Fin des groupes Attal au collège : et après ?
L’origine sociale détermine les résultats scolaires
L’ensemble de la profession refuse la mise en place de ces groupes mal pensés, mal financés, mis en place à la va vite et basés sur des sondages d’opinion. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Les différentes études récentes (de PISA ou de France Stratégies par exemple), confirment ce que nous savions déjà : c’est avant tout l’origine sociale qui détermine les résultats scolaires. Bien sûr, ce ne sont que des statistiques et certain.es sortent du lot. Il ne faut pourtant pas se leurrer, ce sont des « exceptions consolantes » qui servent, comme le disait Ferdinand Buisson, « à faire oublier l’injustice foncière qui reste la règle générale ».
Alors que faire ?
L’UNSA Éducation n’est pas seulement dans la dénonciation mais aussi force de proposition. Ainsi nous invitons nos décideurs à prendre en compte notre avis, mais aussi ceux d’expert.es reconnu.es internationalement comme Esther Duflo par exemple.
Celle-ci, prix Nobel et titulaire de la chaire “Pauvreté et politiques publiques” au Collège de France, organise dans ce même lieu un cycle de conférences dans le cadre du programme “Agir pour l’éducation”. Sa leçon inaugurale a eu lieu le 12 janvier 2024, en plein battage médiatique sur les groupes de niveau, et elle nous éclaire sur ce que pourrait être des groupes de besoins, bénéfiques à celles et ceux qui sont le plus en difficultés.
Approches expérimentales en éducation – Esther Duflo
Il est bien entendu impossible de résumer en quelques mots les résultats de plus de quinze ans de recherche et d’expérimentations. Cela étant dit, par contraste avec la réforme imposée à la hussarde cette année, quelques points sautent aux yeux et aux oreilles lorsque nous l’écoutons.
Certains enfants ont de grandes capacités concrètes dans une discipline mais ont des difficultés scolaires lorsque le formalisme est trop grand. Partant de ce constat, des résultats positifs sont mis en avant si :
- On se concentre sur ce que savent les enfants et pas ce qu’ils devraient savoir ;
- Quelques semaines par an, une heure par jour ou un jour par semaine, les enfants en difficultés ne sont plus dans leurs classes habituelles mais sont regroupés non par âge mais par niveau ;
- Le niveau de chacun est réévalué très régulièrement pour permettre aux enfants de progresser par paliers ;
- Du tutorat est mis en place pour accompagner ce dispositif ;
- L’ensemble doit rester souple dans son application et montre une plus grande efficacité si ce travail est réalisé pendant le temps scolaire.
Pour autant, ces mesures sont insuffisantes et doivent être couplées à une implication de tous les acteurs.
- En effet, si ce n’est pas le cas, les enseignants se retrouvent devant deux injonctions contradictoires : “faire le programme” et “faire progresser les élèves”.
- Le rôle des inspecteurs est ici essentiel pour faire passer un message clair et fixer un cap sans ambiguïté possible.
- Les enseignants doivent être accompagnés, soutenus et bien formés.
- C’est toute la chaîne hiérarchique qui doit aller dans le même sens, du ministère, jusqu’à l’enseignant dans sa classe.
On est loin de l’usine à gaz, de la pseudo souplesse du dispositif à l’œuvre actuellement : groupes constitués sur la totalité de l’horaire de maths et de français, toute l’année ou presque ; groupes censés être refait par trimestre (c’est trop long et beaucoup seront figés toute l’année) ; moyens lacunaires ne permettant en rien le tutorat et suffisamment de groupes réduits ; double injonction contradictoire entre programme et remédiation ; etc…
Les conclusions des travaux de recherche sont pourtant claires
Lorsque les regroupements sont “permanents”, les résultats scolaires ne s’améliorent pas ou sont moins bons qu’avant.
Les regroupements transitoires et flexibles, comme les groupes de besoin au sein de la classe, l’apprentissage en petits groupes coopératifs et le tutorat, font état de résultats plus encourageants.
Le gouvernement actuel sortira-t-il de l’impasse portée par le pseudo “choc des savoirs” ? Sera-t-il à l’écoute des professionnels et des scientifiques experts du sujet ? Ces deux dernières questions pourraient malheureusement être posées pour de nombreux autres sujets éducatifs d’actualités.
L’UNSA Education soutient la raison et la science contre la démagogie et le pseudo “bon sens”.