Analyses et décryptages

Giorgia Meloni au pouvoir depuis deux ans : Quel bilan pour l’école italienne ?

L'UNSA éducation travaille régulièrement avec d'autres syndicats de l'éducation à l'échelle européenne. Cette semaine, nous avons pu demander à Rossella Benedetti, responsable internationale de la fédération italienne UIL SCUOLA RUA et présidente du comité égalité du Comité Syndical Européen de l'éducation, ce qui se passait dans le domaine éducatif après l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni et d'un gouvernement mené par l'extrême-droite en alliance avec la droite, il y a 2 ans.

UNSA éducation : Quelle est l’actualité éducative en Italie pour cette rentrée scolaire ?

Rossella Benedetti : Comme d’habitude, à la fin de l’été, la rentrée scolaire est bousculée par les problèmes du recrutement des enseignants et du personnel non-enseignant qui travaille dans chaque école. Les établissements scolaires en Italie bénéficient de l’autonomie administrative et didactique. Les personnels avec un contrat permanent et les remplaçants annuels sont recrutés par le ministère de l’éducation nationale. Les remplacements de courte durée directement par les écoles, d’après une liste provinciale. Nous avons ici deux sortes des problèmes : les personnels recrutés de façon permanente ne suffisent pas et beaucoup de postes restent vides; l’algorithme utilisé pour recruter les remplaçants ne fonctionne pas comme il devrait et le ministère refuse de donner accès au code source des logiciels utilisés pour que les syndicats puissent donner leur avis et résoudre les problèmes. Pour donner quelques chiffres : en 2015, le nombre d’enseignants avec un contrat de remplacement était de moitié par rapport au chiffre de 2023. Un quart des enseignants en service en 2024 est précaire. Même problème pour les personnels non-enseignants.

La situation est encore plus grave pour les enseignants de soutien aux enfants en situation de handicap. L’inclusion est difficile. Or le ministre pense résoudre le problème de la qualité du service en proposant que les familles des enfants en situation de handicap valident et choisissent l’enseignant de soutien pour leur propre enfant. Entre-temps, la cour de justice européenne a condamné à nouveau l’Italie pour l’abus de contrats à temps déterminé pour le recrutement dans l’éducation publique. Même histoire pour le personnel non-enseignant qui, en outre, se trouve à faire face à des conditions de travail encore plus difficiles à cause de certains changements inclus dans la dernière convention collective, que seule la Federazione UILSCUOLA RUA a refusé de signer.

UE : Quel est l’avis de l’UIL Scuola Rua sur la dernière réforme éducative de Georgia Meloni qui concerne le comportement des élèves et leur évaluation notamment?

RB : Les incidents de violence contre les enseignants ou les élèves se multiplient dans nos écoles. Il existe déjà une législation qui sanctionne les actes de violence commis par des tiers à l’encontre du personnel scolaire. Cependant, ce nouveau projet de loi, dont nous pourrions soutenir les motivations car il vise à rétablir le respect au sein des écoles, ne nous semble pas utile en termes de réhabilitation pédagogique de l’élève responsable d’actes de violence au sein de l’école. Le temps passé à l’école pour les enfants qui se comportent mal serait prolongé, mais nous nous opposons à l’idée d’introduire dans les écoles des activités de « citoyenneté solidaire » en suspension du contexte scolaire auquel ils appartiennent. En effet, nous pensons qu’il n’est pas possible de prendre conscience de toutes les implications des erreurs, même graves dans certains cas, commises par les élèves, en dehors de l’école à laquelle ils appartiennent.

En bref , nous ne croyons pas à la punition comme fin en soi, ni à des mesures qui peuvent encourager l’abandon scolaire, mais il est nécessaire de réintroduire une culture du respect dans l’action pédagogique, en impliquant aussi et surtout les familles, la communauté et les élèves eux-mêmes, en commençant par le langage utilisé au quotidien. Cela ne pourra pas se faire si l’on continue à adopter des mesures d’austérité, à réduire le personnel, à augmenter le nombre d’élèves par classe et à manquer de ressources pour diversifier l’action pédagogique.

UE : Comment se passe le dialogue social avec le gouvernement et quelles mesures revendiquez-vous envers le gouvernement italien pour l’éducation?

RB : Les négociations avec le gouvernement pour les conventions collectives et pour les autres aspects de la profession n’ont pas été faciles depuis les années quatre-vingt dix, et c’est encore pire avec les gouvernements de droite. La dernière négociation a débuté avec un petit geste en concluant un accord pour une petite augmentation du salaire que le gouvernement précédent avait déjà prévue mais pas effectuée. Après ça, presque plus rien. Le ministre ne parle qu’avec les syndicats complaisants qui ont signé la convention collective qui vient d’expirer (on en négocie une tous les trois ans).

Les droits des travailleurs se réduisent de plus en plus, on continue à fermer des écoles et on réduit les postes d’enseignant et du personnel non-enseignant. Nous demandons de réintroduire dans la convention collective qu’on est en train discuter maintenant les droits supprimés dans les dernières années, d’éliminer les « blocs à la mutation annuelle », ainsi qu’une augmentation de salaire suffisant à compenser l’inflation de ces derniers années et enfin la titularisation des enseignants précaires, qui depuis des années garantissent le service dans les écoles publiques. Nous demandons aussi des procédures de recrutement plus efficaces tant pour les enseignants que pour les chefs d’établissement.

UE : Quel bilan pour l’école en général depuis l’arrivée au pouvoir de Georgia Meloni?

RB : Plutôt négatif avec notamment le renforcement des mouvements ultra-catholiques qui essaient d’empêcher tout discours à propos de la diversité ou des droits des femmes.

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