La refondation ou la régression : une fable ?

C’est la fable d’Ésope « Le Pêcheur et le Picarel », qui a inspiré Jean de La Fontaine pour « Le Petit Poisson et le Pêcheur » (livre V – fable 3, 1668), fable qui se termine par cette célèbre morale : « Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras (L’un est sûr, l’autre ne l’est pas) ». L’auteur grec, lui, terminait son récit par cette affirmation : « je serais un sot de lâcher le butin que j’ai dans la main, pour compter sur le butin à venir, si grand qu’il soit. »

S’il s’agissait aujourd’hui d’écrire sur l’Education, l’incertitude sur les projets d’avenir pourrait  être levée sans souci. En effet, si l’on connaît la philosophie, les principes et les premières mesures de la loi de Refondation de l’école de la République actuellement en œuvre, on en sait davantage également sur les politiques éducatives alternatives qui ne manqueront pas d’être appliquées en cas de changement de majorité présidentielle.

Après les déclarations de l’UDI et la lettre du Front national aux enseignants de collège, c’est au tour du Sénat de donner son avis sur la mission éducative. Sous la plume du démissionnaire du conseil supérieur des programmes Jacques Grosperrin, l’assemblée, qui prouve une fois de plus qu’elle est une institution d’un autre âge, envisage de « faire revenir la République à l’Ecole » [Rapport n° 590 (2014-2015) de M. Jacques GROSPERRIN, fait au nom de la CE Service public de l’éducation, déposé le 1er juillet 2015]. Le rapport, après un constat alarmiste, même s’il n’est pas entièrement dénué de fondements, fait 20 propositions qui ne pourront que rappeler des souvenirs scolaires (et pas forcément les meilleurs) aux plus anciens.

Florilège : Sacralisation de l’école, code de déontologie / serment d’entrée en fonction / signature du règlement intérieur de l’établissement pour les enseignants, port d’une tenue d’établissement, recentrage du programme de l’histoire de France et de sa chronologie autour du récit national, rappel en début de semaine par le chef d’établissement ou l’enseignant des valeurs citoyennes autour de sujets d’actualité… et bouquet final : Meilleur contrôle du Parlement sur les choix stratégiques en matière d’enseignement.

Voici donc le retour des recettes d’hier et d’avant hier pour l’Ecole de demain.

On peut certes mégoter sur les réformes en cours. Trouver qu’elles ne sont pas assez ceci ou trop cela… Certains ne s’en sont pas privés et gageons qu’ils s’agiteront à nouveaux à la rentrée. Il ne faudrait pourtant pas perdre de vue que le risque serait de « lâcher la proie pour l’ombre ». Combattre l’évolution éducative vers une école de la réussite, plus juste et plus bienveillante, c’est faire le jeu de ceux qui rêvent de revenir à l’enseignement des années 1950 avec phrase de morale quotidienne au tableau, études courtes pour la plupart et lycée élitiste pour une petite minorité privilégiée. Nul ne peut ignorer ce que contiennent les projets d’alternance éducative. En ce domaine, quitter aujourd’hui le certain, conduit à avoir demain un certain bien pire.

Est-ce à dire qu’il faudrait accepter chaque réforme pour argent comptant. Certes non. Participer à la refondation de l’Education, c’est faire des propositions, c’est améliorer ce qui est proposé, c’est faire progresser le projet. S’inscrire dans une opposition systématique c’est renoncer, choisir le statut quo qui tôt ou tard se transformera en retour en arrière. Ne dit-on pas que « qui n’avance pas recule ».

Entre refondation et régression : ce n’est pas uniquement une fable. A lire les projets de régression éducative qui sont portés par ceux qui –hier, au pouvoir- n’ont eu de cesse de détruire l’Education, on se dit qu’il serait effectivement « sot de lâcher le butin » d’aujourd’hui « pour compter sur le butin à venir », d’autant qu’il ne sera qu’un grand retour en arrière.

 

Denis ADAM, le 22 juillet 2015
 

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C’est la fable d’Ésope « Le Pêcheur et le Picarel », qui a inspiré Jean de La Fontaine pour « Le Petit Poisson et le Pêcheur » (livre V – fable 3, 1668), fable qui se termine par cette célèbre morale : « Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras (L’un est sûr, l’autre ne l’est pas) ». L’auteur grec, lui, terminait son récit par cette affirmation : « je serais un sot de lâcher le butin que j’ai dans la main, pour compter sur le butin à venir, si grand qu’il soit. »

S’il s’agissait aujourd’hui d’écrire sur l’Education, l’incertitude sur les projets d’avenir pourrait  être levée sans souci. En effet, si l’on connaît la philosophie, les principes et les premières mesures de la loi de Refondation de l’école de la République actuellement en œuvre, on en sait davantage également sur les politiques éducatives alternatives qui ne manqueront pas d’être appliquées en cas de changement de majorité présidentielle.

Après les déclarations de l’UDI et la lettre du Front national aux enseignants de collège, c’est au tour du Sénat de donner son avis sur la mission éducative. Sous la plume du démissionnaire du conseil supérieur des programmes Jacques Grosperrin, l’assemblée, qui prouve une fois de plus qu’elle est une institution d’un autre âge, envisage de « faire revenir la République à l’Ecole » [Rapport n° 590 (2014-2015) de M. Jacques GROSPERRIN, fait au nom de la CE Service public de l’éducation, déposé le 1er juillet 2015]. Le rapport, après un constat alarmiste, même s’il n’est pas entièrement dénué de fondements, fait 20 propositions qui ne pourront que rappeler des souvenirs scolaires (et pas forcément les meilleurs) aux plus anciens.

Florilège : Sacralisation de l’école, code de déontologie / serment d’entrée en fonction / signature du règlement intérieur de l’établissement pour les enseignants, port d’une tenue d’établissement, recentrage du programme de l’histoire de France et de sa chronologie autour du récit national, rappel en début de semaine par le chef d’établissement ou l’enseignant des valeurs citoyennes autour de sujets d’actualité… et bouquet final : Meilleur contrôle du Parlement sur les choix stratégiques en matière d’enseignement.

Voici donc le retour des recettes d’hier et d’avant hier pour l’Ecole de demain.

On peut certes mégoter sur les réformes en cours. Trouver qu’elles ne sont pas assez ceci ou trop cela… Certains ne s’en sont pas privés et gageons qu’ils s’agiteront à nouveaux à la rentrée. Il ne faudrait pourtant pas perdre de vue que le risque serait de « lâcher la proie pour l’ombre ». Combattre l’évolution éducative vers une école de la réussite, plus juste et plus bienveillante, c’est faire le jeu de ceux qui rêvent de revenir à l’enseignement des années 1950 avec phrase de morale quotidienne au tableau, études courtes pour la plupart et lycée élitiste pour une petite minorité privilégiée. Nul ne peut ignorer ce que contiennent les projets d’alternance éducative. En ce domaine, quitter aujourd’hui le certain, conduit à avoir demain un certain bien pire.

Est-ce à dire qu’il faudrait accepter chaque réforme pour argent comptant. Certes non. Participer à la refondation de l’Education, c’est faire des propositions, c’est améliorer ce qui est proposé, c’est faire progresser le projet. S’inscrire dans une opposition systématique c’est renoncer, choisir le statut quo qui tôt ou tard se transformera en retour en arrière. Ne dit-on pas que « qui n’avance pas recule ».

Entre refondation et régression : ce n’est pas uniquement une fable. A lire les projets de régression éducative qui sont portés par ceux qui –hier, au pouvoir- n’ont eu de cesse de détruire l’Education, on se dit qu’il serait effectivement « sot de lâcher le butin » d’aujourd’hui « pour compter sur le butin à venir », d’autant qu’il ne sera qu’un grand retour en arrière.

 

Denis ADAM, le 22 juillet 2015