Le Rassemblement national, derrière la cravate, l’extrême droite

La « stratégie de la cravate » qui consiste à respecter une bonne conduite, un style vestimentaire ou encore à éviter les écarts de langage, a été choisie par le Rassemblement national depuis qu’il compte 88 membres à l’Assemblée nationale. Mais, est-elle efficace ? Après notre article Rassemblement national, changement radical ? , l’UNSA-Éducation décrypte une grande enquête sur ce parti qui progresse mais reste encore à part pour bon nombre de Français.es.

Un progrès vers la respectabilité

Premier élément marquant : 42% des électeurs et des électrices ont déjà voté pour le RN. C’est une augmentation très forte, on comptait 30% de votant.es en 2017. Aujourd’hui, il progresse dans toutes les strates de la société, il n’existe plus de catégorie sociale hermétique au vote pour le parti lepéniste.

Comme le déclare Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop,  « la dimension de protestation reste réelle, mais elle est moins centrale qu’avant ». Ainsi 39% des votant.es l’ont fait par adhésion : pour son programme d’abord (48%) et ses valeurs ensuite (26%). On constate d’ailleurs de plus en plus de points d’accord entre l’électorat lepéniste et l’ensemble de la population : forme de gouvernement la plus appropriée (la démocratie), laxisme de la justice ou culture chrétienne de la France.

L’image du parti de Marine Le Pen s’est donc « notabilisée » : il apparaît comme un parti de gouvernement pour 47% des sondé.es , capable de « réformer le pays » pour 51%. La « stratégie de la cravate » porte donc ses fruits : le RN est aujourd’hui considéré comme moins dangereux pour la démocratie que LFI. D’ailleurs, bon nombre de député.es le disent sans ambages, on est loin du « cordon sanitaire » d’autrefois, on se salue et on discute à la buvette de l’Assemblée sans que cela ne pose de problème.

Une compétence de façade

Malgré tout, selon le panel interrogé, le mouvement lepéniste est « d’extrême droite » à 70%, « raciste » à 59% et « dangereux pour la démocratie » à 55%. Ceci prouve bien que même si l’image du parti de Marine Le Pen s’adoucit, il n’est pas banalisé pour autant.

En dépit du ripolinage, les soupçons d’amateurisme (d’incompétence préfèrent dire certains) demeurent. Même si elles et ils sont « coaché.es », les député.es ne sont pas toujours au fait des dossiers. Ainsi la députée de l’Eure, Katiana Levavasseur qui demande ce qu’est la PAC (Politique Agricole commune) lors d’une rencontre avec des agriculteurs. Le groupe RN participe peu aux débats dans l’hémicycle, reste discret et vote toujours comme leur cheffe. Marine le Pen ne convainc pas totalement elle non plus. Seuls 23% des Français.es estiment qu’elle a la stature présidentielle. 42% des personnes sondées considèrent que son arrivée au pouvoir « ne changerait pas grand-chose », mais elles sont 73% à penser que cela « constituerait un saut dans l’inconnu » et 61% que « cela nuirait à l’image du pays à l’étranger ».

Le RN englué dans les affaires et sa « poutinophilie »

Marine Le Pen et son père restent mis en cause dans l’enquête pénale ouverte depuis 2016 sur les détournements de fonds publics du Parlement européen. En cas de procès, la peine qu’ils encourent est forte : 10 ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.

De plus, il apparaît clair à la chercheuse Marlène Laruelle que « jusqu’au 24 février 2022, la Russie et Poutine étaient, aux yeux de bon nombre de partis d’extrême droite (européens), des marques idéologiques symbolisant la rébellion et la révolte contre l’ordre établi – intérieur comme international »  Cette proximité se constate dans les votes des parlementaires RN qui s’alignent sur les intérêts de Moscou y compris au Parlement européen. Ce parti a condamné l’agression russe de l’Ukraine mais n’ont pas soutenu l’établissement d’un tribunal sur les crimes d’agression contre le pays. La commission d’enquête créée et présidée par le RN censée le blanchir  de toute influence russe a donc eu l’effet inverse. Et puis, au-delà de la confluence avec la Russie, il apparaît aussi que l’un des grands dangers est la construction d’un réseau international de l’extrême droite européenne : la Hongrie de Victor Orban a soutenu Marine Le Pen mais a aussi financé à hauteur de presque 11 millions d’euros sa campagne de 2022.

Le nécessaire rappel historique

Face à un parti qui se respectabilise, la Première ministre Elisabeth Borne a suscité la polémique en déclarant que le RN est « l’héritier de Pétain ».

Or, l’électorat du RN, même élargi, se reconnaît dans les marqueurs historiques de l’extrême-droite : 64% de ses électeurs et des électrices considèrent que le « grand remplacement est une réalité » (contre 42% de la population), 92% considèrent que « la France est en déclin » (contre 77%) et 83% que l’insécurité domine (contre 65%). Or comme le rappelle l’historien Laurent Joly, quand les partis d’extrême droite « arrivent au pouvoir les libertés publiques diminuent et quand ils perdent les élections, ils cherchent à empêcher l’alternance ».

C’est pourquoi, plus que jamais, l’UNSA-Éducation rappelle son combat contre l’extrême droite et le fait que le RN n’est pas un parti comme un autre. Notre fédération dénonce et dénoncera toujours la dangerosité des idées de ce parti qui fragilise la démocratie et notre République.

 Lire notre article

Enquête du JJD, IFOP Fiducial et Sud Radio

 

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