L’application du principe de laïcité à l’école : que dit le dernier rapport paru ?
Un nouveau rapport de l’IGÉSR sur la laïcité à l’école est paru en octobre dernier. Daté de novembre 2019, mais rendu public presqu’un an plus tard, il a pour titre «L’application du principe de laïcité dans les établissements scolaires de l’enseignement public : état des lieux, avancées et perspectives» et a pour objet l’évaluation de l’impact des mesures prises depuis 2017. Le contenu de ce rapport est passé inaperçu car sa publication est intervenue quelques jours avant l’assassinat par un islamiste radical de notre collègue Samuel Paty. Cependant, lorsqu’on souhaite mieux connaître les difficultés de l’enseignement de la laïcité à l’école, il est essentiel de lire ce rapport. L’UNSA Éducation vous explique pourquoi.
Un excellent rapport pour mieux connaitre l’application du principe de laïcité
Le rapport de l’IGÉSR a été rédigé par Aziz Jellab, Marc Rolland, Fabienne Thibau-Lévêque et Christian Wassenberg. À partir d’observations dans plusieurs académies et de nombreuses auditions, ce texte donne à voir les caractéristiques actuelles de l’enseignement de la laïcité et son application à l’école.
On doit tout d’abord souligner la grande qualité de ce bilan et chose assez rare, un souci réel d’objectivité sur l’application du nouveau dispositif mis en place en 2017 par J.M. Blanquer. Le débat sur l’application de la laïcité à l’école a besoin d’une documentation robuste. C’est pourquoi il est très utile de partir de cet état des lieux pour formuler de nouvelles propositions qui ne soient pas déconnectées ou contre-productives. Bien souvent, dans ce domaine, on répète à l’envi des affirmations et des constats pas toujours actualisés. Ainsi, l’utile rapport Obin de juin 2004 («Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires») est très souvent mentionné aujourd’hui, sans prendre en compte les évolutions nombreuses depuis sa date de parution. C’est pourquoi l’UNSA Éducation recommande vraiment de prendre le temps de lire attentivement ce nouveau rapport, plus ancré dans la réalité actuelle.
Un contenu riche et parfois critique
Les responsables de ce rapport ont effectué une enquête dans plusieurs académies tout en synthétisant l’ensemble des informations disponibles. On soulignera la diversité des remarques qui concernent aussi bien les équipes enseignantes dans le premier et le second degré, les personnels de direction, l’application « faits établissements », les équipes académiques « valeurs de la République » ou les liens avec les collectivités territoriales.
L’objectif premier, à savoir mesurer l’impact de la politique mise en place sur l’application de la laïcité à l’école depuis 2017 est amplement atteint (voir nos articles « Vademecum de la laïcité à l’école : une bonne initiative à saluer, un dispositif à expliquer et à concrétiser » et « Atteintes à la laïcité : analyser, agir, éduquer »).
De nombreuses sous-parties analysent le système scolaire avec lucidité et regard critique : ainsi ce document pointe du doigt les insuffisances des dispositifs de formation, initiale et continue. À propos des statistiques de remontée d’atteintes à la laïcité, le document fait part des chiffres reçus par l’administration, tant en montrant que ceux-ci ne sont pas tous systématiquement remontés pour des raisons qui sont analysées, comme les « effets-territoires », les éventuels accommodements mais aussi les lourdeurs administratives.
Cela entraîne un constat parfois sévère : « La majorité des académies estiment que les différentes voies de signalement existantes ne donnent pas une vision complète, voire qu’elles donnent une vision très incomplète de la réalité des atteintes au principe de laïcité en milieu scolaire. » Mais un tel constat est argumenté, et résulte d’une enquête rigoureuse et non de jugements à l’emporte pièce comme on l’entend trop souvent. Il en est de même sur certaines difficultés à faire vivre ce principe dans les établissements et sur les positionnements des enseignant·es : « plusieurs interlocuteurs de la mission ont en outre souligné que, pour un certain nombre d’enseignants, la conception de la laïcité et de son sens était davantage affaire de positionnement personnel, idéologique et politique, que de droit, ce qui pouvait entraîner des tensions dans l’équipe éducative. »
Des préconisations qui rejoignent les demandes de l’UNSA Éducation
La dernière partie du rapport comporte un ensemble de préconisations destinées à améliorer l’application de la laïcité à l’école. On trouve 16 mesures visant à améliorer l’ensemble du dispositif ministériel, du local au global. Certaines concernent l’amélioration des équipes « Laïcité et valeurs de la république » ainsi que leur visibilité, d’autres visent à mieux communiquer sur les nombreuses ressources disponibles, mais trop souvent méconnues. Deux autres ensembles concernent d’une part la formation, d’autre part, l’application de ce principe dans les établissements. Sur ces deux points, les demandes rejoignent celles formulées par notre fédération, à savoir :
– L’UNSA Éducation demande que tous les collègues dans une mission de Service public puissent bénéficier d’une formation à la laïcité dans le cadre de la formation initiale et continue. Ce rapport insiste sur la nécessité d’améliorer les formations à toutes les personnes adultes, en mentionnant toutes les professions.
– La formation des équipes, avec toutes les personnes adultes, sur les lieux d’exercice et au sein des établissements est préconisée.
– Et dans le cadre de la formation initiale, il est important d’uniformiser l’offre de formations dans les INSPE et de réactiver les modules « valeurs de la république ».
Ce rapport offre de nombreuses pistes qui peuvent aider à mieux agir dans le présent et l’avenir. C’est pourquoi l’UNSA Éducation en conseille grandement la lecture. Pour notre fédération, la laïcité permet de garantir la liberté de conscience et la liberté d’expression. Elle constitue une garantie d’égalité et d’émancipation de l’individu.
Le rapport « L’application du principe de laïcité dans les établissements publics »