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Inceste: Agir au plus vite

Après un an de recueil de témoignages, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) livre un premier rapport sur les conséquences extrêmes et durables de ces violences. Elle demande que ses préconisations soient mises en œuvre de façon urgente.

« Je le fais pour moi et pour que les enfants ne vivent pas ce que j’ai vécu» disent les  femmes et les hommes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. La CIIVISE a recueilli plus de 16000 témoignages en un an (par téléphone, courriel ou lors des réunions publiques). Une ampleur exceptionnelle qui montre à quel point les victimes attendaient l’opportunité de pourvoir exprimer leurs souffrances

La déflagration causée par le livre de Camille Kouchner La Familia grande ou le travail de la CIASE ((Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) sur la pédocriminalité dans l’Eglise, a montré l’ampleur du phénomène qui n’épargne aucun milieu social. Une personne sur 10 a déjà subi des violences sexuelles dans son enfance, soit 5,5 millions de victimes. 

Les victimes sont majoritairement de sexe féminin, à 88%. Elles ont pendant longtemps enfoui leur traumatisme faute d’écoute ou de soutien. Alors que la parole se libère, l’opinion publique et les gouvernant.es prennent conscience que l’inceste est un problème de santé publique.  La CIIVISE souhaite, par ce rapport, restituer la parole des victimes. A l’approche des discussions budgétaires au Parlement, elle insiste sur 5 préconisations parmi les 20 proposées dès mars 2022 dans ses conclusions intermédiaires. 

Des violences qui provoquent une extrême souffrance tout au long de la vie

« C’est l’histoire d’un crime qui a détruit mon enfance et ma vie d’adulte. » : un quart des victimes d’inceste le sont avant l’âge de 5 ans. Les témoignages recueillis soulignent à quel point les violences sexuelles marquent à vie. 

Les conséquences sont à la fois physiques et psychiques. 

Les victimes développent des conduite à risque : troubles alimentaires, problèmes d’addiction, tentatives de suicide, dépression, etc.

Bien que cet aspect reste peu documenté, la vie sexuelle ou affective est, elle aussi, touchée. La Commission précise que 3 victimes sur 10 ont des problèmes de libido (baisse ou absence) ou à l’inverse développent une hypersexualité (1 homme sur 2 et une femme sur 3). 

Ensuite, la vie familiale peut être perturbée. Des ruptures avec la famille suite à la découverte de l’inceste sont souvent évoquées. Cela peut affecter la maternité et plus généralement la parentalité. Difficultés voire refus d’être enceinte, hypervigilance, peur exacerbée, crainte de reproduire les violences sont aussi cités. « J’ai refusé la maternité et je ne l’ai jamais regretté car j’aurais eu tellement peur pour eux qu’ils n’auraient pas été heureux ! ». Tout cela déséquilibre les rapports familiaux. 

Enfin, le rapport montre qu’il y a des conséquences dans la vie professionnelle. Nombre de victimes interrompent leurs études ou leur carrière, à l’inverse d’autres surinvestissent l’école ou le travail .

Les cinq préconisations de la CIIVISE

« Organiser le repérage systématique des violences sexuelles auprès de tous les enfants par tous les professionnel.les. » Chaque année, 160000 enfants sont victimes de violences sexuelles, le plus souvent dans le cadre familial. Or ces violences sont tues, la parole des victimes mal entendue et les agresseurs bénéficient d’une certaine immunité. « L’urgence, c’est d’aller chercher ces enfants pour les mettre en sécurité (…) c’est donc avoir une attitude volontariste (…) ne pas attendre que l’enfant parle » mais plutôt « c’est lui permettre de révéler les violences en lui inspirant confiance» précise le rapport. Ce qui implique aussi de renforcer les moyens humains et de former les professionnel.les (médecins et infirmier.es scolaires, éducatrices et éducateurs notamment). 

« Créer une cellule nationale de conseil et de soutien pour les professionnel.les destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d’enfants ». Comme le souligne la Commission, la révélation de violences sexuelles peut « générer du stress pour l’adulte lui-même » or « les professionnel.les sont souvent isolé.es et auraient avantage à bénéficier de conseils et d’outils partagés lorsqu’ils et elles sont confronté.es à des situations d’enfants victimes de violences sexuelles, et notamment d’inceste ». 

« Doter les services de police judiciaire spécialisés dans la cyberpédocriminalité des moyens humains et matériels nécessaires. ». La France, l’un des pays européens les plus touchés par la cybercriminalité et ne compte que 30 enquêteurs et enquêtrices.

« Garantir des soins spécialisés en psychotrauma aux enfants victimes de violences sexuelles et aux adultes qu’ils deviennent. » Réparer les enfants, même devenus adultes, c’est d’abord les soigner. 

« Organiser une grande campagne nationale sur les violences sexuelles faites aux enfants (…) en rappelant que ce sont des actes interdits par la loi et sanctionné par le Code pénal ». La dernière campagne de prévention sur les violences sexuelles sur mineur.es , bien lointaine, date de 2002. 

L’UNSA Education soutient avec force le travail de la CIVIISE qui va se poursuivre jusqu’en novembre 2023. Les préconisations mises en avant dans ce rapport, permettraient enfin de briser le silence et le tabou qui entourent l’inceste. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, doit être pris en compte et devenir une cause dont se saisit la société entière et en particulier la communauté éducative. 

Le rapport intermédiaire de la CIIVISE 

Le Communiqué du SNASEN UNSA

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