L’éducation est un enjeu politique

« Notre présent oscille entre passé et avenir, […], tissé de souvenirs et d’anticipation – de nostalgie et d’attente. » affirme Jean-Claude Ameisen reprenant l’idée de Pierre Reverdy d’un présent « fait de déformations du passé et d’ébauches imprécises de l’avenir ».
Ces mots s’appliquent avec acuité à toute modification, toute réforme en train de se réaliser et l’Éducation n’échappe pas à cette règle. Surtout lorsque le présent, cet aujourd’hui de la Refondation se situe dans cette oscillation, ce déséquilibre indispensable pour avancer mais qui peut également conduire au recul.

« Qui n’avance pas recule » ironise justement le dicton populaire qui s’applique particulièrement bien aux dernières prises de position concernant la modification des horaires scolaires. L’UMP par la voix de son président –mais également par celle du président de l’AMF – vient d’annoncer l’impossibilité de mettre en place la réforme l’an prochain, pour ceux qui ne l’ont pas déjà faite cette année. Ainsi ce qui aurait pu se faire aujourd’hui, ne serait plus possible demain –ni même après-demain- nous condamnant à revenir à la situation d’hier…

En s’inspirant de Gavroche sur les barricades, nous pourrions certes entonner « Ils font de l’opposition en bande, c’est la faute à Hollande », tant la décision du Président de la République de permettre un démarrage en 2013 ou en 2014 a fragilisé la réforme et aiguillonné les résistances.
Mais là n’est pas la seule cause de ce refus.
Certaines hésitations du Ministre de l’Éducation Nationale, pourtant volontariste sur la Refondation, n’aident pas. Ainsi, l’idée même de désolidariser les programmes du primaire de ceux du collège alors que la loi affiche l’ambition d’un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » est contreproductive.

Mais, il faut surtout faire un lien avec la présentation par la même UMP, le 12 septembre dernier, de son projet pour «libérer l’école». Il aurait tout aussi bien pu s’intituler «pour une école libérale» tant ses thèses sont inspirées du modèle américain, de celui qui tente de s’imposer en Grande-Bretagne. Rien de bien nouveau par rapport au projet présenté pour la campagne des élections présidentielles, si ce ne sont les critiques acerbes contre la Refondation et «la folie dépensière » des créations de postes. Fin du collège unique, valorisation du mérite pour les élèves comme pour les enseignants, autonomie accrue des établissements avec recrutements des équipes par les chefs d’établissements, orientation précoce, organisation des classes en groupes de niveau, suppression de la carte scolaire, instauration de « maisons familiales d’éducation » ou d’ « école à charte » pour les élèves les plus en difficultés ou les plus défavorisés… sont les piliers de cette libéralisation scolaire. Ils côtoient quelques surprises comme l’accélération de « la modernisation de la pédagogie », le développement de véritables « learning center » ou encore « l’expérimentation de collèges par cycle » afin de garantir la sécurité des établissements scolaires… et même l’amélioration de «la formation des enseignants par le développement du tutorat », oubliant juste de rappeler qui avait supprimé cette indispensable formation professionnelle que le seul tutorat ne peut suffire à dispenser.

L’École, l’Éducation fait donc à nouveau débat. Et deux modèles s’opposent parce que deux conceptions de la société s’affrontent. Face à l’école de la réussite de tous se dresse l’école de l’adaptation au marché.
Il est certes plus facile d’imposer les certitudes d’un modèle autoritaire et discriminant que de construire une Éducation bienveillante et émancipatrice. Les résultats aussi sont plus évidents à mesurer. Toutes les évaluations internationales –dont le projet UMP se gargarisent à longueur de pages- ne disent qu’une chose : l’échec d’une école qui favorise la sélection et la compétition, entretient voire renforce les disparités sociales, valorise les meilleurs et abandonne les autres. Il est donc temps de changer de références, de logiciel. L’hésitation n’est plus permise. L’avenir se construit maintenant. Les choix pour l’Éducation sont des enjeux politiques de cette construction.

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« Notre présent oscille entre passé et avenir, […], tissé de souvenirs et d’anticipation – de nostalgie et d’attente. » affirme Jean-Claude Ameisen reprenant l’idée de Pierre Reverdy d’un présent « fait de déformations du passé et d’ébauches imprécises de l’avenir ».
Ces mots s’appliquent avec acuité à toute modification, toute réforme en train de se réaliser et l’Éducation n’échappe pas à cette règle. Surtout lorsque le présent, cet aujourd’hui de la Refondation se situe dans cette oscillation, ce déséquilibre indispensable pour avancer mais qui peut également conduire au recul.

« Qui n’avance pas recule » ironise justement le dicton populaire qui s’applique particulièrement bien aux dernières prises de position concernant la modification des horaires scolaires. L’UMP par la voix de son président –mais également par celle du président de l’AMF – vient d’annoncer l’impossibilité de mettre en place la réforme l’an prochain, pour ceux qui ne l’ont pas déjà faite cette année. Ainsi ce qui aurait pu se faire aujourd’hui, ne serait plus possible demain –ni même après-demain- nous condamnant à revenir à la situation d’hier…

En s’inspirant de Gavroche sur les barricades, nous pourrions certes entonner « Ils font de l’opposition en bande, c’est la faute à Hollande », tant la décision du Président de la République de permettre un démarrage en 2013 ou en 2014 a fragilisé la réforme et aiguillonné les résistances.
Mais là n’est pas la seule cause de ce refus.
Certaines hésitations du Ministre de l’Éducation Nationale, pourtant volontariste sur la Refondation, n’aident pas. Ainsi, l’idée même de désolidariser les programmes du primaire de ceux du collège alors que la loi affiche l’ambition d’un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » est contreproductive.

Mais, il faut surtout faire un lien avec la présentation par la même UMP, le 12 septembre dernier, de son projet pour «libérer l’école». Il aurait tout aussi bien pu s’intituler «pour une école libérale» tant ses thèses sont inspirées du modèle américain, de celui qui tente de s’imposer en Grande-Bretagne. Rien de bien nouveau par rapport au projet présenté pour la campagne des élections présidentielles, si ce ne sont les critiques acerbes contre la Refondation et «la folie dépensière » des créations de postes. Fin du collège unique, valorisation du mérite pour les élèves comme pour les enseignants, autonomie accrue des établissements avec recrutements des équipes par les chefs d’établissements, orientation précoce, organisation des classes en groupes de niveau, suppression de la carte scolaire, instauration de « maisons familiales d’éducation » ou d’ « école à charte » pour les élèves les plus en difficultés ou les plus défavorisés… sont les piliers de cette libéralisation scolaire. Ils côtoient quelques surprises comme l’accélération de « la modernisation de la pédagogie », le développement de véritables « learning center » ou encore « l’expérimentation de collèges par cycle » afin de garantir la sécurité des établissements scolaires… et même l’amélioration de «la formation des enseignants par le développement du tutorat », oubliant juste de rappeler qui avait supprimé cette indispensable formation professionnelle que le seul tutorat ne peut suffire à dispenser.

L’École, l’Éducation fait donc à nouveau débat. Et deux modèles s’opposent parce que deux conceptions de la société s’affrontent. Face à l’école de la réussite de tous se dresse l’école de l’adaptation au marché.
Il est certes plus facile d’imposer les certitudes d’un modèle autoritaire et discriminant que de construire une Éducation bienveillante et émancipatrice. Les résultats aussi sont plus évidents à mesurer. Toutes les évaluations internationales –dont le projet UMP se gargarisent à longueur de pages- ne disent qu’une chose : l’échec d’une école qui favorise la sélection et la compétition, entretient voire renforce les disparités sociales, valorise les meilleurs et abandonne les autres. Il est donc temps de changer de références, de logiciel. L’hésitation n’est plus permise. L’avenir se construit maintenant. Les choix pour l’Éducation sont des enjeux politiques de cette construction.