Fonctionnaires: le super CDD que promet Nicolas Sarkozy

Dans une interview exclusive donnée au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy annonce la couleur: poursuite des coupes dans les effectifs, rétablissement du jour de carence et, surtout, la précarité organisée et la création d'un «contrat de cinq ans se substituant à l'emploi statutaire dans la Fonction publique!

Dans une interview exclusive donnée au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy annonce la couleur: poursuite des coupes dans les effectifs, rétablissement du jour de carence et, surtout, la précarité organisée et la création d’un  » contrat de cinq ans se substituant à l’emploi statutaire dans la Fonction publique ! « 

Entre idéologie et revanche, les personnels de la Fonction publique doivent-ils s’étonner des «propositions» du récent candidat à la présidence de l’UMP ? Assurément non. Les propositions sont nettes et brutes… de décoffrage:

«Il faut revenir au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Aller plus loin serait prendre le risque de stériliser la pyramide des âges. Avec ce système nous avons supprimé 150 000 postes de fonctionnaires d’État en cinq ans ; personne n’avait jamais fait cela, mais il est vrai que, dans le même temps, les collectivités territoriales en ont créé autant! Il faut à l’avenir que cette mesure d’économie s’applique obligatoirement aux collectivités territoriales, et pour partie à l’hôpital. Sans doute, faudra-t-il modifier la Constitution, pour y parvenir.»

Ficher wikimedia commonsDans l’entretien, l’ancien président de la République (qui évoque «des enseignants bien formés» alors que sous son quinquennat, c’est la formation des maîtres qui avait été mise à la réforme comme on sait) est particulièrement clair sur un point: «Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y avait pas besoin des 60 000 enseignants supplémentaires décidés par la gauche depuis 2012.»

Mais c’est sur la question de la Fonction publique de carrière que ses annonces, déjà entendues ailleurs dans son propre camp (voir cet article), qu’il se montre explicite (juste avant de rappeler, manière de confirmer son état d’esprit, une autre proposition punitive):

«Je crois, en outre, utile la création d’un nouveau contrat de cinq ans dans la fonction publique parce que la France ne peut plus recruter systématiquement sous le statut des fonctionnaires à vie. Ce nouveau contrat ne s’appliquerait pas à tous les postes: les policiers ou les enseignants, par exemple, ne seraient pas concernés. Mais il existe de nombreux métiers dans les trois fonctions publiques qui pourraient utilement relever de ce nouveau régime. J’ajoute qu’il faudra rétablir le jour de carence dans la fonction publique afin de lutter contre l’absentéisme dans nos administrations.»

Ne revenons pas (c’est bien le cas de le dire) sur le jour de carence! Mais que signifierait ce CDD de cinq ans dont rêvait jadis le MEDEF? Un recrutement quinquennal non renouvelable car, au premier renouvellement, le CDI serait acquis de droit en application de la jurisprudence européenne!

Résultat: ou bien on aurait des fonctionnaires jetables, naturellement soucieux, dès leur recrutement, d’organiser leur reconversion ailleurs… ou bien on aurait des contractuels à durée indéterminée dont «l’emploi à vie» risquerait d’être aussi peu compromis que celui des fonctionnaires, sauf suppressions massives et brutales d’emplois. Ce serait là créer un climat de travail détestable dans les établissements et services où coexisteraient sans doute quatre «statuts»: les fonctionnaires plus anciens conservant cette qualité ou les agents encore recrutés par concours; les contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI), les CDD de cinq ans et, sans doute aussi, les CDD classiques pour un remplacement ou une mission de courte durée dans la limite de trois ans.

Bonjour l’efficacité ! bonjour l’organisation des services — notamment là où la technicité de l’emploi n’est pas liée seulement au niveau de qualification mais à l’expérience acquise. Dans un tel système, outre les abus (le recrutement par concours n’est pas arrivé par hasard dans la République), nombre de CDD de cinq ans, au moment où ils seraient opérationnels, mais parfois même avant de pouvoir atteindre un niveau d’expertise, devraient quitter leur emploi. Le jour où, notamment, les services administratifs et financiers, les ingénieurs et personnels techniques seront recrutés de la sorte, on se rendra compte — même si les enseignants échappent (provisoirement?) au dispositif — que, pour reprendre une expression de la nomenclature internationale, sans «personnels supports» il n’y a pas de service public qui puisse fonctionner efficacement.

Mais la continuité du service public pèse sans doute peu face à la volonté de s’engager en tribune sur des propos de café du commerce… mais des propos qui l’engagent pour l’avenir, et qui sont d’autant plus dangereux.


Complément (7 octobre 2014)

Revenons sur le «jour de carence» que Nicolas Sarkozy propose de rétablir. La publication du décret sur les arrêts maladie des fonctionnaires devrait, en toute logique, mettre un terme à tant de démagogie anti-fonctionnaires (Plus sur cet article du site). Tout arrêt maladie doit être justifié et justifiable. Le décret 2014-1133 du 3 octobre 2014 traite cette question et pour nous doit la régler définitivement, mais ne sous-estimons pas les effets d’une hargne démagogique qui fait des fonctionnaires les boucs émissaires des maux de la République.

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Dans une interview exclusive donnée au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy annonce la couleur: poursuite des coupes dans les effectifs, rétablissement du jour de carence et, surtout, la précarité organisée et la création d’un  » contrat de cinq ans se substituant à l’emploi statutaire dans la Fonction publique ! « 

Entre idéologie et revanche, les personnels de la Fonction publique doivent-ils s’étonner des «propositions» du récent candidat à la présidence de l’UMP ? Assurément non. Les propositions sont nettes et brutes… de décoffrage:

«Il faut revenir au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Aller plus loin serait prendre le risque de stériliser la pyramide des âges. Avec ce système nous avons supprimé 150 000 postes de fonctionnaires d’État en cinq ans ; personne n’avait jamais fait cela, mais il est vrai que, dans le même temps, les collectivités territoriales en ont créé autant! Il faut à l’avenir que cette mesure d’économie s’applique obligatoirement aux collectivités territoriales, et pour partie à l’hôpital. Sans doute, faudra-t-il modifier la Constitution, pour y parvenir.»

Ficher wikimedia commonsDans l’entretien, l’ancien président de la République (qui évoque «des enseignants bien formés» alors que sous son quinquennat, c’est la formation des maîtres qui avait été mise à la réforme comme on sait) est particulièrement clair sur un point: «Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y avait pas besoin des 60 000 enseignants supplémentaires décidés par la gauche depuis 2012.»

Mais c’est sur la question de la Fonction publique de carrière que ses annonces, déjà entendues ailleurs dans son propre camp (voir cet article), qu’il se montre explicite (juste avant de rappeler, manière de confirmer son état d’esprit, une autre proposition punitive):

«Je crois, en outre, utile la création d’un nouveau contrat de cinq ans dans la fonction publique parce que la France ne peut plus recruter systématiquement sous le statut des fonctionnaires à vie. Ce nouveau contrat ne s’appliquerait pas à tous les postes: les policiers ou les enseignants, par exemple, ne seraient pas concernés. Mais il existe de nombreux métiers dans les trois fonctions publiques qui pourraient utilement relever de ce nouveau régime. J’ajoute qu’il faudra rétablir le jour de carence dans la fonction publique afin de lutter contre l’absentéisme dans nos administrations.»

Ne revenons pas (c’est bien le cas de le dire) sur le jour de carence! Mais que signifierait ce CDD de cinq ans dont rêvait jadis le MEDEF? Un recrutement quinquennal non renouvelable car, au premier renouvellement, le CDI serait acquis de droit en application de la jurisprudence européenne!

Résultat: ou bien on aurait des fonctionnaires jetables, naturellement soucieux, dès leur recrutement, d’organiser leur reconversion ailleurs… ou bien on aurait des contractuels à durée indéterminée dont «l’emploi à vie» risquerait d’être aussi peu compromis que celui des fonctionnaires, sauf suppressions massives et brutales d’emplois. Ce serait là créer un climat de travail détestable dans les établissements et services où coexisteraient sans doute quatre «statuts»: les fonctionnaires plus anciens conservant cette qualité ou les agents encore recrutés par concours; les contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI), les CDD de cinq ans et, sans doute aussi, les CDD classiques pour un remplacement ou une mission de courte durée dans la limite de trois ans.

Bonjour l’efficacité ! bonjour l’organisation des services — notamment là où la technicité de l’emploi n’est pas liée seulement au niveau de qualification mais à l’expérience acquise. Dans un tel système, outre les abus (le recrutement par concours n’est pas arrivé par hasard dans la République), nombre de CDD de cinq ans, au moment où ils seraient opérationnels, mais parfois même avant de pouvoir atteindre un niveau d’expertise, devraient quitter leur emploi. Le jour où, notamment, les services administratifs et financiers, les ingénieurs et personnels techniques seront recrutés de la sorte, on se rendra compte — même si les enseignants échappent (provisoirement?) au dispositif — que, pour reprendre une expression de la nomenclature internationale, sans «personnels supports» il n’y a pas de service public qui puisse fonctionner efficacement.

Mais la continuité du service public pèse sans doute peu face à la volonté de s’engager en tribune sur des propos de café du commerce… mais des propos qui l’engagent pour l’avenir, et qui sont d’autant plus dangereux.


Complément (7 octobre 2014)

Revenons sur le «jour de carence» que Nicolas Sarkozy propose de rétablir. La publication du décret sur les arrêts maladie des fonctionnaires devrait, en toute logique, mettre un terme à tant de démagogie anti-fonctionnaires (Plus sur cet article du site). Tout arrêt maladie doit être justifié et justifiable. Le décret 2014-1133 du 3 octobre 2014 traite cette question et pour nous doit la régler définitivement, mais ne sous-estimons pas les effets d’une hargne démagogique qui fait des fonctionnaires les boucs émissaires des maux de la République.