Jamais sans le peuple

On trouvera de nombreuses bonnes raisons pour justifier le choix des Britanniques de quitter l’Europe. L’essentiel se résume pourtant à une seule évidence –malgré l’illusion que peut donner le référendum- les politiques se mènent aujourd’hui sans le peuple et donc contre lui.

On trouvera de nombreuses bonnes raisons pour justifier le choix des Britanniques de quitter l’Europe. L’essentiel se résume pourtant à une seule évidence –malgré l’illusion que peut donner le référendum- les politiques se mènent aujourd’hui sans le peuple et donc contre lui.

L’absence de rêve

Né (l’année de sa mort) dans la région de Robert Schumann, j’ai le plus souvent vécu à proximité de pays voisins.

En Lorraine, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique constituait notre environnement proche et seuls les postes frontières nous rappelaient à chaque passage que nous avions changé de pays. Que de progrès le jour où les barrières sont restées ouvertes et où les douaniers se sont retirés. Un rêve se réalisait. Celui de passer naturellement chez nos voisins et se sentir un peu plus chez nous chez eux.

Dans les Alpes, mes voisins sont désormais la Suisse et l’Italie. Et si Genève est moins loin (géographiquement), Aoste nous est plus proche. On y vit avec les mêmes euros, alors qu’il me faut toujours avoir quelques francs suisses, au-moins pour le parcmètre de nos amis helvètes (qui n’appartiennent pas totalement à notre « communauté »). La même monnaie. Un autre rêve pour faire de l’Europe un véritable « chez nous » commun.

Quel nouveau rêve est aujourd’hui offert aux habitants de l’Europe ?

L’affirmation d’une vie meilleure grâce à une alliance économique renforcée ? Chacun a en tête les mésaventures de la Grèce et l’imposition –par l’Europe entre autres- d’une politique de rigueur qui a essentiellement touchée les gens du peuple (mais ni les armateurs, ni l’église orthodoxe).

L’assurance de plus de sécurité ? Alors qu’il est si difficile de lutter contre le terrorisme fanatisé et que la coopération policière a montré ses limites, de manière très récente entre la France et la Belgique par exemple.

Lorsque l’Europe ne fait plus rêver, elle se résume à une multiplication de traités, de normes, de contraintes qu’il est facile de dénoncer, à tort ou à raison, comme cause à toutes les difficultés que vivent les gens au quotidien. Surtout dans une société qui vit, de crises en crises, une profonde mutation.

 

Le populisme contre le peuple
 

Mettre en évidence les seuls mauvais côtés des multiples injonctions européennes sans l’équilibrer par les apports de l’appartenance à l’Europe, c’est justement la démarche sur laquelle joue tous les partis populistes de droite comme de gauche, volontairement eurosceptiques.

L’exemple britannique qui vient de se conclure est à ce sens révélateur. Ainsi, parmi des arguments importants développés par les partisans de la sortie de l’Europe, il y avait l’idée que les 350 millions dus chaque semaine par la Grande-Bretagne à la communauté européenne, pourraient être utilisés pour développer la sécurité sociale des Britanniques. Promesse d’hier qui aujourd’hui déjà est remise en cause. D’abord parce que la somme a largement été surestimée et que c’est moins de la moitié qui est effectivement versée. Ensuite, parce que la disparition (probable) des avantages liés à l’appartenance à la communauté européenne –en particulier de l’absence de taxes douanières- va engendrer des coûts supplémentaires. Enfin, parce qu’aucun potentiel futur premier ministre britannique issu des rangs des pro-Brexit, ne souhaite s’engager dans un développement d’une sécurité sociale accrue pour tous.

On pourrait démontrer la même chose dans tous les pays de l’Europe. En France, les partis qui militent pour la sortie de l’Europe surfent sur des affirmations parfois fausses, les plus souvent incomplètes, tronquées ou orientées, sans jamais montrer quelles seraient les premières victimes d’une telle décision.

 

Le peuple, première victime et seule solution
 

Car ne nous leurrons pas. S’il y a un coût à la sortie de l’Europe – et il y en aura forcément un- il sera, au bout du compte, payé par les gens du peuple. Les puissants, les riches banquiers et hommes d’affaires britanniques ont deux ans pour négocier au mieux des accords en leur faveur. S’ils n’y parviennent pas, ils quitteront la city et s’installeront ailleurs : le monde est leur terrain de jeu. La sanction s’abattra donc sur ceux qui sont contraints de rester, ceux qui n’ont ni fortune, ni résidences ailleurs dans le monde…
C’est pourtant dans le peuple, dans le peuple de l’Europe que réside la solution.

Le rêve de l’Europe. Son rêve initial, fondateur, primordial. Son rêve essentiel c’était la paix.

Au sortir de deux guerres mondiales c’était le rêve de tous les peuples et particulièrement de ceux d’Europe.
Pourquoi pas alors passer par une régulation économique –commencée avec le charbon et l’acier- si elle pouvait poser les bases d’une paix durable entre voisins progressivement prêts à se réconcilier pour s’assurer un « plus jamais ça ».

Ce rêve de paix n’aurait peut-être pas obtenu une majorité dans un référendum populaire tant les rancœurs étaient encore fortes, mais il y eu alors le courage politique de traduire en acte ce que le peuple désirait et dont il avait le plus besoin.

Où est aujourd’hui cette vision qui traduit en acte politiques forts, les aspirations les plus profondes du peuple européen ?

L’Europe politique, dans le sens d’une vision globale qui permet à tous les Européens de mieux vivre ensemble, n’a aucune concrétisation.
L’Europe sociale qui permettrait de donner sens à une appartenance à un même peuple, à une même citoyenneté européenne, n’existe pas
.


L’Europe ne fait plus rêver. Le peuple européen n’exprime plus de rêve pour l’Europe.
Là est la panne.
Et là est le seul levier pour redonner un avenir : il faut réinventer un rêve à l’Europe, recréer un rêve populaire d’Europe.

 

Denis ADAM, le 25 juin 2016

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On trouvera de nombreuses bonnes raisons pour justifier le choix des Britanniques de quitter l’Europe. L’essentiel se résume pourtant à une seule évidence –malgré l’illusion que peut donner le référendum- les politiques se mènent aujourd’hui sans le peuple et donc contre lui.

L’absence de rêve

Né (l’année de sa mort) dans la région de Robert Schumann, j’ai le plus souvent vécu à proximité de pays voisins.

En Lorraine, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique constituait notre environnement proche et seuls les postes frontières nous rappelaient à chaque passage que nous avions changé de pays. Que de progrès le jour où les barrières sont restées ouvertes et où les douaniers se sont retirés. Un rêve se réalisait. Celui de passer naturellement chez nos voisins et se sentir un peu plus chez nous chez eux.

Dans les Alpes, mes voisins sont désormais la Suisse et l’Italie. Et si Genève est moins loin (géographiquement), Aoste nous est plus proche. On y vit avec les mêmes euros, alors qu’il me faut toujours avoir quelques francs suisses, au-moins pour le parcmètre de nos amis helvètes (qui n’appartiennent pas totalement à notre « communauté »). La même monnaie. Un autre rêve pour faire de l’Europe un véritable « chez nous » commun.

Quel nouveau rêve est aujourd’hui offert aux habitants de l’Europe ?

L’affirmation d’une vie meilleure grâce à une alliance économique renforcée ? Chacun a en tête les mésaventures de la Grèce et l’imposition –par l’Europe entre autres- d’une politique de rigueur qui a essentiellement touchée les gens du peuple (mais ni les armateurs, ni l’église orthodoxe).

L’assurance de plus de sécurité ? Alors qu’il est si difficile de lutter contre le terrorisme fanatisé et que la coopération policière a montré ses limites, de manière très récente entre la France et la Belgique par exemple.

Lorsque l’Europe ne fait plus rêver, elle se résume à une multiplication de traités, de normes, de contraintes qu’il est facile de dénoncer, à tort ou à raison, comme cause à toutes les difficultés que vivent les gens au quotidien. Surtout dans une société qui vit, de crises en crises, une profonde mutation.

 

Le populisme contre le peuple
 

Mettre en évidence les seuls mauvais côtés des multiples injonctions européennes sans l’équilibrer par les apports de l’appartenance à l’Europe, c’est justement la démarche sur laquelle joue tous les partis populistes de droite comme de gauche, volontairement eurosceptiques.

L’exemple britannique qui vient de se conclure est à ce sens révélateur. Ainsi, parmi des arguments importants développés par les partisans de la sortie de l’Europe, il y avait l’idée que les 350 millions dus chaque semaine par la Grande-Bretagne à la communauté européenne, pourraient être utilisés pour développer la sécurité sociale des Britanniques. Promesse d’hier qui aujourd’hui déjà est remise en cause. D’abord parce que la somme a largement été surestimée et que c’est moins de la moitié qui est effectivement versée. Ensuite, parce que la disparition (probable) des avantages liés à l’appartenance à la communauté européenne –en particulier de l’absence de taxes douanières- va engendrer des coûts supplémentaires. Enfin, parce qu’aucun potentiel futur premier ministre britannique issu des rangs des pro-Brexit, ne souhaite s’engager dans un développement d’une sécurité sociale accrue pour tous.

On pourrait démontrer la même chose dans tous les pays de l’Europe. En France, les partis qui militent pour la sortie de l’Europe surfent sur des affirmations parfois fausses, les plus souvent incomplètes, tronquées ou orientées, sans jamais montrer quelles seraient les premières victimes d’une telle décision.

 

Le peuple, première victime et seule solution
 

Car ne nous leurrons pas. S’il y a un coût à la sortie de l’Europe – et il y en aura forcément un- il sera, au bout du compte, payé par les gens du peuple. Les puissants, les riches banquiers et hommes d’affaires britanniques ont deux ans pour négocier au mieux des accords en leur faveur. S’ils n’y parviennent pas, ils quitteront la city et s’installeront ailleurs : le monde est leur terrain de jeu. La sanction s’abattra donc sur ceux qui sont contraints de rester, ceux qui n’ont ni fortune, ni résidences ailleurs dans le monde…
C’est pourtant dans le peuple, dans le peuple de l’Europe que réside la solution.

Le rêve de l’Europe. Son rêve initial, fondateur, primordial. Son rêve essentiel c’était la paix.

Au sortir de deux guerres mondiales c’était le rêve de tous les peuples et particulièrement de ceux d’Europe.
Pourquoi pas alors passer par une régulation économique –commencée avec le charbon et l’acier- si elle pouvait poser les bases d’une paix durable entre voisins progressivement prêts à se réconcilier pour s’assurer un « plus jamais ça ».

Ce rêve de paix n’aurait peut-être pas obtenu une majorité dans un référendum populaire tant les rancœurs étaient encore fortes, mais il y eu alors le courage politique de traduire en acte ce que le peuple désirait et dont il avait le plus besoin.

Où est aujourd’hui cette vision qui traduit en acte politiques forts, les aspirations les plus profondes du peuple européen ?

L’Europe politique, dans le sens d’une vision globale qui permet à tous les Européens de mieux vivre ensemble, n’a aucune concrétisation.
L’Europe sociale qui permettrait de donner sens à une appartenance à un même peuple, à une même citoyenneté européenne, n’existe pas
.


L’Europe ne fait plus rêver. Le peuple européen n’exprime plus de rêve pour l’Europe.
Là est la panne.
Et là est le seul levier pour redonner un avenir : il faut réinventer un rêve à l’Europe, recréer un rêve populaire d’Europe.

 

Denis ADAM, le 25 juin 2016