La saison des amours

Contrairement aux idées reçues ou diffusées par la littérature, ce n’est pas le printemps, mais l’été la saison des amours. Pour de nombreux jeunes, la période des vacances estivales est marquée par les premières découvertes amoureuses et sexuelles. 

Pour le psychiatre et psychanalyste,  Serge Hefez (répondant à une interview du site doctissimo.fr en juillet 2011) « l’été c’est effectivement le moment opportun pour vivre des histoires d’amour. Souvent, les jeunes adultes sont séparés de leur famille à ce moment-là, il y a un « brassage » entre garçons et filles qui est beaucoup plus important, on a le plaisir d’être à l’extérieur, de faire du sport, de montrer son corps, d’être détendu, un peu excité aussi par la chaleur, etc. Tous ces ingrédients sont là pour tomber amoureux. »

Et il précise : « Les premières expériences amoureuses en général, c’est l’été que ça se produit et je crois que cela se produit avec d’autant plus d’intensité qu’on peut s’y consacrer entièrement et qu’elles sont bordées. C’est-à-dire qu’on sait qu’à la fin du mois de juillet ou du mois d’août, on va se séparer, très probablement, parce qu’il y en a un qui vit à Bordeaux, l’autre à Lille, et donc cela donne un côté plus intense à la relation, plus passionnel, plus tragique, en même temps le fait qu’elle ne durera pas éternellement. »

Puisqu’elles sont éphémères, c’est relations en sont-elles pour autant sincères ? Serge Hefez n’a aucun doute et affirme « l’authenticité d’une relation amoureuse, c’est l’authenticité de ce que l’on ressent, pas forcément l’authenticité de ce qu’on y projette. L’amour, c’est les preuves d’amour, les sensations d’amour, c’est le vécu de l’amour… Donc dans ce sens, elles sont éminemment sincères. Dans le sens où on a envie de vivre le plus possible cette intensité au quotidien et que là, c’est sans tricher, car on met tout son désir, tout son plaisir dans la relation. »

Face à ces amours d’été, parents et animateurs se sentent souvent démunis, ou pour le moins interrogatifs quant à la manière la plus adaptée d’agir.

Si pour les parents « trouver la juste place, la bonne attitude n’est pas si aisé« , reconnaît France Pillion, psychologue de l’AFCCC et animatrice d’un groupe de parole de parents d’adolescents interrogé par La Croix, « se tenir à juste distance des émois de ses enfants tout en laissant émerger certaines questions sur le sens de ce qu’ils vivent à cette occasion est sans doute la meilleure attitude à adopter. Pour les faire réfléchir et non pour satisfaire une curiosité. » Et cela est d’autant plus important que la majorité des vacances se font désormais en famille et que donc les adolescents demeurent sous le regard, et parfois, sous le jugement de leurs parents.

En séjour collectif de vacances, les animateurs sont aussi confrontés à l’attitude qu’ils doivent adopter.

« Les séjours de vacances et stages sportifs sont des espaces de socialisation dans lesquels les jeunes vivent des rencontres, des flirts, des mises à l’épreuve, des « premières fois » … Or, il n’est jamais simple pour des encadrants bénévoles, volontaires ou professionnels, parfois eux-mêmes récemment sortis de l’adolescence, de se positionner face à ce qui touche à l’intimité des jeunes. Il s’agit pourtant d’un enjeu éducatif fort, tant cela contribue à la construction des individus et des relations qu’ils entretiennent avec les autres. Être écouté et accompagné répond, en outre, aux attentes des jeunes, comme ont pu le démontrer les résultats de l’enquête sur la sexualité et la vie amoureuse, menée auprès de collégiens du département par des conseillers généraux jeunes, réunis en 2012 dans une commission thématique « Information, sensibilisation et prévention ». 

L’éducation à la vie affective et sexuelle est préconisée par de nombreuses politiques publiques, nationales ou territoriales : sous l’angle de la promotion de la santé (prévention des grossesses non désirées, des infections sexuellement transmissibles, du SIDA, etc.), mais aussi de la protection des jeunes (prévention des violences sexuelles, notamment dans le sport, de l’homophobie, du bizutage, etc.) ou encore dans le cadre de la promotion de l’égalité et de la lutte contre les discriminations (égalité homme/femme, lutte contre les stéréotypes de genre, lutte contre le sexisme et l’homophobie, etc.)» écrit le directeur départemental de la cohésion sociale du Tarn en introduction d’un « Petit manuel à l’usage des animateurs » sur le thème de « Amour et sexualités des adolescents » [http://www.tarn.gouv.fr/IMG/pdf/amour_et_sexualites_des_ados-2.pdf ].

Piloté par une collègue CEPJ, ce document construit dans un large partenariat et qui ne se veut pas normatif donne des piste pour agir en professionnel, comme :

– Adopter un comportement exemplaire (propos, actes) dans le respect des personnes

– N’entretenir aucun comportement ambigu vis-à-vis des jeunes du séjour

– Être garant du respect par les jeunes et les adultes du cadre établi. Interdire tous comportements ou propos violents ou humiliants, de nature sexiste ou homophobe, perpétrés par des adultes ou des mineurs. En cas de transgression, adopter une réponse appropriée à l’auteur et à la gravité des

– Être vigilant et attentif à la conduite des jeunes : changement de comportement, situation de souffrance, mal être, etc. ;

– Respecter les besoins et les temps d’intimité des jeunes ;

– Adopter vis-à-vis de chacun des jeunes une posture d’écoute bienveillante, sécurisante, sans jugement moral ;

– Adapter les messages de prévention au niveau de maturité de chacun des jeunes. Situer leur niveau de connaissances et apporter, si nécessaire, des informations précises et objectives ;

– Partager en équipe les situations problématiques et orienter, si nécessaire, les jeunes vers des spécialistes de l’éducation affective et sexuelle, ou vers des professionnels du soin selon les cas ;

– Ne pas agir dans l’urgence, sauf en cas d’évènement grave pour protéger des mineurs ;

– Savoir rester discret par rapport aux informations relevant de la vie intime ou privée des mineurs accueillis. L’accord du jeune devra être recherché dans tous les cas de transmission;

– Informer les autorités judiciaires en cas de connaissance de faits délictueux ou criminels…

Tous les spécialistes insistent, il n’est pas indispensable de ne pas tomber amoureux durant ses vacances et ses amours d’été ne sont pas à rechercher à tout prix. Mais ils existent et doivent être des situations heureuses et épanouissantes qui aident les jeunes se construire affectivement et socialement. Autant donc qu’ils soient vécus au mieux par toutes et tous et donc accompagnés.

C’est la garantie d’un bel été pour chacune et chacun. En un mot : des amours de vacances !

 

Denis ADAM, le 3 août 2016

Sélectionnés pour vous
+ d’actualités nationales

Contrairement aux idées reçues ou diffusées par la littérature, ce n’est pas le printemps, mais l’été la saison des amours. Pour de nombreux jeunes, la période des vacances estivales est marquée par les premières découvertes amoureuses et sexuelles. 

Pour le psychiatre et psychanalyste,  Serge Hefez (répondant à une interview du site doctissimo.fr en juillet 2011) « l’été c’est effectivement le moment opportun pour vivre des histoires d’amour. Souvent, les jeunes adultes sont séparés de leur famille à ce moment-là, il y a un « brassage » entre garçons et filles qui est beaucoup plus important, on a le plaisir d’être à l’extérieur, de faire du sport, de montrer son corps, d’être détendu, un peu excité aussi par la chaleur, etc. Tous ces ingrédients sont là pour tomber amoureux. »

Et il précise : « Les premières expériences amoureuses en général, c’est l’été que ça se produit et je crois que cela se produit avec d’autant plus d’intensité qu’on peut s’y consacrer entièrement et qu’elles sont bordées. C’est-à-dire qu’on sait qu’à la fin du mois de juillet ou du mois d’août, on va se séparer, très probablement, parce qu’il y en a un qui vit à Bordeaux, l’autre à Lille, et donc cela donne un côté plus intense à la relation, plus passionnel, plus tragique, en même temps le fait qu’elle ne durera pas éternellement. »

Puisqu’elles sont éphémères, c’est relations en sont-elles pour autant sincères ? Serge Hefez n’a aucun doute et affirme « l’authenticité d’une relation amoureuse, c’est l’authenticité de ce que l’on ressent, pas forcément l’authenticité de ce qu’on y projette. L’amour, c’est les preuves d’amour, les sensations d’amour, c’est le vécu de l’amour… Donc dans ce sens, elles sont éminemment sincères. Dans le sens où on a envie de vivre le plus possible cette intensité au quotidien et que là, c’est sans tricher, car on met tout son désir, tout son plaisir dans la relation. »

Face à ces amours d’été, parents et animateurs se sentent souvent démunis, ou pour le moins interrogatifs quant à la manière la plus adaptée d’agir.

Si pour les parents « trouver la juste place, la bonne attitude n’est pas si aisé« , reconnaît France Pillion, psychologue de l’AFCCC et animatrice d’un groupe de parole de parents d’adolescents interrogé par La Croix, « se tenir à juste distance des émois de ses enfants tout en laissant émerger certaines questions sur le sens de ce qu’ils vivent à cette occasion est sans doute la meilleure attitude à adopter. Pour les faire réfléchir et non pour satisfaire une curiosité. » Et cela est d’autant plus important que la majorité des vacances se font désormais en famille et que donc les adolescents demeurent sous le regard, et parfois, sous le jugement de leurs parents.

En séjour collectif de vacances, les animateurs sont aussi confrontés à l’attitude qu’ils doivent adopter.

« Les séjours de vacances et stages sportifs sont des espaces de socialisation dans lesquels les jeunes vivent des rencontres, des flirts, des mises à l’épreuve, des « premières fois » … Or, il n’est jamais simple pour des encadrants bénévoles, volontaires ou professionnels, parfois eux-mêmes récemment sortis de l’adolescence, de se positionner face à ce qui touche à l’intimité des jeunes. Il s’agit pourtant d’un enjeu éducatif fort, tant cela contribue à la construction des individus et des relations qu’ils entretiennent avec les autres. Être écouté et accompagné répond, en outre, aux attentes des jeunes, comme ont pu le démontrer les résultats de l’enquête sur la sexualité et la vie amoureuse, menée auprès de collégiens du département par des conseillers généraux jeunes, réunis en 2012 dans une commission thématique « Information, sensibilisation et prévention ». 

L’éducation à la vie affective et sexuelle est préconisée par de nombreuses politiques publiques, nationales ou territoriales : sous l’angle de la promotion de la santé (prévention des grossesses non désirées, des infections sexuellement transmissibles, du SIDA, etc.), mais aussi de la protection des jeunes (prévention des violences sexuelles, notamment dans le sport, de l’homophobie, du bizutage, etc.) ou encore dans le cadre de la promotion de l’égalité et de la lutte contre les discriminations (égalité homme/femme, lutte contre les stéréotypes de genre, lutte contre le sexisme et l’homophobie, etc.)» écrit le directeur départemental de la cohésion sociale du Tarn en introduction d’un « Petit manuel à l’usage des animateurs » sur le thème de « Amour et sexualités des adolescents » [http://www.tarn.gouv.fr/IMG/pdf/amour_et_sexualites_des_ados-2.pdf ].

Piloté par une collègue CEPJ, ce document construit dans un large partenariat et qui ne se veut pas normatif donne des piste pour agir en professionnel, comme :

– Adopter un comportement exemplaire (propos, actes) dans le respect des personnes

– N’entretenir aucun comportement ambigu vis-à-vis des jeunes du séjour

– Être garant du respect par les jeunes et les adultes du cadre établi. Interdire tous comportements ou propos violents ou humiliants, de nature sexiste ou homophobe, perpétrés par des adultes ou des mineurs. En cas de transgression, adopter une réponse appropriée à l’auteur et à la gravité des

– Être vigilant et attentif à la conduite des jeunes : changement de comportement, situation de souffrance, mal être, etc. ;

– Respecter les besoins et les temps d’intimité des jeunes ;

– Adopter vis-à-vis de chacun des jeunes une posture d’écoute bienveillante, sécurisante, sans jugement moral ;

– Adapter les messages de prévention au niveau de maturité de chacun des jeunes. Situer leur niveau de connaissances et apporter, si nécessaire, des informations précises et objectives ;

– Partager en équipe les situations problématiques et orienter, si nécessaire, les jeunes vers des spécialistes de l’éducation affective et sexuelle, ou vers des professionnels du soin selon les cas ;

– Ne pas agir dans l’urgence, sauf en cas d’évènement grave pour protéger des mineurs ;

– Savoir rester discret par rapport aux informations relevant de la vie intime ou privée des mineurs accueillis. L’accord du jeune devra être recherché dans tous les cas de transmission;

– Informer les autorités judiciaires en cas de connaissance de faits délictueux ou criminels…

Tous les spécialistes insistent, il n’est pas indispensable de ne pas tomber amoureux durant ses vacances et ses amours d’été ne sont pas à rechercher à tout prix. Mais ils existent et doivent être des situations heureuses et épanouissantes qui aident les jeunes se construire affectivement et socialement. Autant donc qu’ils soient vécus au mieux par toutes et tous et donc accompagnés.

C’est la garantie d’un bel été pour chacune et chacun. En un mot : des amours de vacances !

 

Denis ADAM, le 3 août 2016