La réussite des étudiantes et étudiants inscrits en licence
L’enjeu pour les universités est d’accompagner vers la réussite au diplôme le plus grand nombre d’étudiantes et étudiants et de leur permettre de devenir des citoyens responsables et des professionnels accomplis. Ainsi, et afin d’objectiver le fonctionnement de ces formations, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) présente, tous les ans, les statistiques[1] des cohortes d’étudiants qui concernent leur parcours et le taux d’obtention du diplôme (en 3 ou 4 ans) mais aussi, leur catégorie socioprofessionnelle, leur baccalauréat d’origine, leur répartition genrée, etc.
Cette compilation de données et statistiques est utile et doit être regardée avec intérêt. Cependant, il convient de le faire en conservant du recul et en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques de l’enseignement supérieur français pour ne pas tirer des conclusions hâtives, voire délétères. Nous rappelons donc ici, notamment, que les licence universitaires sont, sauf cas très particuliers, les formations les moins bien dotées de l’enseignement supérieur[2] ; qu’elles ne sont pas sélectives et se retrouvent être malheureusement encore souvent un choix par défaut de nombreux néo-bacheliers ; qu’elles accueillent des jeunes en difficultés scolaires et sociales[3] avec peu de moyens pour les accompagner ; que certaines mentions reposent sur des disciplines complètement inédites pour les nouveaux bacheliers.
Combien d’inscrits obtiennent un diplôme : résultats de la session 2021 (cohorte 2017)
Ces nouvelles statistiques parues portent sur le parcours des étudiantes et étudiants qui ont intégré une licence en 2017. Sur le premier graphique sont ainsi représentées les évolutions globales (gauche) et genrées (droite) de la réussite en 3 et 4 ans pour l’ensemble des inscrits des cohortes de 2009 à 2017.
On observe que la réussite en 3 ans augmente faiblement mais régulièrement depuis 2009 pour atteindre 32,4% ; il en va de même pour celle en 4 ans qui atteint pratiquement 46% pour la dernière session. L’augmentation plus marquée de la réussite pour cette dernière session est, pour le ministère, en partie corrélée à la pandémie et ses conséquences en 2019. Cependant, de notre côté, nous pouvons douter d’un effet “positif” sur la réussite du premier confinement, autrement dit, douter qu’il y ait eu une baisse d’exigence dans le contexte sanitaire d’alors, car nous n’observons pas de saut sur la réussite en 3 ans de la cohorte de 2016. Cette progression de la réussite semble donc bien structurelle et devra être confirmée l’an prochain pour définitivement évacuer les aspects conjoncturels.
Si l’on note bien cette évolution positive de la réussite, il faut tout de même relativiser celle-ci vis-à-vis des objectifs souhaités pour notre jeunesse. Moins d’un inscrit sur deux réussit à obtenir sa licence en 4 ans, c’est trop peu. L’État doit donner à ses opérateurs et ses agents les moyens d’accompagner vers la réussite le maximum d’étudiantes et d’étudiants pour ne pas voir plus de la moitié des inscrits ne pas obtenir de diplôme. En aucun cas, l’amélioration du taux de diplomation ne doit conduire à une baisse des exigences de la Licence, mais au travers de taux d’encadrements plus favorables, de parcours de remédiation et de compléments pédagogiques pour les étudiants les plus en difficultés, de suivis davantage personnalisés, etc. Les graphiques à droite montrent les taux de réussite par genre. On constate que les étudiantes réussissent beaucoup mieux que les étudiants. Ainsi, un peu plus de 51% d’entre elles obtiennent un diplôme de licence en 4 ans, soit près de 6 points de plus que la moyenne et plus de 13 points de plus que les hommes. Cette différence entre les genres est considérable et la réussite en 3 ans des étudiantes est pratiquement celle des étudiants en 4 ans.
Influence de la classe sociale et du type de baccalauréat sur la réussite des étudiants
Les données produites par le ministère permettent également de mesurer l’influence de la classe sociale et de la mention du baccalauréat (avant sa dernière réforme) sur la réussite des étudiantes et étudiants. Le second graphique permet d’illustrer ces statistiques.
Il saute aux yeux que la catégorie sociale est déterminante dans la réussite des étudiants. La catégorie « très favorisée » approche les 55% de réussite au diplôme en 4 ans, contre moins de 38% pour les inscrits qui sont issus d’un milieu social défavorisé. Or, comme le montre la répartition des inscrits par catégorie sociale, il y a peu ou prou autant d’étudiantes et d’étudiants appartenant à la catégorie très favorisée que défavorisée. La France peine là encore à compenser les inégalités sociales et à permettre à nos jeunes concitoyens de s’affranchir de leur milieu d’origine.
La réussite des inscrits en licence est également très fortement corrélée à la mention du baccalauréat qu’ils ont obtenu. Ainsi, lorsqu’ils existaient encore, les étudiants disposant d’un baccalauréat général : littéraire, économique et scientifique réussissent en moyenne 3 fois plus que ceux ayant obtenu un baccalauréat technologique ou professionnel. Cependant, il est à noter que les bacheliers des mentions technologique ou professionnelle sont bien moins présents en licence que ceux issus d’un baccalauréat général. Malgré cela, les universités devraient être dotée des moyens suffisants pour accompagner ces jeunes, d’autant plus que certains doivent cumuler les difficultés sociales à celles scolaires.
Que peut-on en conclure ?
En 2007, les pouvoirs publics annonçaient la mise en œuvre du Plan réussite en licence (PRL) pour donner plus de moyens aux universités et améliorer le taux de réussite des étudiants via des programmes d’accompagnement. Le PRL avait des objectifs très ambitieux : diviser par deux le taux d’échec en première année de licence en 5 ans ; atteindre l’objectif de 50 % d’une classe d’âge au niveau licence en 2012 (stratégie de Lisbonne) ; faire de la licence un diplôme professionnel. Les résultats de ce plan ne furent pas significatifs et même décevants[4] en partie car, dans un contexte de rigueur budgétaire accentuée par l’autonomie financière des universités qui se déployait au même moment, les fonds alloués par le PRL ont été attribués de manière limitée aux objectifs assignés[5]. En 2018, une nouvelle loi est votée avec pratiquement les mêmes objectifs : la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dites loi ORE[6]. Cette loi était porteuse de moyens supplémentaires et visait également, notamment par l’introduction de parcoursup, d’heures dédiées en terminale, d’un deuxième professeur principal, à une meilleure orientation des néo-bacheliers.
Comme nous venons de le voir au travers des dernières données relatives à la réussite étudiante, les attentes demeurent et notre enseignement supérieur n’arrive pas à faire croître de manière significative la part des inscrits qui obtiennent leur diplôme de licence en 4 ans. L’année prochaine, les statistiques de réussite porteront sur les premières cohortes rentrées après la promulgation de la loi ORE. Ces données sont donc très attendues afin de mesurer si les choix et les moyens soutenus par cette loi sont adaptés et ont des effets significatifs sur la réussite des étudiantes et étudiants. Il est malheureusement à craindre que cela reste marginal tant les problématiques structurelles de financement, d’encadrement, d’orientation et de lien entre le pré- et post-bac ne sont que très partiellement traitées par la loi ORE.