Groupes Attal : le coup de grâce porté par l’inspection générale
On vous l’avait bien dit !
C’est la première chose que l’on a envie de dire à nos dirigeants à la lecture de ce rapport. Vient ensuite le sentiment amer, celui de n’être pas avoir été écouté par un ministre, trop occupé à entretenir sa courbe de popularité par des mesures populistes et simplistes ; celui d’un gâchis annoncé par tous les professionnels de l’éducation. Puis vient l’espoir d’être enfin entendu, après ce qui devrait être considéré comme une catastrophe industrielle à l’échelle du ministère de l’éducation nationale. L’étude de la DEPP à paraître sur le même sujet, devrait venir compléter la vision de ce dispositif qui est loin d’avoir été déployé partout, faute de moyens et à cause d’une précipitation qui confère au caprice. Mais revenons tout d’abord au contenu du rapport.
Les constats sont sévères sur les groupes tels qu’ils ont été déployés :
- La mesure a été mise en œuvre dans un climat tendu, marqué par une forte opposition des syndicats.
- Les changements de terminologie (« groupes de niveaux », puis « groupes de besoins », puis « groupes ») ont semé la confusion et affaibli la réflexion pédagogique.
- Un temps important a été consacré à l’organisation, au détriment de la réflexion pédagogique.
- Malgré une opposition de principe, de nombreux collèges ont instauré des groupes de niveaux.
- Les moyens donnés n’étant pas suffisants, les autres dispositifs en ont pâti.
- La confusion entre groupes de besoins et de niveaux a été amplifiée par un calendrier contraint et un travail par compétences inégalement maîtrisé.
- Les groupes ont peu évolué en cours d’année. Cela était souhaité tant par les élèves (stabilité relationnelle) que par les enseignants (organisation, lien pédagogique).
- Si la réduction des effectifs est perçue comme un point positif; par endroit, les groupes contenaient trop d’élèves perturbateurs. A d’autres, ils contenaient tous les élèves à besoins particuliers.
- Des tensions sont apparues dans le fonctionnement des établissements (difficultés dans la construction des emplois du temps, diminution du nombre de professeurs principaux en français et mathématiques, complexification des conseils de classe, fragilisation du remplacement de courte durée).
- La mesure a mis en lumière la grande difficulté scolaire, sans pour autant la résoudre.
- Les élèves les plus fragiles n’ont pas profité des bénéfices attendus.
- Il y a un risque accru de creusement des écarts de compétences et de difficulté au retour en classe entière en 4e. Le rapport parle d’une « dérive programmée des continents ».
Les 5 recommandations listées dans ce rapport, nous aurions pu les écrire.
En fait, nous les avions déjà écrites :
- Revenir sur l’organisation en groupe sur la totalité de l’horaire imposée en mathématiques et en français ;
- Inscrire toute politique d’évolution du collège sur le long terme en garantissant une stabilité et une approche systémique ;
- Renforcer l’autonomie des chefs d’établissement pour adapter les dispositifs au niveau local pour améliorer la réussite des plus fragiles ;
- Décliner, dans un document présenté au conseil d’administration de chaque collège, la stratégie locale de réussite des élèves ;
- Engager un vaste plan de formation initiale et continue des enseignants du second degré portant sur la gestion de la difficulté scolaire et de l’hétérogénéité.
Un bilan peu glorieux
Cela vient donc compléter un tableau bien peu reluisant des mesures du pseudo “choc des savoirs” abandonnées ou largement édulcorées dès leur mise en place (redoublement, prépa seconde, labellisation, brevet obligatoire). En basant les mesures sur le “bon sens” au lieu des apports de la science, le ministre s’inscrit dans une évolution sociétale qu’il faut combattre : celle ou une opinion vaut un fait. A écouter les flagorneurs qui l’entourent ou à vouloir servir son destin politique, il a oublié les professionnels et les chercheurs qui travaillent sur ces sujets. Le 5 décembre 2023, il a pris la parole pour montrer sa belle voix. Aujourd’hui, il apprend, sans doute un peu tard, que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
L’UNSA Éducation a combattu cette mesure des groupes de niveau depuis l’émergence de l’idée jusqu’à aujourd’hui. Elle a prévenu en amont l’administration de ses conséquences délétères et a fait des contre-propositions. Elle s’est mobilisée dans toutes les instances du dialogue social, dans la rue et a porté un recours juridique au Conseil d’État.
Pour aller plus loin sur le sujet :
Groupes en 6ème /5ème : le Conseil d’état donne raison à l’UNSA éducation
Abandon du choc des savoirs : il faut aller jusqu’au bout, l’École en a besoin
Fin des groupes Attal au collège : et après ?
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