’âge.

Même chez les jeunes diplômés, le fait de ne pas pourvoir s’insérer dans le monde du travail rapidement est de plus en plus une donnée intégrée. Ils prolongent leurs études, partent à l’étranger, acceptent un « service civique » afin de compléter leurs bagages et leur expérience et multiplier leurs chances d’embauche à plus ou moins moyen terme.

Pour les plus défavorisés, ceux qui cumulent handicaps sociaux et culturels échec scolaire, c’est le plus souvent la galère des petits boulots, des temps partiels et des contrats précaires qui s’annoncent et peu de chose dans les annonces des candidats aux prochaines élections ne permettent de leur faire espérer réellement des prochains matins qui chanteront en leur apportant des solutions positives et durables.

Du coup, si ce n’est la tentation des extrêmes pour dire son ras-le-bol et son envie de tout changer, c’est le fatalisme qui domine accompagné d’un certain désengagement.

Cercle vicieux de politiques qui ne s’adressent pas une jeunesse qui ne leur fait plus confiance pour leur apporter des solutions…

Mais parler des jeunes et de la campagne, en plein salon de l’agriculture, c’est aussi évoquer les jeunes ruraux.

Là aussi les difficultés sont nombreuses.

Nombre de témoignages, ces derniers temps, auront tenté de sensibiliser à l’impossibilité de vivre dignement de l’agriculture dans bien des cas, à la reprise compliquée de l’exploitation familiale par les enfants, à la désertification rurale et la réduction du nombre de paysans.

Plus globalement, pour les 1,6 millions de jeunes vivant dans les campagnes françaises, l’accès à la culture -un tiers seulement accèdent à une bibliothèque contre presque la moitié des jeunes urbains-aux soins, au numérique sont moins bons qu’en ville. Si leur insertion professionnelle semble meilleure, 59 % des jeunes ruraux ont un emploi contre 49 % des jeunes urbains, c’est essentiellement dû au fait que 50 % d’entre eux s’orientent après la 3e vers une formation professionnelle, contre 40 % pour les urbains. Ainsi la part des jeunes ruraux possédant un diplôme universitaire supérieur à la licence est de 7,3 %, soit inférieure de moitié à ce que l’on trouve en ville et ils sont donc bien davantage ouvriers et employés.

Plus « occupés » que leurs homologues urbains (56%), les jeunes ruraux sont pour 66 % d’entre eux soit au travail soit en formation, mais trouvent davantage le temps d’une vie sociale : 18 % ont une fonction bénévole, contre 13 % en ville et de nombreuses associations sont créées par des jeunes.

Cet engagement, souvent dans le tissu local et l’action de proximité, n’empêche pas la grande méfiance des jeunes ruraux envers les politiques et l’Europe.

Alors qu’un sondage un peu ancien indiquait que leur confiance dans l’Union européenne était passée de 76 % en 1990 à 50 % en 2008 (contre 57 % pour les jeunes urbains), le récent rapport du Comité économique, social et environnemental (CESE) sur la place des jeunes de 15-29 ans dans les territoires ruraux montre qu’ils sont 92 % à ne pas faire confiance aux politiques.

Autant dire que la campagne électorale en cours a peu de chance de faire remonter cet indice de confiance des jeunes des campagnes françaises pour les responsables politiques. C’est d’autant plus dommage que les lycées agricoles font le plein et prouvent que la réussite dans le monde rural est possible, que l’enjeu de l’aménagement du territoire est essentiel dans le cadre du développement durable et que la question de notre alimentation de demain se pose de manière cruciale.

Des réalités d’avenir qu’il est urgent de mettre au cœur de la campagne.

 

Denis ADAM, le 1er mars 2017

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Parler des jeunes et de la campagne, en cette période, c’est évidemment évoquer les prochaines élections.

Les jeunes étaient au cœur des préoccupations, des priorités, des promesses de la campagne électorale de 2012. Ils semblent bien moins présents dans celle de 2017.

Il faut dire qu’ils se sont assez peu mobilisés dans les primaires et risquent de fournir une part non négligeable des abstentionnistes.

Non qu’ils ne se sentent pas intéressés par la question politique. Mais que pour beaucoup, en dehors d’une minorité militante, ils ont du mal à se reconnaître dans les candidats, voient mal ce que les programmes apporteront à leur avenir incertain, se sentent peu, mal voire pas du tout représentés.

Ici on les stigmatise en voulant abaisser à 16 ans la majorité pénale… comme si tous les jeunes étaient des délinquants et comme si l’actuel arsenal judiciaire ne suffisait pas à punir la minorité d’entre eux qui dérape.
Là on leur offre un « chèque culture » le jour de leur 18 ans… comme si un « vaccin » culturel garantissait à vie le goût et l’envie de la fréquentation des arts et la curiosité pour toutes les cultures du monde.

A part cela, on leur parle d’emploi. C’est certes un point positif et indispensable alors qu’ils sont 24% à pointer au chômage, taux record pour un pays développé et surtout en nette évolution négative puisqu’il a bondi en 40 ans de 7 à 24%, creusant un important écart avec les autres catégories d’âge.

Même chez les jeunes diplômés, le fait de ne pas pourvoir s’insérer dans le monde du travail rapidement est de plus en plus une donnée intégrée. Ils prolongent leurs études, partent à l’étranger, acceptent un « service civique » afin de compléter leurs bagages et leur expérience et multiplier leurs chances d’embauche à plus ou moins moyen terme.

Pour les plus défavorisés, ceux qui cumulent handicaps sociaux et culturels échec scolaire, c’est le plus souvent la galère des petits boulots, des temps partiels et des contrats précaires qui s’annoncent et peu de chose dans les annonces des candidats aux prochaines élections ne permettent de leur faire espérer réellement des prochains matins qui chanteront en leur apportant des solutions positives et durables.

Du coup, si ce n’est la tentation des extrêmes pour dire son ras-le-bol et son envie de tout changer, c’est le fatalisme qui domine accompagné d’un certain désengagement.

Cercle vicieux de politiques qui ne s’adressent pas une jeunesse qui ne leur fait plus confiance pour leur apporter des solutions…

Mais parler des jeunes et de la campagne, en plein salon de l’agriculture, c’est aussi évoquer les jeunes ruraux.

Là aussi les difficultés sont nombreuses.

Nombre de témoignages, ces derniers temps, auront tenté de sensibiliser à l’impossibilité de vivre dignement de l’agriculture dans bien des cas, à la reprise compliquée de l’exploitation familiale par les enfants, à la désertification rurale et la réduction du nombre de paysans.

Plus globalement, pour les 1,6 millions de jeunes vivant dans les campagnes françaises, l’accès à la culture -un tiers seulement accèdent à une bibliothèque contre presque la moitié des jeunes urbains-aux soins, au numérique sont moins bons qu’en ville. Si leur insertion professionnelle semble meilleure, 59 % des jeunes ruraux ont un emploi contre 49 % des jeunes urbains, c’est essentiellement dû au fait que 50 % d’entre eux s’orientent après la 3e vers une formation professionnelle, contre 40 % pour les urbains. Ainsi la part des jeunes ruraux possédant un diplôme universitaire supérieur à la licence est de 7,3 %, soit inférieure de moitié à ce que l’on trouve en ville et ils sont donc bien davantage ouvriers et employés.

Plus « occupés » que leurs homologues urbains (56%), les jeunes ruraux sont pour 66 % d’entre eux soit au travail soit en formation, mais trouvent davantage le temps d’une vie sociale : 18 % ont une fonction bénévole, contre 13 % en ville et de nombreuses associations sont créées par des jeunes.

Cet engagement, souvent dans le tissu local et l’action de proximité, n’empêche pas la grande méfiance des jeunes ruraux envers les politiques et l’Europe.

Alors qu’un sondage un peu ancien indiquait que leur confiance dans l’Union européenne était passée de 76 % en 1990 à 50 % en 2008 (contre 57 % pour les jeunes urbains), le récent rapport du Comité économique, social et environnemental (CESE) sur la place des jeunes de 15-29 ans dans les territoires ruraux montre qu’ils sont 92 % à ne pas faire confiance aux politiques.

Autant dire que la campagne électorale en cours a peu de chance de faire remonter cet indice de confiance des jeunes des campagnes françaises pour les responsables politiques. C’est d’autant plus dommage que les lycées agricoles font le plein et prouvent que la réussite dans le monde rural est possible, que l’enjeu de l’aménagement du territoire est essentiel dans le cadre du développement durable et que la question de notre alimentation de demain se pose de manière cruciale.

Des réalités d’avenir qu’il est urgent de mettre au cœur de la campagne.

 

Denis ADAM, le 1er mars 2017