La grande pauvreté est (aussi) une question éducative

Demain sortira le « Regards sur l’éducation 2016 », publié par l’OCDE. Nous n’en connaissons pas encore les résultats spécifiques pour la France. Mais nous savons que ces dernières années, à l’instar d’autres, le rapport de l’OCDE a mis en évidence le fait que l’Ecole de la République ne réussit pas à réduire les inégalités. Pire, qu’elle creuse les écarts. Malgré la refondation, dont il est trop tôt pour mesurer des résultats, le risque est grand que le rapport de cette année le confirme.

Demain sortira le « Regards sur l’éducation 2016 », publié par l’OCDE. Nous n’en connaissons pas encore les résultats spécifiques pour la France. Mais nous savons que ces dernières années, à l’instar d’autres, le rapport de l’OCDE a mis en évidence le fait que l’Ecole de la République ne réussit pas à réduire les inégalités. Pire, qu’elle creuse les écarts. Malgré la refondation, dont il est trop tôt pour mesurer des résultats, le risque est grand que le rapport de cette année le confirme.

Sans provocation et bien que la question soit dérangeante, on peut légitimement se demander si il est possible d’être pauvre et de réussir à l’école en France.

L’an dernier, les travaux conduits par Marie-Aleth Grard, d’ATD Quart Monde, dans le cadre du CESE et par Jean-Paul Delahaye, auteur du rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire », ont mis en évidence que cette interrogation n’est pas marginale. Car si -bien entendu et heureusement- un enfant pauvre peut réussir son parcours scolaire, parmi les élèves en échec, une majorité sont issus d’un milieu pauvre ou très pauvre.

Pourquoi ?

Les raisons sont multiples et chacun peut s’en faire une idée. Parfois une idée très juste, lorsqu’on connait les conditions de vie des familles pauvres et donc des enfants : manque de ressources, problème d’hébergement, difficultés d’accompagnement… (et la liste pourrait être longue).

Certains clichés ont néanmoins aussi la vie dure. Non, les parents pauvres ne se désintéressent pas de l’éducation de leurs enfants. Non, pour la plupart, ils ne sont pas démissionnaires. Mais, effectivement, les grandes difficultés qu’ils rencontrent les fragilisent et leur relation aux structures éducatives -et particulièrement à l’école- reste souvent compliquée.

Sans minimiser l’ensemble des problèmes réels induits par la précarité économique et financière, il est impératif également de prendre en compte le très fréquent éloignement des familles pauvres de la culture scolaire et leur méconnaissance des attendus et des implicites éducatifs.

Combien encore d’exercices proposés en classe mettent en scène un quotidien totalement éloigné de la réalité des élèves les plus pauvres (faire le dessin de sa maison, calculer le budget loisirs d’une famille ou faire le récit de vacances ou de voyage).

De manière moins visible, de nombreux éléments d’apprentissages et de connaissances sont attendus par le système scolaire sans forcément être explicités. Pour les élèves issus des milieux culturellement proches de l’école, ces implicites sont déjà acquis ou peuvent être décryptés par la famille. Pour les enfants issus des milieux les plus éloignés de la culture scolaire –ce qui est souvent le cas des familles les plus pauvres- rien ne permet ce décryptage. Les évaluations apparaissent alors comme des sanctions, distinguant non pas les progrès de chacun, mais l’adéquation ou non des uns ou des autres aux attendus scolaires.

Considérer que chaque enfant est éducable et qu’il a le droit à la réussite impose que l’ensemble des acteurs éducatifs soient mobilisés et donc formés et accompagnés, pour prendre en compte les enfants pauvres comme une priorité.

Seule une Éducation réellement inclusive le permettra. Parce qu’elle prendra en considération les plus démunis. En les faisant réussir, elle fera également réussir tous les autres. En mobilisant l’ensemble des personnels éducatifs, elle confortera une communauté éducative davantage efficace. En se rapprochant des familles, elle construira une réelle coéducation.

L’Ecole peut dire, en paraphrasant une parole qui déjà concernait les plus pauvres « ce n’est pas vraiment ma faute », mais il lui faut prendre conscience que « ça le deviendrait si elle ne faisait rien ».

 

Denis Adam, le 14 septembre 2016

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Demain sortira le « Regards sur l’éducation 2016 », publié par l’OCDE. Nous n’en connaissons pas encore les résultats spécifiques pour la France. Mais nous savons que ces dernières années, à l’instar d’autres, le rapport de l’OCDE a mis en évidence le fait que l’Ecole de la République ne réussit pas à réduire les inégalités. Pire, qu’elle creuse les écarts. Malgré la refondation, dont il est trop tôt pour mesurer des résultats, le risque est grand que le rapport de cette année le confirme.

Sans provocation et bien que la question soit dérangeante, on peut légitimement se demander si il est possible d’être pauvre et de réussir à l’école en France.

L’an dernier, les travaux conduits par Marie-Aleth Grard, d’ATD Quart Monde, dans le cadre du CESE et par Jean-Paul Delahaye, auteur du rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire », ont mis en évidence que cette interrogation n’est pas marginale. Car si -bien entendu et heureusement- un enfant pauvre peut réussir son parcours scolaire, parmi les élèves en échec, une majorité sont issus d’un milieu pauvre ou très pauvre.

Pourquoi ?

Les raisons sont multiples et chacun peut s’en faire une idée. Parfois une idée très juste, lorsqu’on connait les conditions de vie des familles pauvres et donc des enfants : manque de ressources, problème d’hébergement, difficultés d’accompagnement… (et la liste pourrait être longue).

Certains clichés ont néanmoins aussi la vie dure. Non, les parents pauvres ne se désintéressent pas de l’éducation de leurs enfants. Non, pour la plupart, ils ne sont pas démissionnaires. Mais, effectivement, les grandes difficultés qu’ils rencontrent les fragilisent et leur relation aux structures éducatives -et particulièrement à l’école- reste souvent compliquée.

Sans minimiser l’ensemble des problèmes réels induits par la précarité économique et financière, il est impératif également de prendre en compte le très fréquent éloignement des familles pauvres de la culture scolaire et leur méconnaissance des attendus et des implicites éducatifs.

Combien encore d’exercices proposés en classe mettent en scène un quotidien totalement éloigné de la réalité des élèves les plus pauvres (faire le dessin de sa maison, calculer le budget loisirs d’une famille ou faire le récit de vacances ou de voyage).

De manière moins visible, de nombreux éléments d’apprentissages et de connaissances sont attendus par le système scolaire sans forcément être explicités. Pour les élèves issus des milieux culturellement proches de l’école, ces implicites sont déjà acquis ou peuvent être décryptés par la famille. Pour les enfants issus des milieux les plus éloignés de la culture scolaire –ce qui est souvent le cas des familles les plus pauvres- rien ne permet ce décryptage. Les évaluations apparaissent alors comme des sanctions, distinguant non pas les progrès de chacun, mais l’adéquation ou non des uns ou des autres aux attendus scolaires.

Considérer que chaque enfant est éducable et qu’il a le droit à la réussite impose que l’ensemble des acteurs éducatifs soient mobilisés et donc formés et accompagnés, pour prendre en compte les enfants pauvres comme une priorité.

Seule une Éducation réellement inclusive le permettra. Parce qu’elle prendra en considération les plus démunis. En les faisant réussir, elle fera également réussir tous les autres. En mobilisant l’ensemble des personnels éducatifs, elle confortera une communauté éducative davantage efficace. En se rapprochant des familles, elle construira une réelle coéducation.

L’Ecole peut dire, en paraphrasant une parole qui déjà concernait les plus pauvres « ce n’est pas vraiment ma faute », mais il lui faut prendre conscience que « ça le deviendrait si elle ne faisait rien ».

 

Denis Adam, le 14 septembre 2016